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à feu et à sang chez les Morins, les Ménapiens, les Brabançons, les Flamands ou plutôt les Flandrois qui étaient restreints dans la partie de la Flandre appelée depuis le Franc de Bruges, dont se formait proprement l'ancienne Flandre, à laquelle furent réunies, dans la suite, des parties voisines qui prirent le nom commun de Flandre ('). Ces barbares, plus avides de destruction que ceux qui avaient envahi Rome en 476, ne laissèrent, pour ainsi dire, après leurs incursions dévastatrices, que les pierres éparses des monuments, des édifices publics et autres, et même des murailles dont des fragments et de rares vestiges restèrent à peine debout. Ce fut en 880-881 que ces autres Vandales du moyen-âge exercèrent ces désolations affreuses après lesquelles, rassassiés de sang et de carnage, gorgés des trésors d'un butin riche et immense, ils revinrent à Gand où ils avaient déjà hiverné dans le mois de Novembre de la première des deux années que nous venons d'indiquer.

Les documents curieux et authentiques dont nous avons tâché de rapporter les faits les plus intéressants, les particulatités les plus pittoresques, et qui se prêtent le plus à la nouvelle manière de retracer les faits historiques, en faisant en quelque sorte passer les siècles sous nos yeux tels qu'ils ont été avec leur bon et leur mauvais côté, pourront contribuer, pensons nous, à donner une idée plus exacte et plus nette de St. Liévin et de son époque, des mœurs de ses contemporains et de ce qu'a été réellement, de ce qu'a fait et souffert le plus célèbre prédicateur et missionnaire de la foi chrétienne chez les Brabançons et chez les Flamands.

Nous regrettons seulement en finissant, qu'un sujet d'un si haut intérêt pour les deux provinces les plus remarquables de notre royaume, où les études historiques reprennent si honorablement tant de vie et d'activité, n'ait pas encore trouvé, pour le traiter plus savamment et avec plus d'attrait, une plume

(1) Mémoire couronné par l'académie de Bruxelles en 1770, p. 56.

plus habile et plus exercée que la nôtre dans l'art de rehausser par le charme du style, l'importance de faits dignes de fixer l'attention et la curiosité non seulement de la Belgique mais de l'univers chrétien.

A. J. BECArt.

DE LA LÉGISLATION

SUR LA CONTRAINTE PAR CORPS.

SECOND ARTICLE.

L'EMPRISONNEMENT pour dettes peut être envisagé sous plusieurs points de vue. On peut le considérer d'abord, abstraction faite des diverses matières dans lesquelles il reçoit son application, et se demander, s'il est compatible avec notre ordre social, s'il est nécessaire; on peut examiner ensuite s'il n'y a pas de raisons spéciales qui dans certains cas exigent le maintien de cette voie d'exécution.

Je commencerai donc par exposer les arguments généraux en faveur de l'abolition de la contrainte par corps; j'examinerai ensuite si l'on doit admettre des exceptions pour quelques affaires civiles, pour les actes de commerce, les condamnations pénales, les jugements contre les étrangers et les créances du fisc; enfin je présenterai un aperçu des progrès de la législation sur la matière.

S. V.

LA CONTRAINTE PAR CORPS EST-ELLE COMPATIBLE AVEC LES PRINCIPES DE NOTRE ORDRE SOCIAL? EST-ELLE NÉCESSAIRE?

I. La contrainte par corps viole la liberté individuelle.

La contrainte par corps viole le principe fondamental sur lequel reposent les sociétés modernes, le principe de la liberté

individuelle (1). L'emprisonnement pour dettes est une loi de servitude, il a la même origine, le même fondement que l'esclavage: l'histoire et la théorie le prouvent. Sous quelle forme rencontrons-nous d'abord la contrainte par corps? Sous la forme de l'esclavage. Le débiteur insolvable devenait l'esclave du créancier chez les Hébreux, les Grecs, les Romains. La servitude pour dettes s'est maintenue, jusqu'à ce que la civilisation eût amené l'affranchissement des serfs; alors elle se tronsforma en contrainte par corps: mais elle se cache mal sous cette métamorphose, elle conserve toujours les caractères de l'esclavage. Qu'est-ce en effet que l'esclavage, sinon l'exploitation de l'homme au profit d'un intérêt particulier? et qu'est-ce que la contrainte, sinon l'exploitation du débiteur au profit de l'intérêt pécuniaire du créancier? Le créancier a beau invoquer l'intérêt public, l'intérêt public, et je le démontrerai, est hors de cause; il ne s'agit en dernier résultat que de donner au créancier un moyen de parvenir au payement de sa créance: c'est à un intérêt purement individuel, à un intérêt pécuniaire, que l'on sacrifie la liberté de l'homme.

Et dans quel temps prétend-on maintenir cette loi de servitude? Dans un siècle inauguré par le triomphe de la liberté individuelle sur les débris de la servitude du moyen-âge, dans un siècle qui a voué un culte à la liberté. Comment une institution, dont la cause est la même que celle de l'esclavage, subsisterait-elle dans cet état de la société? L'on conçoit qu'à Rome, ou l'esclavage faisait une partie essentielle de l'organisation sociale, la servitude pour dettes ait existé. Mais nous avons proscrit l'esclavage, nous en poursuivons l'abolition sur toutes les mers, nous n'admettons plus que l'homme soit vénal, la liberté individuelle est inscrite en tête de notre constitution: jusqu'à quand souffrirons-nous la servitude déguisée sous le nom de contrainte par corps?

Cette incompatibilité de l'emprisonnement pour dettes avec

(1) MITTERMAIER, Archiv für civilistische praxis, T. XIV, p. 129 et suiv.

la liberté individuelle est reconnue par des hommes, qu'on n'accusera pas de professer des idées exagérées (1). C'est un fait sur lequel il y a en quelque sorte accord unanime. Certes les gouvernements sont les derniers à avouer, qu'une institution qu'ils défendent soit contraire à la liberté et cependant l'on a vu le gouvernement français dans l'exposé des motifs d'un projet de loi sur la contrainte par corps déclarer qu'elle violait la liberté individuelle (2): c'est qu'on ne nie pas la clarté du jour. Cette opinion fut partagée par la minorité de la commission chargée par la chambre des pairs d'examiner le projet : dans cette minorité se trouvait le duc de Broglie.

Les fait donnent malheureusement une confirmation éclatante à cette opinion. On pourrait croire que si la contrainte par corps est en opposition avec la liberté individuelle, c'est dans le droit, mais que dans le fait elle est rarement prononcée, et seulement dans les circonstances où l'intérêt du créancier n'est que l'accessoire de l'intérêt général. Mais voyez ce qui se passe dans l'état le plus libre du monde moderne, et jugez.

Aux États-Unis le nombre des détenus pour dettes s'élève dans le Massaschusetts à 3000 sur une population de 523,287; ainsi il y a 1 détenu sur 174,42 habitants. Dans le New-York il y a 10,000 prisonniers pour dettes sur une population de 1,918,618, 1 sur 191,86; dans la Pensylvanie 7000 sur 1,049,458, 1 sur 149,92, dans le Maryland 3000 sur 407,350, 1 sur 135,78. Dans les autres états de l'Union on observe une proportion analogue des détenus pour dettes à la population.

Dans tous les états de la République il y a beaucoup plus de personnes emprisonnées pour dettes que pour délits; par exemple à Worcester la proportion des prisonniers pour dettes aux détenus pour délits est de 3 à 1; à Rhode Island de 4 à 1; dans Courtland Village de 8 à 1, à Flemington de 6 à 1 (3).

(1) Voyez MITTERMAIER, au passage cité. Voyez plus bas le § VII.

(2) Exposé des motifs du projet de loi de 1829, sur la contrainte par corps. (3) Il m'est impossible d'établir une comparaison avec la Belgique, à cause du

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