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gueillit encore de vous avoir poffèédé; j'arrive, & je reconnois le modele de mon tableau ; j'entends parler votre grandeur; des idées plus fublimes s'emparent de moi, de nouveaux traits fe préfentent à mon pinceau; je me dis alors à moi-même il faut encore qu'un véritable évêque puiffe s'élever jufqu'à cette éloquence qui admettant les images de la poésie, doit réunir la force & les graces, pleurer les morts pour l'infiruction des vivans, donner des leçons à ceux qu'on ne veut que flatter, & remtuer la cendre des tombeaux pour en faire fortir une voix qui épouvante l'orgueil jufques fous le dais. Il faut qu'il défende la religion en gagnant fes ennemis, qu'il éclaire l'efprit fans irriter le cœur, qui fouvent aime plus par opiniátreté que par conviction; qu'il détruife, les objections fans choquer l'amour-propre, le plus ferme foutien d'un parti, qu'il abandonne quelquefois les preuves pour faire voir les contradictions de fes adverfaires, & qu'en les combattant avec leurs armes, ou les enveloppant dans leurs propres filets, il nous repréfente Boffuet montrant les variations des proteftans.

Difcours prononcé par le prieur du Temple, le 7 Août, en remettant le corps de M. le prince de Conty au curé de l'Isle-Adam.

Oui, fans doute, Monfieur, c'eft ici l'une des plus grandes preuves de la fragilité & du néant des chofes de la terre. C'eft une leçon qui nous détrompe ; puisset-elle nous défabufer; Louis - FRANÇOIS DE BOURBON, PRINCE DE CONTY, n'eft plus ; ce prince, en qui le ciel avoit, ce femble, pris plaifir de réunir tous les talens de l'efprit & du cœur, toutes les grandes qualités les plus propres à foutenir, à rehauffer même, s'il étoit poffible, la fplendeur de fa maiffance, la plus augufte de l'univers il n'eft plus.

Le nom feul de ce prince infpiroit un fentiment mêlé d'admiration, de tendreffe, de refpe&t & de connance dont aucun François ne pouvoit fe défendre.

Sa réputation l'offroit partout comme l'appui du trône le bouclier de l'état, l'ami & le protecteur de la nation, &, ce qui eft bien rare, la présence du héros juftifioit fa renommée.

Ce n'eft pas à l'afpect de ce trifle tombeau que nous entrerons dans des détails mieux placés ailleurs; fes grandes actions à la tête des armées & dans le fein de Ja paix ne manqueront ni de bouches, ni d'hiftoriens fideles pour les tranfmettre à la poftérité; contentons-nous de dire ici qu'il fut regardé pendant fa vie, dans quelque fituation que le difcernement du maître, & le befoin de fon état aient exigé fes talens & fon zele, comme l'amour & l'efpoir de la nation.

La nature, fi avare de génie, fembloit avoir fait un effort pour donner au prince que nous pleurons celui de tous les genres de connoiffances. Depuis le cedre du Liban jufqu'à l'hyfope il parloit de tout; il lifoit dans le ciel avec l'aftronome; il differtoit avec le naturalif te; il calculoit avec le géomêtre; il inftruifoit le guerrier; il éclairoir le politique, les fciences, les arts, la méchanique; enfin, fon génie s'élevoit, s'abaiffoit, fe plioit à tout; il étoit ce qu'il vouloit être, hiftorien, tacticien, jurifconfulte, théologien, philofophe.

Philofophe.... à ce mot ne vous alarmez pas, chrétiens.... Jamais ni l'efprit ni le cœur de ce grand prince n'ont été infectés de ces noires vapeurs que l'efprit d'erreur & de ténebres s'eft efforcé de nos jours de répandre fur notre horifon; les livres & les auteurs de ces productions plus qu'infenfées, infernales, n'ont jamais eu aucun crédit auprès de ce grand prince; fa foi étoit vraie, folide, inébranlable. C'eft un témoignage que Fui rend un prêlat (*) digne des premiers fiecles de l'églife, dont la voix eft l'organe de la vertu, de la vérité, de la religion même.

Le public auroit reçu une preuve authentique du chriftianisme & de la piété du prince; tout étoit difpofé, il avoit donné fes ordres, l'heure étoit marquée, nous nous rendions à fes vœux, lorfqu'une foibleffe imprévue & mortelle vint renverfer cet heureux projet.

Mais, toute cruelle qu'elle eft, la mort n'a pas d'empire fur le cœur, & pour notre confolation le prophête nous affure que Dieu en entend jufqu'aux premieres préparations, præparationes cordis eorum audivit auris tua. Il manque un trait à la louange de S. A. S., & un motif

(*) M. l'archevêque de Paris.

à notre confolation, & à celle de l'ordre de Malte qu'il a aimé, honoré, illuftré. Le pere n'eft plus; mais il laiffe un fils, un prince qui le remplace; héritier de fon nom, de fes vertus, de fes honneurs & de fa gloire, il en releve encore l'éclat par un efprit d'or dre, d'arrangement, d'équité, d'humanité, de bonté & de juftice, qui, dès fon enfance, s'eft fait admirer à la ville & à la cour, & qui peut fervir de modele à tous les états, à toutes les conditions & à tous les ages.

Mais je finis, Monfieur, nous avons déjà élevé nos voix vers le ciel, nous avons re doublé nos prieres, nous avons plufieurs fois offert au pere des miféricordes. la victime fainte, l'agneau fans tache qui efface les péchés du monde.

Déformais, uniffons nos cœurs, ne pouvant pas unir nos voix, prions, pleurons, gémiffons, faifons de bonnes œuvres, importunons le ciel, faifons- lui une douce violence, afin qu'ayant comblé de fes faveurs fur la terre le prince qui eft le fujet de nos larmes, il lui donne dans fa gloire la plus infigne de fes faveurs. Ainfi soit-11.

M. René Villars de la Broffe-Raquin, commandeur de l'ordre royal & militaire de SaintLouis, chef d'efcadre des armées navales, eft mort à Rochefort, le 19 Juin dernier, dans fa 71e. année. Depuis ce jour, il ne s'eft présenté aucun héritier paternel ou maternel. On a découvert dans quelques papiers, lors de l'appofition des fcellés de la marine, que fa famille étoit originaire de Palice en Bourbonnois; que cette famille avoit des alliances avec la maifon de St. Geran, & qu'une dame de la Broffe- Raquin avoit fondé un fervice annuel pour le repos de fon ame au couvent des religieufes hofpitalieres de l'ordre de St. Auguftin dans la petite ville de la Palice. La fucceffion mobiliaire peut être de 20 à 24, 000 liv., & l'on n'a connoiffance d'aucun immeuble. On peut s'adreffer' à M. Daubenton, intendant de la marine à Rochefort.

M. Duclufel, intendant de la ville de Tours, fait donner avis qu'un jeune homme de famille a quitté cette ville au mois d'Octobre 1775, qu'on

fçait qu'il a demeuré à Paris, avec un diacre travefti en féculier, jufqu'au mois de Février fuivant; mais que depuis ce tems, on ignore le lieu qu'il habite, quoiqu'il foit très-intéreflant pour la famille du premier de fçavoir ce qu'il eft devenu. A cet avis on ajoute le fignalement de ce jeune homme: Age de 29 ans, tailles pieds un pouce 6 lignes ou environ, le vifage un peu long & teint brun, cheveux noirs & bien plantés, front bien fait, yeux bruns affez beaux, fourcils bien arqués, nez bien tiré, levres épaiffes, de grandes dents, trois fignes au vifage, le col long, épaules baffes, le corps & les jambes très-minces : il porte quelquefois une croix de St. Jean de Jérufalem. Le diacre eft âgé de 33 ans, taille de 5 pieds 2 pouces, le teint brun & bafané, très-inarqué de petite vérole, cheveux noirs & touffus, le front bas, yeux ronds & noirs, le nez affez bien fait, bouche grande, le corps très-mince: il porte une croix femblable à l'autre. Si on a quelque connoiffance de ces deux perfonnes, ou de l'un d'eux, on prie d'en donner avis à M. Genty ou à M. Bruley, fecrétaires de l'intendance de Tours.

GRANDE-BRETAGNE.

LONDRES (le 30 Août.) Les bruits vagues & contradictoires qui fe répandent chaque jour, repréfentent le général Howe tantôt vainqueur tantôt vaincu, & ne permettent pas d'affecir au cun jugement fur ce qu'on lit ou fur ce qu'on entend. Ce qu'il y a de plus apparent, c'est que ce général n'a encore fait aucune tentative contre la Nouvelle-Yorck, & qu'il n'entreprendra rien d'important avant l'arrivée de tous les renforts qu'il attend à l'ifle de Staten (des états), où toutes fes troupes ont débarqué.

On eft mieux informé de ce qui s'eft paffé dans

la Caroline méridionale; & l'échec que les troupes du roi y ont effuyé n'eft plus problématique. La cour vient de faire publier la relation de cet te expédition, tentée le 28 Juin dernier, par l'ef cadre du roi, aux ordres de l'amiral Parker, & les troupes commandées par le général Clinton. Voici les détails les plus effentiels de cette relation.

<< L'amiral Parker & le général Clinton ayant formé le deffein de foumettre la ville de Charleflown, capitale de la Caroline, s'y porterent, dès le 20, avec leurs forces réunies. Ils devoient auparavant s'emparer des batteries que les Américains avoient dreffées dans l'ifle de Sullivan pour couvrir la ville. L'attaque s'en fit le 28, par les vaiffeaux du roi le Bristol & l'Expérien ce, chacun de 50 canons; les frégates l'Adive, le Solebay, l'Adéon de 28, le Sphinx de 20, un bâtiment armé de 22, une galiotte à bombes & une chaloupe de 8 canons; mais, par l'ignorance du pilote, les trois frégates donnerent à terre. Deux en furent retirées quelques heures après; mais la 3e. ne fut dégagée que le lendemain matin, & il fut décidé d'y mettre le feu. Les vaiffeaux tirerent fur le fort pendant 10 heures; ce qui contraignit beaucoup de rebelles à l'abandonner; mais ils furent bientôt remplacés par d'autres qui s'y glifferent de terme ferme, & le défendirent quelque tems; voyant alors que les troupes du roi n'avoient pu prendre poffeffion de ce fort, qui avoit été évacué plus d'une heure & demie, ils y rentrerent en plus grand nombre, & tirerent à boulets rouges. A 9 heures du foir, le ciel s'étant obfcurci, nos munitions étant en grande partie confommées, le monde fatigué, la marée baffe, n'ayant aucune perfpective de fuccès, & nulle apparence de rendre aucun fervice effentiel, l'amiral fit reti

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