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Or, Polybe, Plutarque, Tite-Live et tous les écrivains ont remar qué précisément le contraire, et avec raison, puisque la phalange de Philippe et d'Alexandre, était près de quatre fois plus nombreuse que la légion, deux fois plus compacte (1), et armée de sarisses trois fois plus longues que le pilum.

Je crains, en terminant ces remarques, que le lecteur jugeant le précis par les points que j'ai cru devoir signaler, ne s'en fasse une idée trop peu avantageuse. Tel est l'effet de la critique la plus modérée, dès qu'elle n'a point à relever dans un livre de ces beautés particulières, que n'admettait pas ici le genre du travail que M. Altmeyer s'était imposé. C'est un maigre éloge en effet, au moins dans le langage des journaux de notre époque, que de dire d'un historien qu'il a bien choisi dans les livres des autres. Pourtant si M. Altmeyer avait mérité cet éloge sans restriction, il pourrait se flatter d'avoir rendu un service immense à la jeunesse belge et aux bonnes études. L'attention que son travail a obtenue est un commencement de succès qui doit l'engager non pas à se reposer sur son œuvre, mais à continuer courageusement ses efforts. Son Précis, dans son état actuel, n'est pas encore un ouvrage dont on puisse se servir autant qu'il serait désirable; mais je ne crois pas exagérer en disant que c'est déjà un ouvrage dont on ne peut

pas se passer.

H. G. MOKE.

(1) Le soldat légionnaire occupait 6 pieds: le soldat de la phalange 3. POLYBE XVII, 24.

REVUE FRANÇAISE,

NOUVEAU RECUEIL PÉRIODIQUE, PUBLIÉ A PARIS.

ON connait l'influence qu'exerça en France sur le monde politique et savant l'ancienne Revue Française, l'organe le plus avancé de l'opinion libérale dans les dernières années de la restauration. En même temps que des hommes d'une réputation déjà consacrée, comme MM. Guizot et De Broglie, y développaient des doctrines avec autorité, de jeunes talents apportaient sur les sciences, l'histoire et la littérature, des théories neuves et hardies, plutôt que complètes, des germes heureux que le temps a depuis fécondés. C'est là que s'essayèrent MM. Rossi, Elie de Beaumont, Ch. Lenormant, etc. qui occupent aujourd'hui une place distinguée dans l'enseignement supérieur; c'est là, qu'Armand Carrel jeta les fondements de sa brillante et rapide illustration par ses articles sur la guerre d'Espagne de 1823.

Cependant la lutte devenait de jour en jour plus animée entre l'esprit nouveau et l'esprit de la vieille monarchie. En 1850, il fallut quitter la discussion pour l'action, et la Revue Française, en abandonnant à la vie politique ses plus célèbres collaborateurs, disparut dans le triomphe de ses propres doctrines.

Aujourd'hui que le calme renait dans les intelligences comme dans la société, que l'ardeur ralentie du combat permet à la pensée de reprendre son paisible cours, il a paru à quelques esprits éclairés, que le temps était venu de renouer les traditions de l'ancienne Revue Française, de seconder la renaissance des fortes études, des fermes croyances, de la science dans sa plus haute expression, et c'est le but que se propose d'atteindre le

nouveau recueil qui a commencé de paraître en Juin 1837 . sous le titre de Revue Française. Notre sympathie était acquise d'avance à une tentative dont l'idée, s'il nous est permis de le dire, présentait quelque analogie avec le but même des Nouvelles Archives (1).

Nous avons suivi avec intérêt les premiers pas de la Revue, et malgré l'incertitude et les tâtonnements qui se rencontrent inévitablement à l'origine de toutes les publications nouvelles, nous nous plaisons à constater que la Revue Française en moins d'une année a conquis une position certaine dans la presse périodique, et que désormais elle peut compter sur l'avenir.

L'Introduction, où sont exposés les principes de la Revue, et que l'on sait être de M. Rossi (2), est un tableau vif et saisissant des tendances de l'époque actuelle, de leurs causes, de leurs origines, de la part de bien et de mal qu'elles renferment. Il est remarquable que le célèbre publiciste se montre préoccupé presque exclusivement du point de vue religieux. Après avoir caractérisé d'une manière impartiale le siècle auquel nous succédons, il signale avec énergie les ravages du scepticisme au sein des générations contemporaines, il appelle le retour des croyances que lui semblent présager des symptômes favorables; cependant il le voit encore plutôt comme une espérance que comme un fait. Mais la Revue Française a-t-elle des convictions bien arrêtées, bien fermes, à opposer au scepticisme qu'elle flétrit dans la science comme dans la vie publique et privée ? Jusqu'ici la Revue nous semble partager un peu à cet égard la position où M. Rossi nous représente la société française. Elle repousse le scepticisme, elle dépose les préjugés, les antipathies d'un autre âge, auxquels l'ancienne Revue Française faisait encore une part trop large, et c'est là un progrès

(1) Voyez le prospectus des Nouvelles Archives, Avril 1837, et l'introduction de la Revue Française, Juin 1837. Les mêmes tendances y sont quelquefois exprimées dans les mêmes termes.

(2) La Revue Française avait d'abord publié ses articles sans y joindre le nom des auteurs. Elle vient d'adopter l'usage généralement suivi.

sans doute, un progrès immense, presque universellement accompli en France, où les inspirations du XVIIIe siècle sont tellement affaiblies, qu'on les juge sans passion et qu'on les renie sans colère (1). Mais si l'on cesse de se complaire dans ses propres ténèbres, si l'on ne s'en vante plus, la lumière pour cela n'est pas rendue au monde, la vérité n'a pas repris ses droits. Toutefois, encourager les études fortes et sérieuses, comme la Revue s'en impose la mission, développer le sentiment de l'impartialité, et par dessus tout savoir juger son siècle et non pas l'adorer, c'est mettre les esprits dans une bonne voie, et leur offrir du moins un refuge pendant l'orage.

La Revue Française ne s'occupe pas seulement de la France: elle a aussi pour objet de faire connaître le mouvement scientifique des autres pays. Déjà elle a tenté quelques excursions en Allemagne et jusqu'en Amérique mais cette partie de sa tâche laisse encore beaucoup à désirer. Nous espérons que ses promesses pourront bientôt se réaliser, spécialement en ce qui concerne l'Allemagne; il est à désirer que l'érudition allemande se popularise en France, autant dans l'intérêt de l'Allemagne que dans celui de la France même.

Pour donner une idée de la variété et de l'intérêt des articles publiés jusqu'à ce jour, nous allons présenter une liste de cenx qui nous semblent mériter spécialement l'attention des lecteurs. Nous avons déjà parlé de l'Introduction, par M. Rossi; voici le titre des autres articles: histoire de la littérature française au moyen-âge, comparée avec la littérature étrangère (leçon du cours de M. J. J. Ampère, professeur au collège de France); cours de mammalogie de M. Isidore Geoffroy-St.-Hilaire, professé au muséum d'histoire naturelle; de la situation actuelle des partis en Angleterre (trois articles remarquables de M. Duvergier de Hauranne); les procès-verbaux du sénat romain, par M. Victor Leclerc, doyen de la faculté des lettres de Paris; de la loi sur

(1) Voyez par exemple le discours de réception de M. Guizot à l'Académie Française.

les sucres; du cadastre, dans ses rapports avec l'impôt foncier, la propriété territoriale et l'agriculture; parrallèle de l'Asie ancienne et de l'Asie moderne, par M. Ch. Le Normant; de l'instruction publique en Hollande, par M. Cousin; de la réduction de la dette cinq pour cent ; de la question musicale actuelle à l'occasion de la messe de requiem de M. Berlioz, par M. Joseph D'Ortigue; des associations en commandite, par M. Persil; programme d'un cours de littérature espagnole, par M. Fauriel; des écrivains latins au III° siècle, par M. J. P. Charpentier; Turgot, par M. Blanqui ainé; souvenirs de l'assemblée constituante, par M. Ch. Lacretelle; poésies inédites de Silvio Pellico, par M. De Latour; gisements de la houille en Europe, par M. Colegno; statistique de la France; enfin (et c'est l'article le plus important, à notre avis,) de la démocratie dans les sociétés modernes, par M. Guizot.

Un recueil qui en huit mois a su réunir de tels noms et publier des travaux aussi étendus, a bien mérité du monde savant. S'il sait repousser avec plus de sévérité encore qu'il ne la fait jusqu'à ce jour, des essais faibles ou vulgaires, s'il donne plus de développement, un caractère plus élevé et plus précis à ses critiques littéraires et scientifiques, il est destiné à exercer une belle et salutaire influence sur la marche de la civilisation française.

FR. HUET.

(1) La Revue Française paraît le ler et le 15 de chaque mois, et forme 6 volumes in-8o, de 400 pages, par année. Le prix d'abonnement est pour Paris de 40 francs par an, et de 44 pour les départements. On s'abonne à Paris, au bureau de la Revue, rue de Grenelle St. Honoré, No 55, Hôtel des Fermes; à Bruxelles, chez L. Hauman.

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