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: Le 12 Juin, on repréfenta pour la premiere fois, à Paris, fur le théâtre italien les Mariages Samnites, intermede en 3 actes, dont les paro, les font de M. du Rofoy, & la mufique de M. Gretry. Agathis & Parmenon, deux jeunes San nites, déjà fameux, touchent au moment où celui qui dans le combat qu'on doit livrer aux Romains, aura fait la plus belle action, fera le maître de choifir fon époufe parmi les filles Samnites qui fe raffembleront pour fervir de prix à la valeur. Les loix de leur pays ne veulent pas. qu'un amant ni une amante ouvrent leur cœur fur l'objet de leur paffion, avec d'autres perfonnes que les auteurs de leurs jours. Parmenon n'a point de parens auxquels il puiffe faire une pareille confidence. Agathis eft plus heureux; Eumene, fon pere, fçait qu'il brûle pour Céphalide, & fa vieilleffe ne l'empêchera point de combattre les Romains à côté de fon fils. Céphalide aime ce jeune homme, & fait part de ses tendres fentimens à fa mere, qui les approuve. Toutes les filles Samnites s'affemblent dans un cirque préparé pour les offrir aux yeux des combattans. Eliane, amie de Céphalide, jure de ne pas fe foumettre à une loi barbare qui peut ła livrer à un objet qu'elle n'aimeroit point; & la mere de Céphalide, ordonnatrice de la fête, la déclare auffi-tôt indigne de fe montrer dans le cirque au moment du choix. Agathis paroît, foutenant fon pere, auquel il vient de fauver la vie. Au milieu du combat, où déjà les Romains prenoient la fuite, Eumene étoit tombé, & alloit périr, fi fon fils n'eût pas interrompu la pourfuite de l'ennemi, en volant au fecours du brave vieillard, & empêchant qu'il ne fût foulé aux pieds. Après l'avoir confié aux foins de la mere de fon amante, il reprend fes armes, rappelle un gros de. Samnites qui fuyoient,

& les remene à la charge. Les Romains font vaincus; un officier principal de l'armée Samnite s'avance dans le cirque, & proclame trois héros. Parmenon eft le premier on lui a vu faire des chofes prodigieufes; on l'appelle, & il paroît. Agathis eft le fecond: c'est à lui qu'on doit l'heureufe iffue du combat; mais une ta che dépare fa gloire, dit-on; il a quitté fon rang avant que l'affaire fût décidée, & fa retraite a compromis la patrie. Eumene déclare auffi-tôt le motif facré de cette retraite de fon fils, dont la piété fait pardonner par le peuple la faute qu'on lui reprochoit. On parle encore d'un troisieme héros inconnu, mais auquel le général doit la vie; il ne paroît point, & on le fait chercher. L'affemblée décide alors que Parmenon & Agathis choifiront les femmes qu'ils defirent & que fi leur choix tombe fur la même beauté, ils l'obtiendront du fort. On les invite à fe communiquer hors de la barriere du cirque l'objet de leurs defirs. Les deux héros s'avancent comme deux amis qui craignent de fe caufer la peine la plus vive; ils fe demandent mutuellement le portrait de leur maîtreffe; & chaque trait de beauté qu'ils révelent l'un & l'autre eft pour tous les deux une certitude qu'ils brûlent pour la même perfonne. Agathis n'ose pas nommer fon amante; mais le nom d'Eliane échappe à Parmenon. A ce nom Agathis renaît, & prononce celui de Céphalide, qui lui eft accordée; fon ami obtient auffi Eliane; mais il la cherche envain: il demande pourquoi elle ne se montre pas, & on lui raconte la faute qu'elle a commife: Parmenon efpere qu'elle la réparera en effet, on la voit paroître en habit de guerrier, & elle eft reconnue pour la perfonne qui a arraché le général des mains de l'ennemi. Les deux héros, heureux & couronnés,

mu

s'uniffent aux beautés qu'ils ont choifies. La n fique de cet intermede, dont le fujet eft tiré d'unconte de M. Marmontel, a fait beaucoup plus de fenfation que les paroles.

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Les mêmes comédiens jouerent, pour la premiere fois, le 7 Juillet, La Femme fidelle ou Le Phénix, parodie en vaudevilles de l'opéra d'Alcefte (*), par trois jeunes auteurs. Une fem me qui a eu quelque querelle avec fon mari, à raifon de fon ivrognerie, eft fort étonnée, un matin, de ne point le trouver à côté d'elle. On l'a fait chercher vainement depuis deux ou trois jours, & il n'a point paru. Tout le village. prend part à la douleur de la veuve, qui a fait appeller un devin, de qui elle efpere apprendre ce qu'eft devenu fon époux. Ce devin, après bien des grimaces, qui font imaginées pour parodier l'enthoufiafme du grand prêtre d'ApolJon dans l'opéra, apprend à la femme que fon mari s'eft engagé, & que fi on ne donne pas dans 24 heures un homme à fa place ou 100 écus au capitaine, il fera forcé de partir. On conçoit bien que perfonne ne veut endoffer l'habit de foldat pour lui, comme perfonne ne veut mourir pour Admete. Le mari paroît, entouré de tous fes amis, qui fe réjouiffent de fon retour il demande des nouvelles de fa femme Admete, il la voit, ils s'embraffent; mais la femme, qui a fon projet dans la tête, ne prend que peu de part à la joie publique; ce qui inquiete fort fon époux ; il l'interroge envain fur fon air fombre; point de réponse pofitive, & il ne conçoit pas que fa femme foit devenue en peu de tems auffi difcrette; car elle ne dit pas fon fecret

comme

*) Voyez le dernier fupplément, pag. 81 & fuiv, où nous avons donné une légere idée de cette piece. Supplément. 3e. trimestre. 1776. D

comme Alcefte. La femme, qui a été voir le capitaine, a fait rendre la liberté à son mari, qui ne conçoit rien à cette liberté dont il-jouit. A l'entrée de la nuit, & ayant repris fes habits de payfan, l'époux, une lanterne à la main, cherche fa femme, & il la trouve fous l'habit de foldat, auprès des cafernes, où elle doit aller fe préfenter. Son mari veut l'en empêcher; mais elle s'obftine à tenir la parole qu'elle a donnée de fournir un homme. Quelques foldats du régiment cantonné dans le lieu paroiffent à demiivres, & ils réclament leur camarade, qu'ils veulent emmener avec eux, malgré les efforts du mari, lorfqu'un huffard du pays arrive comme Hercule, met en fuite les foldats, & rend au mari fa femme, qu'il redoutoit de perdre. La defcente d'Apollon dans l'opéra d'Alcefte, à la fin de l'action, eft parodiée par Arlequin, qui fe montre au-deffus des murs du château, & qui fait compliment au huffard de la bravoure avec laquelle il a mis en fuite ces foldars ivres, Tel eft le fond de cette parodie, qui, du côté de l'imagination, n'eft pas fort heureuse, mais qui a fourni aux trois auteurs des couplets affez piquans, & dont le plus grand nombre est fait avec cet art ancien du bon vaudeville françois fur des airs connus.

L'académie royale de mufique donna le 2 Août, la premiere représentation des Romans, ballet, dont les paroles font de feu M. de Monfemi, confeiller au parlement de Paris. Cette piece, dans fa nouveauté (en 1756), étoit compofée de 4 entrées, & d'un prologue; on l'a réduite à 3 actes, intitulés le premier, la Bergerie, le fecond la Chevalerie, le troifieme la Féerie; M. Can biri en a refait la.mufique, qui étoit de feu M, Niel. Acte 1er. L'Amour, triomphant

du maître de l'olympe, veut fe venger des mortels rebelles à fes loix; il vole dans un bocage, & réveille Arcas, vieux berger, qui va publier l'arrivée de ce dieu. Les bergers & les bergeres s'empreffent de rendre hommage à l'Amour, excepté Iphis & Doris, qui mettent le bonheur dans l'indifférence. Lorfqu'ils s'en félicitent, ils entendent des plaintes fous un feuillage; un enfant fe montre auffitôt, & leur demande du fecours; ils tâchent de le confoler, & l'engagent à prendre du repos. L'Amour feint de s'endormir. Les jeunes imprudens jouent, pendant fon formeil, avec fes armes; ils en font bleffés; ils s'inquietent; mais, raffurés par le fils de Vénus, ils chantent fa préfence & fes bienfaits. Acte 2e. Marfize, fille de Roger, & amante de Léon, poffede un cafque enchanté, qui lui fert à fe déguifer fous la figure de Ferragus, prince de Caftille. Elle veut éprouver le cœur de fon amant. Roger favorife le projet de fa fille ; & forfque Léon l'engage à lui accorder la beauté dont il eft épris, ce pere déclare que Ferragus s'eft armé pour lui difputer fa conquête. Léon s'en offenfe; il ofe braver Marfize, qu'il croit être Ferragus. Leur courroux éclate; Roger les excite à fe rendre au champ de Mars, & d'y combatre pour l'honneur & l'amour. Il craint néanmoins que l'enchantement ne fuffife pas pour garantir les jours de fa fille; mais l'enchantereffe Méliffe la rend victorieuse, & l'on entend célébrer le nom de Ferragus. Léon, humilié de fa défaite, déplore fon deftin, jufqu'à ce que le faux prince de Caftille,, ôtant fon cafque, fe fait connoître pour Marfize. Un pafais magnifique s'éleve à la voix de Méliffe, les Plaifirs avec les Jeux viennent célébrer le bonheur des amans. Acte 3e. Démogorgon, roi des fées, eft amoureux d'Eglantine, jeune prins

&

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