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téreffantes, & tout fe difpofe à marquer une épo que des plus mémorables pour la Pologne.

Les nouvelles conftitutions qui émaneront de la diete, & qui fixeront le fort de cette république, feront puiffamment foutenues par les cours alliées; tout annonce leur réfolution à cet égard. Déjà l'on a commencé à tracer le camp que les troupes ruffes formeront à un quart de lieue d'ici, indépendamment des autres corps de la même nation qui occupent cette capitale & fes environs. On annonce auffi l'entrée d'un corps de troupes autrichiennes en Pologne ; on croit qu'elles déboucheront par Léopol; mais on eft incertain fur les lieux qu'elles occuperont; ce qui dépendra,fans doute, des circonftances & des événemens.

Le comte Kofcialkowski eft arrivé ici pour annoncer au roi l'ouverture du tribunal de Eithuanie, dont il eft député. En s'acquittant de cette commiffion, le 23 du mois dernier, il adreffa à S. M. un difcours par lequel il montra tout l'attachement des membres de ce tribunal à l'exécution des loix, & le refpect pour le fouverain qui en eft le dépofitaire.

On peut fe rappeller le départ de 3 officiers polonois pour aller chercher à Pétersbourg, de la part du grand-général de la couronne, les 30 mille fufils dont l'impératrice de Ruffie doit faire préfent à la république ; ils viennent d'arriver ici fans armes, & ils rapportent qu'on en a éludé la remife fous différens prétextes.

Plufieurs foldats ruffes s'étant rendus dans un village à quelques lieues de cette capitale, ils font entrés dans une taverne, dont le maître, âgé de 94 ans, n'avoit qu'un bras; comme ils demandoient affez brufquement ce dont ils avoient be foin; « de mon tems, a dit l'hôte en langue ruffe, on étoit au moins auffi brave, fans être fi tapageur».

A ces mots, la curiofité a fait place à tout autre fentiment; les foldats l'ont fait affeoir à table & ce vieux bon homme leur a raconté qu'il avoit perdu fon bras à la bataille de Pultava en fervant fous Pierre-le-Grand; au même inftant tous les foldats l'ont embraffé avec tranfport; & de queftions en queftions, il s'eft trouvé être le grand pere de l'un d'eux. Ils l'ont tous engagé à écrire à l'impératrice, dont il doit attendre une récompenfe digne de cette augufte fouveraine.

On écrit de l'Ukraine-Polonoife, que les Haydamacques y font de nouveau de grands ravages; ils ont pillé quelques villages, & maffacré ou emmené prifonniers les malheureux habitans, qui vouloient prendre la fuite. Quelques troupes polonoifes & des détachemens de Cotaques ruffes ont marché contre eux, & les ont même attaqués à différentes reprifes, mais fans autre fuccès que la perte de plufieurs tués de part & d'autre. Cependant on a fait prifonniers quelques Haydamacques grievement bleffés, & on les a aufli-tôt pendus.

ALLEMAGNE.

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HAMBOURG (le 10 Août.) On parle diverfement en Pologne de l'affaire du baron de Kullecourt. Ceux qui ne font point favorables à cet officier, difent « que le traitement qu'il avoit fait effuyer à un citoyen diftingué (voy. 2e. quinz. de Juillet, p. 2 & 13), avoit excité l'indignation du public; que le Sr. Eidziatowitz n'a fait que fe rendre aux vœux de toute la nation, en demandant une réparation éclatante; que le baron de Rullecourt avoit été cité à comparoître devant un confeil de guerre, formé exprès par le comte Oginski, grand-général de Lithuanie, à la réquifition de la partie léfée; que le comte Mo

sawski,préfident du confeil,avoit envoyé les fommations d'ufage à l'accufé; que ce dernier avoit non-feulement refufé d'y avoir égard, mais avoit même fait entendre qu'il oppoferoit la force à la contrainte; que cette conduite avoit mis le confeil de guerre dans la néceffité de recourir aux voies de rigueur, conformément aux ordonnances militaires, & de prefcrire les arrêts à M. de Rullecourt; mais que celui-ci avoit foulevé la plupart des officiers de fon corps, & s'étoit retiré vers Grodno; qu'on avoit envoyé auffitôt un corps de troupes à leur pourfuite, qui les avoit atteints non loin de Grodno, & les avoit arrêtés, malgré leur réfiftance; que le chef cependant avoit trouvé moyen d'échapper, & de continuer fa route pour Warfovie ». Comme c'eft, ajoute-t-on, l'espérance d'une puiffante protection qui lui a fait franchir les bornes d'une fubordination légitime, on ne doute pas que, trompé dans fon attente, il ne fe foumette à la décifion d'un tribunal refpectable, & porté d'ailleurs à l'indulgence pour un étranger de mérite & de naif fance qui n'a pu encore acquérir une connoiffance exacte des loix de la Pologne.

Une lettre de Warfovie en date du 1er. Août, présente cette affaire fous un point de vue bien différent; voici ce qu'elle contient.

Un détachement envoyé par le baron de Rulle court commandant de la légion du prince Maffalski, évêque de Wilna, à la pourfuite de quelques déferteurs, fut attaqué, battu & défarmé en paffant fur les terres de M. Eidziatowinz, par 300 hommes qu'il avoit apoftés pour ce bel exploit: le colonel François députa un officier vers le gentilhomme polonois, pour demander fatisfaction. L'officier fut fort mal reçu, fous prétexte de quelques dégats faits, l'année derniere, par un détachement de la légion de Wilna fur les terres du Polonois. Celui-ci étant arrivé au régiment pour s'en plaindre, s'en retourna fort content de l'accueil qu'on lui avoit fait. Quelque tems

après, le baron de Rullecourt apprit avec étonnemerit que le gentil homme polonois portoit plainte contre lui dans tous les tribunaux, en difant que ce colonel l'avoit enlevé de chez lui. l'avoit enchaîné, & l'avoit fait battre. Le parti affemblé chez le grand-général, faifit avec empreffement cette occafion de nuire au François. On nomma fur le champ un confeil de guerre chargé de l'interroger; mais heureufement pour lui, il reçut, au premier bruit de cette affaire, la vifite du général russe commandant l'armée en Lithuanie, qui l'afura de la protection de S. M. Imp.

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Cependant la commiffion envoyée pour le juger, débu ta par des illégalités. On avoir pris la réfolution violente de s'affurer de fa perfonne; & pour y parvenir, on lui avoit envoyé l'ordre de fe rendre chez le lieutenant-colonel qui commande le régiment polorois en garnifon à Wilna. Outre qu'il étoit abfurde de vouloir l'obliger à fe rendre chez fon inférieur, la loi des confeils de guerre ordonne qu'ils ne fe tiendront que dans la réfidence de l'accufé. Le baron de Rullecourt n'étant pas auffi maladroit que le confeil de guerre, a voulu mettre les formes de fon côté. Il s'eft tranfporté chez le général-préident du confeil, felon l'ordre intimé du grand-général; comme il étoit au confeil chez le lieutenant-colonel en question, le baron de Rullecourt prit a&e de fa vifite, & fe retira. Ayant reçu le lendemain un nouvel ordre pour se rendre au confeil, il s'en défendit en alléguant qu'il vouloit éviter que les Ruffes, ainfi que la compagnie de cadets nobles François qu'il commande, ne vinffent en force pour le délivrer, en cas qu'on lui fit violence. Le confeil de guerre fut donc réduit à opter de venir interroger l'accufé fous fes drapeaux, ou de s'en retourner fans pouvoir fe plaindre de lui.

Quoique la loi qui ordonne qu'un confeil de guerre doit toujours fe tenir la garnifon de l'accufé, foit aufli pofitive en Pologne que partout ailleurs, elle n'en fut pas moins violée par celui où devoit préfider M. Morawf. ki,, qu'on avoit fait général en 24 heures, & auquel on avoit dicté l'arrêt qu'il devoit prononcer.

Le général ruffe fit dire au baron de Rullecourt d'aller au confeil, & qu'il l'y accompagneront; mais fur ce que les juges furent forcés de lui avouer que le parti étoit pris d'arrêter l'accufé, le général ruffe leur déclara que le colonel François étoit fous la protection de S. M. Imp. La commiffion fut en conféquence rompue, & l'on dépêcha un courier à M. le grand général. Oginski. Il eft aifé de voir que le but de la commiffion étoit d'ô

rer au baron de Rullecourt fon régiment, afin d'aider aux projets de confédération.

La chofe n'ayant pas réuifi, comme on le defiroit, le grand-général, pour la terminer par un coup de force s'introduifit incognito à Wilna, à 10 heures du foir, avec un corps d'uhlans, qu'il avoit pofté à un demi-mille de la ville. Le baron de Rullecourt voyant qu'il alloit infailliblement être attaqué, & que, fi les Ruffes qui veilloient à fa défenfe, repcuffoient les infultes, cela feroit un prétexte dont les confédérés fe ferviroient pour commencer les hoftilités, réfolut de fe rendre chez le grand-général; il vouloit finir tout par cette démarche. Les François qu'il a l'honneur de commander, s'oppoferent à fon deffein, lui déclarant que, fi le grand-général le faifoit arrêter, ils fe porteroient aux plus violentes extrêmités. Dans une circonftance auffi critique, il ne trouva d'autre moyen que de s'échapper par la fuite, & d'aller fe mettre fous la protection du roi. Mais ce parti, le plus fage pour lui, lui a coûté des dangers. Des couriers qui le dévançoient, avoient ordre de l'arrêter comme voleur & affaffin. Sçachant que tout le monde étoit aux aguets pour le faifir, & qu'on ameutoit les diétines contre lui, il s'écarta de la grande route, & gagna enfin Warfovie, où il apprit que le grand-général avoit mis fa tête à deux mille ducats. Il a remis au roi un manifefte, & S. M. lui a promis toute forte de protection & de juftice.

Cependant, foit que le baron de Rullecourt n'ait pas trouvé tout l'appui qu'il espéroit, foit qu'il ait cru devoir s'éloigner d'un pays où fa tête étoit mife à prix, il s'eft déterminé à partir pour Paris, où il eft actuellement. On dit qu'il doit implorer les bontés de S. M. T. Chrét. pour obtenir la liberté de 21 gentilshommes françois qui ont été faits prifonniers dans l'affaire deGrodno en Lithuanie, Un des griefs du baron de Rullecourt contre le comte Oginski, eft de n'avoir point encore touché d'appointemens depuis qu'il eft à la tête de la légion de Maffalski.

Les derniers avis de Pologne portent que le jour même que le baron de Rullecourt eft parti de Lithuanie, le comte Oginski a fait affembler la garnison polonoise à Wilna, & qu'il a

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