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exclure du jury ceux à qui l'on confie les premières places dans l'instruction publique.

Cependant lorsqu'il s'est agi, à la chambre des représentants, de la première nomination des membres du jury d'examen, la question qui nous occupe a donné lieu à d'assez longs débats. Ceux qui étaient opposés à l'admission des étrangers, prétendaient qu'être membre des commissions d'examen, était exercer un emploi, remplir de véritables fonctions publiques, les jurys étant institués par la loi pour l'exécution de la loi, et que dès lors l'article 6 de la constitution, qui déclare les Belges seuls admissibles aux emplois civils et militaires, ne permettait pas qu'un étranger pût faire partie du jury.

Les partisans du système contraire soutenaient de leur côté que la mission passagère, dont le jury est chargé pendant les six semaines que la loi fixe pour la durée des deux sessions de Pâques et du mois d'Août, excluait cette idée de permanence qui semble attachée aux mots emplois civils, et que d'autre part la nature de cette mission était tout-à-fait étrangère au sens des mots fonctions publiques. En effet la commission du jury ne se borne-t-elle pas à constater par un examen, si les candidats possèdent telles ou telles connaissances précises? et les diplômes sont-ils autre chose qu'une attestation publique, donnée à celui qui est sorti victorieux de sa dernière épreuve? Lorsque la loi exige le grade de docteur pour exercer certaines fonctions publiques, c'est une garantie qu'elle réclame, et non un droit qu'elle reconnaît.

Le jury déclare-t-il que l'on soit capable d'exercer telles fonctions déterminées? non; car l'instruction ne suffit pas et il ne juge que de l'instruction: c'est au ministre qui confère des emplois, à s'assurer de toutes les autres conditions nécessaires pour les remplir. Les fonctions du jury sont donc purement scientifiques, et ne peuvent par conséquent être comprises dans la catégorie de celles que la constitution réserve expressément aux nationaux.

S'il était vrai, a-t-on ajouté, que les fonctions du jury fussent

des fonctions publiques salariées, un membre des chambres qui les exercerait, devrait être soumis à une réélection, d'après l'article 36 de la constitution.

On a répondu à cette objection que la réélection ne devrait pas avoir lieu, par cela seul que la nomination se faisait par la chambre. Mais cette réponse n'est pas complète, puisqu'elle laisse la question entière pour le représentant qui tiendrait sa nomination du gouvernement.

La chambre, considérant d'ailleurs que son vote ne pouvait lier les autres pouvoirs de l'État, s'est abstenue de se prononcer sur la question de principe.

Dans notre opinion, il ne saurait y avoir aucun doute sur l'admissibilité au jury d'examen des étrangers qui font partie du corps enseignant; car des faits accomplis ont refuté la seule objection plausible que l'on ait soulevée. Si en effet prendre part à des examens et conférer des grades, constituait un emploi tel que l'entendent nos lois fondamentales, il s'en suivrait que tous les diplômes, accordés depuis la promulgation de la constitution jusqu'à l'établissement du jury, auraient été, dans certaines facultés, conférés par des personnes inhabiles à le faire: à Gand, par exemple, dans la faculté de droit, sur quatre professeurs qui siégeaient en qualité de juges, deux n'étaient pas Belges. Ainsi tous les diplômes de docteurs en droit délivrés par l'université de Gand, depuis 1830 jusqu'à la réorganisation des universités de l'État, l'auraient été inconstitutionnellement et seraient entachés de nullité. Or nous ne pensons pas cependant que personne veuille inquiéter dans leur jouissance les possesseurs de ces diplômes, et une pareille conséquence prouve évidemment la fausseté du principe. Il résulte donc des faits tels qu'ils se sont passés pendant cinq années, sous l'empire de notre constitution, que le droit d'examen est une prérogative inhérente au professorat. Peu importe du reste, pour le fond de la question, que ce droit s'exerce à Bruxelles ou à Gand, au nom d'un jury central ou d'une faculté particulière. L'acte et les conséquences qui en découlent restent les mêmes.

Nous terminerons ce que nous avons à dire sur ce sujet par une considération de justice et de convenance.

Puisque l'on a cru, dans l'intérêt de la science, devoir ouvrir les chaires universitaires aux savants étrangers, ce serait montrer une défiance mesquine que de les frapper d'incapacité par rapport au jury. Certes leur enseignement importe bien plus à la société belge que leur concours à délivrer des diplômes. Car enfin, n'est-ce pas aux leçons de son professeur, que le jeune homme va puiser des principes qui le dirigeront encore lorsque le jour sera venu pour lui de prendre un rôle dans la vie active. Exclure un professeur du jury serait d'ailleurs jeter une espèce de défaveur sur son enseignement, puisque jamais il ne serait admis à défendre ses principes et sa méthode en face du public. Il se trouverait certainement par là dans une position inférieure à celle de ses collègues ; ce qui serait une espèce de dérogation au caractère libéral de nos lois.

Mais nous insistons aussi sur ce point dans l'intérêt des élèves; car ils éprouveraient les premiers tout le désavantage de la position de leur professeur: il n'est certainement point indifférent aux candidats de se trouver en face de juges qu'ils connaissent, d'entendre un langage qui leur est familier et de ne pas devoir entrer brusquement dans un ordre d'idées nouveau, surtout lorsqu'il serait à craindre qu'un examinateur ne s'enfermât dans un système étroit et exclusif qu'il aurait exposé dans un livre. Alors les jeunes gens sentiraient le prix de compter un défenseur bienveillant parmi leurs juges.

Les diverses considérations que nous venons de présenter nous semblent suffire pour faire sentir que les services qu'on peut attendre de l'institution du jury et peut-être son avenir, dépendent entièrement de la manière dont il sera formé.

Ajoutons qu'une condition indispensable à remplir, c'est qu'il y ait corélation entre les études des différents membres qui composent le jury et les matières qui doivent former le sujet des examens. Il faut donc que chaque spécialité soit mise à sa place, et que toutes les matières principales aient leur représentant.

Or il est avéré que quelques branches n'ont pas été représentées dans les jurys de 1836, par exemple, l'anatomie qui forme la base de toute l'éducation médicale (1), tandis que d'autre part des membres ont été désignés pour l'examen de candidature, quand leur place était dans celui de doctorat, ou réciproquement. On conçoit toute la portée de méprises de ce genre; elles seraient de nature à compromettre l'institution elle-même, il est de la plus haute importance que le jury soit à l'abri de pareilles observations.

L'unité de vues et la coordination sont indispensables dans le choix de ses membres, si l'on veut que toutes les matières principales des examens soient représentées par des hommes qui les cultivent. Il nous paraît difficile que cette unité de vues, si essentielle cependant pour bien combiner entr'eux les éléments des commissions d'examen, puisse être obtenue, si le choix des membres n'est pas confié à un pouvoir qui ait une responsabilité à donner en garantie. Cette remarque, nous la faisons avec les membres de la représentation nationale, qui ont senti et relevé cet inconvénient du mode actuel de nomination.

Nous avons signalé dans cet article quelques défauts d'une institution nouvelle : nous ne nous flattons pas d'avoir trouvé les moyens qui pourraient les faire entièrement disparaître; mais nous avons cru que dans une question de cette importance, qui doit bientôt d'ailleurs subir un nouvel examen devant les chambres, c'était faire acte de bon citoyen que d'attirer les regards sur un système qui commence à subir l'épreuve du temps, et d'apporter dans la discussion le tribut des faibles lumières que notre position nous a permis de recueillir.

J. B. D'HANE.

(1) Le seul des membres du jury qui se fût spécialement occupé de cette branche se trouvait être un suppléant, et par conséquent n'a siégé que par hasard.

HISTOIRE

POLITIQUE ET LÉGISLATIVE DE LA FLANDRE,

JUSQU'A 1305, PAR L. A. WARNKOENIG.

DEUXIÈME VOLUME, PREMIÈRE PARTIE. TUBINGUE, 1886.

(FLANDRISCHE STAATS- UND RECHTS-GESCHICHTE BIS ZUM JAHR 1305, VON L. A. WARNKOENIG. ZWEITEN BANDES, ERSTE ABTHEILUNG. TUBINGEN, 1836.)

ETRANGER à nos provinces, guidé par le seul intérêt de la science, M. Warnkoenig s'est attaché à rétablir sur des données certaines et authentiques, une des époques les plus difficiles de notre histoire, et s'est acquis par ce travail des droits à la reconnaissance du pays. Cependant, quoique l'auteur semble avoir fait une étude attentive des véritables sources, dont l'ignorance a fait commettre tant et de si graves erreurs, son ouvrage est loin d'être sans défauts, et la reconnaissance ne doit point nous empêcher de soumettre les faits qu'il y avance et les opinions qu'il y émet, à l'examen d'une critique impartiale. Il n'entre pas dans notre but d'examiner le plan de l'Histoire politique et legislative de la Flandre.

Quant au premier volume allemand, les critiques détaillées qu'en ont fait les savants allemands, Lappenberg, Leo, Mittermayer et Wilda, nous dispensent d'en parler. Tout le monde connaît d'ailleurs l'excellente traduction qu'en a fait M. Gheldolf, traduction qui sous bien des rapports est supérieure à l'original, et peut même, dans plusieurs de ses parties, être considérée. comme un ouvrage nouveau (1).

(1) L'auteur s'explique lui-même à ce sujet dans la préface du premier volume de la traduction.

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