le veulent sa rédaction, conçue dans une forme limitative, et l'esprit même de la disposition. Il faut que la chose donnée se retrouve en nature dans la succession, ou que le prix en soit du, ou que l'action en reprise puisse être encore utilement exercée. Tous les principes condamnent l'application que vous voulez faire à une pareille disposition des lois sur l'analogie ou sur l'interprétation extensive (1); et la maxime Favores ampliandi ne saurait être invoquée, lorsqu'elle se trouve combattue elle-même dans ses motifs par des motifs d'un ordre supérieur. Si la loi, en effet, a consacré le retour légal au profit des ascendants, dans les cas qu'elle a pris soin de déterminer, elle a voulu aussi respecter et garantir le droit de propriété dans la personne du donataire, éviter la confu sion et le désordre qu'introduiraient incessamment dans les partages les recherches arbitraires des donateurs. Au reste, quelle est donc la doctrine réelle des auteurs sur la matière? M. Chabot (Commentaire sur la loi des successions, tom. 1or, no 21) examine la question de savoir « si les biens donnés par l'ascendant sont encore soumis à la reversion lorsque, après avoir été aliénés par le donataire, soit à titre onéreux, soit à titre gratuit, ils sont rentrés dans son patrimoine, ou par un achat, ou par une donation, ou à titre successif, et qu'ils se retrouvent en nature dans la succession ». Après avoir rapporté l'opinion des auteurs les plus accrédités, notamment de Lebrun (Traité des successions, liv. 1er, chap. 5, sect. 2, no 58 et 59), et avoir réfuté ceux qui combattaient cette opinion, il décide que, dans tous ces cas, les biens donnés par l'ascendant, lorsqu'ils ont été aliénés par le donataire, ont perdu leur qualité première, suivant la maxime Mutatione persone mutatur qualitas et conditio rei; et que, bien que le donataire soit redevenu postérieurement propriétaire de ces mêmes biens, comme ce n'est plus au même titre, l'ascendant n'y a plus de droit. Or, continue le défendeur, si les biens donnés, et rentrés après leur aliénation dans le domaine du donataire, ne sont plus sujets au droit de réversion, comment affirmer qu'il en soit autrement des biens acquis des deniers de la donation, biens qui n'ont jamais appartenu au donataire? (1) Voy. le Taité de l'interprétation déjà cité (même lieu). Tome II de 1827. Feuille 6. M. Chabot discute ensuite (no 22) quatre cas. Les trois premiers n'ont aucun trait à l'espèce. Le quatrième est celui «< où le donataire a employé à l'acquisition de fonds le numéraire ou les obligations, billets et effets publics, qui lui avaient été donnés, ou lorsque, après avoir aliéné les biens meubles ou immeubles qui lui avaient été donnés, il en a employé le prix à acquérir d'autres biens, ou enfin lorsqu'il a échangé les biens donnés contre d'autres biens qui se trouvent dans sa succession ». Et l'auteur rapporte l'opinion de M. Massé (Parfait notaire, tom. 3, page 54), qui prononce que, lorsque le prix de la chose a été employé en d'autres acquisitions, avec déclaration expresse du remploi ou de l'échange, la subrogation légale s'opère de plein droit. Telle est, ajoute-t-il, la jurisprudence constante, et telle est aussi l'opinion de M. Chabot, qui, après avoir réfuté les opinions contraires de quelques auteurs, rappelle un dernier argument a fortiori, dont M. Massé (même endroit) fortifie sa doctrine. M. Chabot termine en rapportant l'opinion conforme de M. Toullier. « Si le donataire a acquis un fouds, dit ce professeur (tom. 4, pag. 243), en déclarant que le prix a été payé avec la somme que lui a donnée son père, cette terre tient la place de la somme donnée, et le père doit, ce semble, y succéder par droit de retour; mais s'il n'y avait point de déclaration d'emploi, l'ascendant donateur n'aurait rien à prétendre. que Ainsi, poursuit le défendeur, MM. Chabot, Toullier et Massé pensent unanimement que l'ascendant donateur ne peut exercer son droit de retour sur l'immeuble acquis des deniers lui donnés que tout autant par l'on trouvera dans l'acte d'acquisition la déclaration que c'est pour faire l'emploi des deniers donnés qu'a eu lieu l'acquisition. Or on chercherait vainement cette déclaration, ou même son équivalent explicite ou implicite, dans l'acte du 24 janvier 1816. Elle n'était pas même possible, puisque l'emploi des deniers ne pouvait pas se réaliser, la dot de la dame Morain ayant disparu dans les mains de son mari.—Le défendeur ne bornait pas là ses moyens de défense.-Quelque spécieux que paraisse le système adopté par les auteurs que l'on vient de citer, disait-il, il pêche essentiellement par sa base. Il repose sur trois motifs 1° La subrogation est admise par quelques ar : ticles du code civil lorsqu'il a été fait emploi ou qu'il y a eu échange; 2o la subrogation légale a lieu de plein droit lorsqu'il s'agit d'actions universelles, d'universalité de biens et de droits; 5o le droit de retour est accordé par l'art. 747 à l'ascendant donateur, sur le prix encore dû de la chose donnée, lorsqu'elle a été aliénée par le donataire. Mais le raisonnement par lequel on voudrait étendre la subrogation d'un cas à un autre, en matière de droits exceptionnels, est contraire aux meilleurs principes sur l'interprétation des lois : c'est ce qui a été amplement démontré. Quant à la subrogation qui aurait lieu de plein droit lorsqu'il s'agit d'actions universelles, les auteurs se fondent sur des textes qui sont loin de dire tout ce qu'ils leur font dire.-La loi 25, § 1, ff., de petitione hæreditatis, par exemple, sur laquelle on s'appuie, exprime positivement un sens contraire à celui qu'on lui prête, et les lois 70, § 5 et suivants, ff., de fideicommissis, sont loin d'offrir le sens que leur donne Renusson. (Voy. Répertoire de jurisprudence, au mot Subrogation de choses, 1re section.) Relativement au troisième motif, est-il vrai de dire que le droit de retour, directement établi par l'art. 747 sur le prix des choses données et aliénées par le donataire, lorsque ce prix se trouve encore dû, puisse s'étendre à l'immeuble acquis moyennant ce prix, même avec déclaration expresse d'emploi? Est-ce là une application virtuelle des termes clairs et évidemment restrictifs de l'art. 747? Qu'importent les analogies tirées de nos anciennes coutumes sur tout ce qu'elles réglaient en matière de propres ? Ces matières étaient elles-mêmes un droit exceptionnel, comme l'est aujourd'hui celui du retour légal en faveur des ascendants. Au surplus, ce droit de l'ascendant sur le prix de la chose par lui donnée et aliénée par le donataire n'est qu'une conséquence de l'art. 1654 sur la résolution de la vente et de l'art. 747 lui-même. -Tant que le prix n'est pas payé, la vente peut être résolue; l'objet donné peut se retrouver encore en nature dans la succession. La loi a donc toujours raisonné pour le cas où l'objet donné n'était pas encore sorti de la succession. Quant à l'arrêt rendu par la cour de cassation, le 30 juin 1817, il est sans application à l'espèce actuelle. Le 7 février 1827, ARRÊT de la section civile, M. Brisson présiden, M. Carnot rapporteur, MM. Guillemin et Odillon-Barrot avocats, par lequel: « LA COUR, Sur les conclusions de M. Cahier, avocat-général ; Attendu que c'est par exception au droit commun que les ascendants donateurs sont autorisés, par l'art. 747 du cod. civ., à succéder aux choses données, et que cette autorisation ne leur a été accordée que sous la condition ou que ces choses existeraient encore en nature à l'ouverture de la succession du donataire, ou qu'il resterait dû, à la même époque, quelque partie du prix de l'aliénation qui en aurait été faite, ou que le donataire, à son décès, aurait encore l'action en reprise à exercer; et attendu qu'il a été reconnu et déclaré constant en fait par l'arrêt attaqué que, dans l'espèce, non seulement la chose donnée n'existait plus en nature dans la succession de la donataire, et qu'il ne restait dû aucune partie du prix de l'aliénation qui en avait été faite, mais même que l'action en reprise avait été exercée par la donataire, de son vivant; -Attendu que, dans cet état de choses, la cour royale de Poitiers, loin d'avoir violé les dispositions de l'art. 747, s'y est au contraire scrupuleusement conformée en jugeant que le demandeur était mal fondé dans son action aux fins de relâchement des objets qui se trouvaient exister dans la succession de la donataire, comme provenant de l'action en reprise qu'elle avait exercée en suite de la séparation de biens qu'elle avait fait prononcer contre son mari, etc.; REJETTE.>> A. M. C. COUR DE CASSATION. Est-ce à la cour d'assises, et non au jury, qu'il appartient de prononcer sur les circonstances dont la nature ne peut étre déterminée que par l'appréciation du caractère légal de certains actes? (Rés. aff.) (1) Ainsi, dans une accusation de faux, le jury ne peut-il étre interrogé que sur l'existence du faux? — Mais n'appartient-il qu'à la cour d'assises de décider si le faux a été commis en écriture authentique ou publique, en écriture de commerce ou de banque, ou en écriture privée ? ( Rés. aff.) De même est-elle seule compétente pour juger si les billets à ordre qui forment la matière du faux avaient pour (1) Voy. un arrêt de cassation dans le même sens, du 7 octobre 1825, tom. 3 de 1826, pag. 261. cause une opération de commerce, ou s'ils étaient revétus de signatures d'individus commerçants? (Rés. aff.) Cod. inst. crim., art. 337 et suiv. LE BIHAN, C. ᏞᎬ MINISTÈRE PUBlic. Du 1er avril 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. Portalis président, M. Chantereyne rapporteur, par lequel : D « LA COUR, Sur les conclusions de M. Fréteau de Pény, avocatgénéral; —Vu l'art. 408 du cod. d'inst. crim., d'après lequel la cour doit annuler les arrêts rendus par des cours d'assises, lorsque ces arrêts ont violé les règles de compétence; -Vu également les art. 337, 338, 344 et 345 du même code, desquels il résulte que les questions à soumettre au jury doivent être « si l'accusé est coupable d'avoir commis un crime avec les circonstances comprises dans le résumé de l'acte » d'accusation, ou résultant des débats; que les jurés ont à délibérer seu» lement sur le fait principal, sur chacune des circonstances, et qu'ils » doivent y répondre d'une manière précise et catégorique » ;— Vu les art. 147 et 148 du cod. pén., relatifs à la peine des travaux forcés à temps à infliger aux individus qui auront commis un faux en écriture authentique ou publique, de commerce ou de banque, ou fait usage d'actes faux de cette espèce; —Vu enfin les art. 656 et 637 du cod. de comm.; Attendu, en droit, que, si l'art. 337 du cod. d'instr. crim. ordonne qu'il sera demandé au jury si l'accusé est coupable d'avoir commis tel ou tel crime, cet article se réfère nécessairement aux faits qui ont par eux-mêmes l'évident caractère de crime, et non aux circonstances dont la nature ne peut être déterminée que par l'appréciation du caractère légal de certains actes; que le crime de faux peut être commis en écriture authentique ou publique, en écriture de commerce ou de banque, ou en écriture privée; qu'en demandant aux jurés si l'accusé a commis le crime de faux, le président de la cour d'assises satisfait au vœu de la loi, puisqu'il les met à portée d'exprimer leur conviction sur les circonstances matérielles et sur les circonstances morales de la question de fait; Mais qu'en les interrogeant sur la nature de l'écrit qui constitue le corps du délit, il leur soumet une question de droit étrangère à la compétence du jury, puisqu'elle ne peut être résolue que d'après les principes de la loi civile ou commerciale, et que les jurés peuvent ne pas connaî-tre ces lois, dont il est essentiellement contraire à leur institution qu'ils fassent jamais l'application; que c'est à la cour d'assises qu'il appartient exclusivement de rapprocher les faits déclarés constants par le jury des |