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la plupart des documents qu'il renferme sont réimprimés avec plus de fidélité d'après les textes originaux.

Si nous nous sommes, dans cet article, appésanti plutôt sur les inexactitudes de l'ouvrage de M. Warnkoenig, que sur les diverses qualités qu'il présente, c'est qu'il nous a paru important de ne pas laisser s'accréditer des erreurs trop généralement reçues et auxquelles le nom et le talent de l'auteur venaient donner une nouvelle consécration (1).

P. A. LENZ.

(1) Cet article est extrait du rapport fait à la Société Historique qui vient de s'organiser à Gand, pour l'étude des annales et des monuments des Flandres. Nous accueillerons avec plaisir les comptes rendus des travaux de cette sociéte, toute les fois que l'étendue de notre journal nous le permettra. Nous espérons que les grandes questions de notre histoire locale et les ouvrages d'une importance réelle, comme celui de M. Warnkoenig, seront successivement examinés par les membres de cette association.

NOTE DE LA RÉDACTION.

Nous venons de recevoir le premier numéro du Belgisch Museum, journal littéraire flamand, publié en cette ville par Mr J. F. WILLEMs, si honorablement connu par ses savantes publications sur l'histoire et la littérature nationales. Nous rendrons compte dans une prochaine livraison de l'article qui sert d'introduction à ce recueil, et nous applaudissons de toutes nos forces aux efforts généreux dont il est un nouveau signal.

COMMERCE DE ROME,

SOUS SES DERNIERS ROIS.

SOUTENIR que l'ancienne Rome ait été commerçante, dit l'un des plus illustres savants de l'Allemagne, c'est émettre une opinion complètement invraisemblable. Les institutions et la langue des Romains nous offrent partout la preuve que les ressources nationales consistaient dès le principe dans l'agriculture: le négoce était d'abord si méprisé que les marchands n'étaient point compris dans les classes; et au sixième siècle encore le commerce était interdit aux Patriciens (1).

Cette condamnation si formelle est basée sur des faits certains. Que Rome fût avant tout agricole, c'est ce qu'il est impossible de méconnaître, et il n'y a pour nous aucun doute que la division territoriale n'eut été la première base de l'état. L'exclusion des marchands du service militaire et des droits politiques, qui paraît s'y être prolongée jusqu'au règne de Tarquin l'Ancien ou de Servius Tullius, était une conséquence naturelle de cet état de choses primitif. Plus tard, au sixième siècle, et quand la guerre fut devenue la source de la richesse et de la grandeur publique, le négoce exercé par des sénateurs eut paru flétrissant personne ne peut le contester. Mais entre Tarquin l'Ancien et le tribun Q. Claudius il s'était écoulé plus de 350 ans et dans cet intervalle les circonstances avaient pu changer plusieurs fois. S'il fallait chercher des exemples analogues autour

(1) WALTER, Ueber Niebuhr und Schultz, p. 13.

de nous, un espace plus court n'a-t-il pas vu fleurir, s'éteindre et renaître le commerce et l'industrie de la Flandre? Les républiques d'Italie au moyen-âge nous offrent-elles des vicissitudes moins frappantes? L'on nous permettra donc de dire que l'état commercial de Rome sous ses derniers rois doit être jugé d'après des monuments contemporains, plutôt que par des faits aussi éloignés. En même temps nous rappellerons au lecteur qu'il ne s'agit dans cet article que de cette partie de l'Histoire Romaine: car rien ne se ressemble moins dans notre opinion que la Rome royale et la république qui lui succéda, et dont chacun connait les traits caractéristiques.

Les monuments historiques que nous nous proposons d'interroger ici peuvent se diviser de la manière suivante: 1° Traces du commerce maritime des Romains; 2° Traces du commerce intérieur, avec les autres populations italiennes; 5° Vestiges du commerce restés dans les lois et dans les mœurs.

S. I.

DU COMMERCE MARITIME DES ANCIENS ROMAINS.

Les monuments les plus précieux du commerce de l'ancienne Rome sont les deux traités conclus avec Carthage, l'un immé diatement après l'expulsion des rois, l'autre plus tard mais avant l'entrée de Pyrrhus en Italie. Le texte en était encore conservé du temps de Polybe; mais à peine pouvait-on le comprendre tant la langue avait changé (1), et la traduction grecque que nous en donne cet auteur n'a peut-être pas, pour ce motif, toute l'autorité désirable. Néanmoins il est assez facile d'en distinguer les dispositions principales.

Si Polybe ne nous avait pas conservé ce document par un heureux hasard (puisque c'est à propos de la seconde guerre

(1) Telle est, dit Polybe, la différence du langage antique des Romains avec leur idiome actuel, que les plus habiles peuvent à peine parvenir à force d'efforts à expliquer certains passages (de ces traités). HIST. III, 22.

punique qu'il tire de l'oubli ces vieux traités) il n'y a personne qui ne se figurât, d'après l'idée que nous donnent les historiens de la monarchie romaine, que les relations commerciales entre Rome et Carthage se bornaient nécessairement à l'approvisionnement de la première ville par la seconde. Les navigateurs Carthaginois, si fameux dans l'histoire, pouvaient en effet porter aux riverains du Tybre tous les produits non seulement de l'ouest et du midi, mais aussi de la Sardaigne et surtout de la Sicile, ce grenier ordinaire de l'Italie et de la Grèce. Ce qu'ils auraient tiré en échange de l'Italie, les écrivains ne nous le disent pas; mais le cuivre, qui était abondant dans ce dernier pays, les tissus de laine auxquels travaillaient constamment les femmes romaines, peut-être aussi les nouveaux esclaves, que la loi ordonnait de vendre au-delà du Tybre (1), pouvaient donner lieu à un trafic de quelque importance. Ainsi l'on présumerait tout au plus qu'un traité de commerce entre l'ancienne Rome et la cité africaine règlerait les conditions auxquelles le marchand de Carthage était reçu dans les ports italiens. Mais quand l'on jette les yeux sur ce pacte, l'on découvre avec surprise que c'est au contraire de la navigation romaine qu'il s'agit le plus, et que c'est à elle que l'on attribue des privilèges en échange peut-être de certaines bornes qu'elle s'impose. Ce n'est même qu'à la faveur d'une hypothèse (très-probable il est vrai, et que j'admets sans balancer) que ces traités peuvent être regardés comme également favorables aux deux parties. Si on les prenait à la lettre, tout l'avantage serait pour le Romain, qui seul y apparaît comme approvisionnant Carthage de ses marchandises et avec ses vaisseaux. Etrange contraste, qui mérite bien quelque attention car il s'agit ici de Carthage déjà parvenue à une extrême prospérité, maîtresse des îles de la Méditerranée et de la côte d'Afrique, et qui bientôt portera ombrage à la Perse et à la Grèce. Les deux traités partent des mêmes principes: chaque peuple

(1) Dès que Rome eut acquis le Janicule et les Septpagi, le Tybre ne forma plus sa frontière dès lors l'obligation de vendre les citoyens devenus esclaves audelà du Tybre ne peut s'entendre que dans le sens de l'exportation.

s'y réserve certains droits et consent à certaines restrictions: de part et d'autre l'on semble admettre la règle d'une parfaite égalité, la réciprocité étant presque toujours exprimée. Voici les stipulations les plus essentielles.

Carthage exige de Rome 1o que ses navigateurs ne dépassent point le cap que nous appelons aujourd'hui de Tunis; 2o qu'ils ne séjournent point sur les côtes d'Afrique. Ainsi les Carthaginois se réservent le monopole de la navigation dans les parages plus éloignés, et celui du commerce avec les autres Africains: les Romains y consentent.

En revanche ceux-ci exigent: 1o l'entrée libre et sans droits dans les ports Carthaginois en Afrique et en Sardaigne; 2o la garantie par l'état de toutes les ventes faites à des particuliers par le ministère du héraut et du scribe carthaginois; 3° une renonciation formelle et très-explicite de la part des Carthaginois à toute expédition militaire et commerciale (1) dans le Latium.

Chose singulière, les conditions des Carthaginois sont ici celles d'un peuple qui règne par la conquête : vous ne traiterez qu'avec nous, vous ne communiquerez pas avec nos vassaux. L'on croirait lire un des vieux traités entre l'Espagne et l'Angleterre pour la navigation en Amérique.

Le Romain au contraire demande exemption des droits d'entrée et sécurité pour le paiement de ses marchandises. C'est donc lui qui a l'air de porter aux descendants des Phéniciens les produits de son industrie. C'est à lui qu'est réservé le rôle de l'Anglais dans les traités dont nous venons de parler. Mais consultons le texte de ces conditions romaines.

« Le navigateur qui se rendra chez les Carthaginois pour y « faire le négoce ne paiera aucun droit, excepté le salaire du héraut et du scribe. » Les vaisseaux romains portent donc des marchandises puisqu'ils supporteront les frais de vente. C'est ce que l'article suivant explique plus clairement encore.

(1) Ce dernier trait peut être contesté ; mais l'examen du texte qui l'établit va nous occuper un peu plus bas.

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