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est dûment constatée, le juge prononce la mise en liberté du prisonnier. Celui qui dans une intention frauduleuse, transporte sa fortune hors de l'arrondissement, la cache, ou en dispose, est déclaré coupable d'un délit, et puni.

L'emprisonnement pour dettes est donc déjà aboli dans plusieurs états de l'Union Américaine: il le sera bientôt en Angleterre. La législation sur la contrainte par corps a été améliorée en France; des hommes d'état comme De Broglie, des commerçants comme Laffitte, en demandent l'abolition complète. La Belgique restera-t-elle seule en arrière du progrès général ?

F. LAURENT.

BIOGRAPHIE BELGE.

RATHER, ÉVÊQUE DE VÉRONE ET DE LIÉGE.

Le commencement du Xe siècle est peut-être l'époque du moyenâge qui présente l'image la plus complète de l'ignorance et de la barbarie. Les belles institutions de Charlemagne avaient peu à peu dépéri par la négligence et l'imbécilité de ses successeurs, par les guerres intestines et les guerres étrangères; elles avaient été étouffées dans cette lutte inégale avec l'esprit grossier et barbare des conquérants germains. La nuit profonde qui enveloppait la société européenne, ne fit que s'épaissir à la suite des invasions des Northmans, des Sarrasins et des Magyares, sur le passage desquels toute culture fut détruite, les terres fertiles changées en déserts, les églises et les monastères en monceaux de ruines, arrosés du sang des prêtres et des moines. Ceux-ci étaient les seuls dépositaires d'un reste de science; mais s'il est vrai que les couvents, au milieu de la décomposition de la société, rendirent d'éminents services à la civilisation, il ne s'élève pas non plus de doute sur un fait bien déplorable, savoir qu'au commencement du Xe siècle, la vie monastique était tombée dans un état de désordre, qui réclamait de grands remèdes.

Si l'on jette un coup-d'œil sur les institutions et sur les hommes de la Belgique pendant ces temps malheureux, on voit avec plaisir que tous n'avaient pas également subi le sort général. La culture intellectuelle et la discipline avaient été maintenues en honneur dans plusieurs monastères, et il s'éleva parfois des

prélats qui résistant au torrent destructeur, jetèrent de nouveaux fondements de régénération dans la sphère étroite d'action qui leur était ouverte. Tel nous apparait à Liége l'évêque Francon, ami des lettres autant que guerrier intrépide, établissant de nouvelles écoles et ceignant en même temps l'épée pour repousser les hordes Scandinaves de Godefroid. Très-versé luimême dans la philosophie, la rhétorique et les mathématiqnes, il fit enseigner ces sciences à Liége et forma des élèves dignes de lui. Tel encore se montre son successeur Etienne, sous lequel les études prospérèrent à un tel point, que la renommée des écoles de Liége se répandit au loin (903).

Mais ces institutions de l'église de St. Lambert sont surpassées par celles de Lobbes aussi bien en éclat qu'en ancienneté. L'abbaye de Lobbes dut son origine à St. Landelin, qui avant sa conversion exerçait dans les environs de Thuin d'horribles brigandages sous le nom de Morose (653). Si l'on en croit le chroniqueur Fulcuin, Lobbes fut ainsi nommé du ruisseau de Laubac ou Laubbach, qui lui-même doit son nom à l'ombrage épais des forêts qu'il traverse. L'aménité de sa situation attirait fréquemment les rois Francs, quand fidèles à leurs habitudes des bois germaniques, ils se livraient à l'exercice de la chasse, et le modeste asile ouvert par le pécheur converti devint bientôt un de leurs rendez-vous favoris. Grâce aux libéralités des royaux chasseurs et surtout après que le vainqueur de Testri eut pris la place des rois fainéants, l'abbaye de Lobbes prit de rapides accroissements (1). Un de ses abbés, Francon, étant devenu évêque de Liége, l'obtint de son parent Arnoulf, roi de Germanie, pour l'église de St. Lambert (888), et cette donation fût confirmée en 908, par Louis, le dernier des Carlovingiens en Allemagne. On crut que ce n'était pas trop de deux diplomes royaux pour s'assurer une aussi importante possession; car Lobbes

(1) FULCUIN, chron. de l'abb. de Lobbes dans le spicil. de D'Achery, T. 1. FISEN, hist. Leod. 1. III. IMBERT, géogr. pagorum. V. aussi la savante notice sur l'abb. de Lobbes, par M. Schayes. Messager des arts de Gand,

commandait à cent ciuquante-trois villages, et ses immenses richesses lui firent donner le nom de Vallée d'or (1). Malgré ces moyens de luxe et de mollesse les moines ne s'étaient pas laissé entraîner à une vie fainéante et déréglée. Réduits à leurs propres forces pour protéger leurs biens contre l'avidité des barbares et des ennemis indigènes, ils avaient élevé de grands travaux de fortification à Thuin et aux environs; au besoin ils maniaient eux-mêmes la lance et l'épée et ils eurent le bonheur de résister victorieusement à un corps de féroces Hongrois, introduits dans le pays par un traître, qui se répentit trop tard (2); il n'y avait que les descendants de Charlemagne qui se débarassaient des barbares au prix de l'or.

Dans les temps paisibles, les loisirs que leur laissaient les prières et les œuvres pieuses, ils les consacraient à cultiver les sciences, les lettres et les arts. Aussi comptaient-ils parmi eux bon nombre d'hommes d'une grande réputation de savoir aussi bien que de piété. Ils pouvaient être fiers de la possession d'un Théodulf, d'un Abel, d'un Scamin, d'un Théoduin, et surtout d'un Rather, dont nous nous sommes proposé de donner ici une courte notice biographique (3).

Rather qui brilla au premier rang parmi les évêques de l'Italie, mérite en effet d'être mentionné spécialement. Sa grande instruction au milieu de l'ignorance des prêtres italiens, sa probité et ses mœurs pures contrastant si singulièrement avec la dépravation générale, ses constants efforts pour établir la discipline et l'ordre à la place de la dissolution et de l'anarchie, sa lutte violente contre les principes de décadence morale, les services qu'il rendit à la religion, enfin ses malheurs et les événements variés de sa vie en font une apparition intéressante pour son époque.

On ne sait rien sur la jeunesse de Rather. Le lieu précis de sa naissance, ses parents, ses premières études nous sont inconnus. Il est cependant hors de doute qu'il fut originaire de l'évêché

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de Liége (1), et il paraît qu'il appartenait aux classes inférieures de la société, quoiqu'on ne doive pas prendre au pied de la lettre le reproche que lui firent ses ennemis d'être fils de charpentier (2). Il était d'ailleurs étranger à la noblesse par son caractère, par ses goûts trop simples au gré de ses adversaires, par son aversion pour le luxe et l'ostentation, et par la gêne qu'il éprouvait à la cour et au milieu des grands.

L'histoire ne s'occupe de lui que quand il a échangé la vie paisible de son abbaye contre le fracas et l'agitation de la vie publique, pour laquelle il n'était peut-être pas fait. L'élévation subite d'Hilduin, son ami et moine comme lui à Lobbes, le tira de sa retraite savante. A la mort d'Etienne, évêque de Liége, Hilduin, parent des comtes de Provence, ambitionna sa succession et s'adressa à Gislebert, duc de la Lotharingie, dont l'évêché faisait partie (3). La grande naissance du moine de Lobbes, ses alliances, ses offres avantageuses lui firent facilement atteindre son but (4); car Gislebert négociait alors une alliance avec le roi de Germanie, Henri l'Oiseleur, pour dépouiller Charles le Simple du simulacre de puissance royale qui lui restait encore, et il avait besoin d'argent pour son projet ambitieux. Il le renvoya devant l'assemblée du clergé et du peuple de Liége, qui avait le droit d'élection; et comme les Liégeois n'auraient pas osé agir contre sa volonté toute-puissante,,c'était le créer évêque. Hilduin fut donc élu et sacré par Hériman, archevêque de Cologne. Mais, dit Fisen, ce ne fut pas en berger mais en loup vorace qu'il vint gouverner le troupeau dont il s'était procuré la garde. Pour tenir la promesse faite à son protecteur, il vida le trésor de l'église et eut recours à toutes sortes d'exactions. Ces commencements odieux changèrent entièrement les esprits à son égard, et comme les

(1) EGID. CHAPEAUV. 1. I, c. 47.

(2) Conjectura qualitatis cujusd. œuvr. de Rather. apud d'Achery. T. II. ROGER vit. St. Brunon, c. 38.

(3) FISEN, 1. V, VI et les autres hist. de Liége.

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(4) FISEN, ib. qui se trompe cependant en disant Hilduin abbé de Lobbes; il le confond avec Fulcuin. V. DUPIN, bibl. des aut. eccl. T. 8.

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