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CINQUIÈME ÉPOQUE.

Sanction du décret de la déclaration de guerre. Affaire de Mons. Licenciement de la garde du roi. Camp de vingt mille hommes près Paris. Journée du 20 juin. Lafayette à l'assemblée nationale. La patrie déclarée en danger. 10 août. Décret d'accusation contre Lafayette. Son départ. Dumourier, général en chef. Massacre du 2 septembre. Invasion des Allemands. Bataille de Valmi. Retraite des armées prussiennes et autrichiennes.

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LA sanction du roi suivit immédiatement le v. Epi décret; c'était encore une formalité nécessaire. La grandeur et l'importance de la démarche (1). firent croire d'abord qu'un délai mettrait quelque intervalle entre le décret et la sanction. On s'était aperçu, pendant le discours du roi, qu'un sentiment pénible l'affectait, et sa voix s'était même sensiblement affaiblie en prononçant la formule de déclaration de guerre; mais le fer

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V. E était engagé, et la retraite impossible. Ce n'était pas sans de grandes inquiétudes, que les hommes amis de leur pays le voyaient s'engager dans une guerre qui devait inévitablement devenir générale avec toute l'Europe. Les armées prussiennes et autrichiennes, que l'on affectait depuis longtemps de prendre pour modèle, avaient une réputation de supériorité qui seule était un danger d'opinion. Une paix de trente années avait un moment seulement été interrompue par l'expédition de Corse et par la campagne d'Amérique. Peu de troupes y avaient pris part; peu de chefs avaient vu la guerre, et même peu d'officiers généraux. Aux variations de système, qui avaient souvent changé l'état de l'armée, il fallait ajouter les derniers mouvements révolutionnaires qui l'avaient agitée : tous les principes de subordination et de discipline étaient méconnus par système; plus de la moitié des officiers avaient donné leur démission par mécontentement ou par force: ce qui restait était plutôt un objet de méfiance que d'assurance. L'armée était loin du complet; il aurait dû excéder 200 mille hommes, à peine l'effectif se montait à 120 mille, par la désertion, suite du désordre.. L'Autriche et la Prusse seules pouvaient mettre 300 mille hommes en campagne, et il était aisé de prévoir que ces deux puissances entraîneraient l'empire et toutes les armées du

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nord. La Suède s'était déclarée; la Russie finis- V.. Ep. sait une guerre glorieuse contre le Turc; les 1792. branches de la maison de Bourbon, établies en Espagne et en Italie, assuraient leurs forces aux princes Français émigrés ; celles du roi de Sardaigne l'étaient par les alliances de famille ; l'Angleterre, par sa rivalité, et par les intérêts politiques; tout ce qui tenait en Europe aux prérogatives des couronnes, à cause des opinions religieuse ou par les distinctions de noblesse. C'était contre ces forces et avec ces moyens, que la France se levait et faisait un appel à l'Europe. Tous les hommes qui pensaient, craignaient; les hommes qui sentaient ne craignaient pas. On mit en opposition aux forces armées de l'Europe, la force de l'opinion; l'opinion dut armer un million d'hommes en France, et l'opinion les arma. Aux premiers bruits de guerre, les villes, les villages, les hameaux, envoyèrent une population armée, et les routes furent couvertes de bataillons de gardes nationales. On forma d'abord trois corps; un en Flandre, aux ordres du maréchal Rochambeau; un sur la Moselle, près de Metz, commandé par Lafayette; le vieux maréchal Luckner commanda en Alsace, dans les deux départements du Rhin; Dumourier dirigeait à la fois les opérations politiques et les opérations militaires. On se croyait sûr d'un parti révolutionnaire dans les Pays-Bas; et malgré l'avis

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V. Ep. opposé du général Rochambeau, une entreprise fut décidée sur Mons et sur Tournai. On combina, en même temps, ou plutôt, décida une tentative sur Furnes, tandis que Lafayette, averti trop tard, et sans aucun moyen, devait, avec son armée, partir de Metz, et par une marche de 60 lieues, se trouyer, à jour nommé, le 30 Pièces j. avril, à Givet, pour se porter sur Namur. Le maréchal Rochambeau reçut, du ministre Dumourier, des ordres cachetés, qu'il dut remettre 29 avril. aux généraux Dillon et Biron. Biron partit de Valenciennes avec dix bataillons et dix escadrons, pour attaquer Mons; il se porta, le 29, sur Quiévrain, dont on s'empara ; les troupes autrichiennes avaient pris une position en avant de Mons; on la jugea inattaquable, et en même temps, la fatigue de la journée, et les dispositions du soldat, firent craindre de hasarder une retraite de nuit devant des troupes fraîches; mais vers les 10 heures du soir, deux régiments de dragons montent à cheval sans ordre, et reprennent précipitamment la route de Valenciennes ; les généraux essayent en vain de les arrêter; ils sont entraînés; on criait : « nous sommes trahis. » Le désordre et le tumulte empêchèrent de rallier les troupes; on ne put les reformer qu'une lieue en arrière, et la plus grande partie des fuyards ne s'arrêta qu'aux portes de Valenciennes. Biron, alors, essaya de rassurer l'incerti

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tude du soldat par un mouvement en avant, le V. Ep village de Quiévrain fut rattaqué et repris; mais ayant voulu y faire marcher de nouvelles troupes elles refusèrent. Il fallut se décider à la retraite, qui fut bientôt une déroute. Le maréchal Rochambeau sortit avec la garnison de Valenciennes, et protégea la rentrée; mais le camp fut pris et pillé.

A Lille, les mêmes causes avaient eu les mêmes résultats; le général Dillon devait, avec un corps de cavalerie de dix escadrons, faire une tentative, et d'après ses ordres, seulement, une fausse attaque sur Tournai. Le désordre et la déroute y furent plus prompts encore. A peine la ligne fut formée, que les cris de trahison s'élevèrent. Des troupes ennemies parurent sur le flanc gauche, et d'après le rapport même du général ennemi, avant que l'infanterie ait pu faire une seule décharge, avant que la cavalerie ait été assez avancée pour pouvoir l'atteindre, l'armée française prit la fuite, tout fut également perdu, et le désordre porté par les fuyards dans Lille, y mit tout dans le plus grand danger. Quelques prisonniers faits avant l'action furent lâchement égorgés, et le malheureux général Dillon massacré par ses soldats. Cet accord même dans les moyens de dissolution et de désordre, prouvait qu'ils étaient préparés. Les factions opposées y trouvaient également.

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