l'acte du 14 octobre 1824, et répétés dans les conclusions du 8 mai 1826, injurieux et diffamatoires; ordonner en consé quence que ces actes seront supprimés; se voir en outre, le sieur Leygonie-de-Pruns, condamner à 20,000 fr. de dommages et intérêts, applicables aux hospices d'Aurillac, etc. Un premier jugement par défaut accueillit toutes les conclusions de M. Vigier. Mais ce jugement fut frappé d'opposition par le sieur Leygonie, et l'instance étant ainsi devenue contradictoire, il fut rendu par le tribunal civil d'Aurillac, le 27 juin 1826, un nouveau jugement dont voici les motifs : « Attendu que, par l'acte extrajudiciaire du 14 octobre 1824, et par les conclusions du 8 mai 1826, produits dans la cause de M. de Pruns, contre M. l'abbé Delrieu, M. de Pruns a adressé à M. Vigier, président du tribunal, les ou trages les plus sanglants, comme juge-commissaire dans l'enquête qui a eu lieu dans cette affaire, et cela dans le seul désir de porter atteinte à sa réputation, à son honneur, et de lui enlever une considération justement méritée; qu'on peut d'autant moins se méprendre sur le caractère de ces injures, que, d'une part, l'acte extrajudiciaire du 14 octobre 1824 n'était point nécessaire à la cause, puisqu'il ne pouvait avoir pour but de faire tomber les procès verbaux d'enquête, qui étaient revêtus de la signature du sieur de Pruns et des formes légales, et que, de l'autre, les faits avancés dans les conclusions du 8 mai 1826 ne pouvaient affaiblir ni diminuer en rien le degré de confiance que la justice devait avoir dans les procès verbaux d'enquête, signés et approuvés de M. de Pruns lui-même, et qui devaient faire foi jusqu'à inscription de faux, sauf au sieur de Pruns à demauder, couformément à l'art. 275 du cod. de proc. civ., la nullité des procès verbaux d'enquête non signés de sa part, et cela sans avoir besoin de recourir à des allégations mensongères, réprouvées par la raison et par la loi : d'où il suit, que ce n'est pas pour sa cause et dans l'intérêt de sa cause qu'ont été signifiés ces actes, mais seulement pour calomnier et diffamer M. le président juge-commissaire; que les faits énoncés dans ces actes contre M. Vigier étaient d'autant plus inutiles, diffamatoires et injurieux, que M. Delrieu faisait l'offre à M. de Pruns de se départir de cette enquête, d'en recommencer une nouvelle, de laisser subsister la partie de cette enquête qu'il désirerait, même d'accorder à M. de Pruns le délai qu'il voudrait pour faire entendre de nouveaux témoins, s'il le jugeait convenable; - Attendu que, si l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819 donne au juge saisi d'une cause le droit de réprimer, en statuant sur le fond, les faits diffamatoires contenus dans les écrits produits dans l'instance, cet article, loin d'interdire toute action soit aux parties, soit au ministère public, soit aux tiers, la leur réserve expressément dans son dernier paragraphe ; - Que, dès que des faits étrangers à la cause du sieur de Pruns et de l'abbé Delrieu ont été insérés dans des actes de cette cause, et ont été rendus publics à l'audience, M. Vigier, contre qui ils étaient dirigés, qui y reconnaissait tous les caractères de la diffamation, et qui d'ailleurs était visiblement un tiers dans cette cause, puisqu'il s'était abstenu de sa connaissance immédiatement après l'enquête, a eu le droit, aux termes de l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819, de l'art. 3 du cod. d'instr. crim,, et de l'art. 1382 du cod. civ., de former une demande en réparation civile de la diffamation dont il était victime;-Que, pour exercer cette action, M. Vigier n'était nullement tenu d'attendre que les faits qu'il considérait comme diffamatoires eussent été déclarés tels par le tribunal saisi du fond de la cause, parce qu'aucune loi ne lui commandait ce délai, incompatible d'ailleurs avec son honneur. >> Au fond, -Attendu que tous les faits imputés à M. Vigier sont également diffamatoires, parce qu'ils se rattachent à un même but, qui est d'attaquer l'honneur et la délicatesse de ce magistrat, à l'occasion de ses fonctions; Qu'il ne peut y avoir de doute que ces faits ne soient dirigés contre M. Vigier en sa qualité de juge - commissaire, et qu'ils n'aient été dirigés contre ce magistrat sans motif et sans raison aucune, et sans qu'on en rapportât la preuve légale;-Attendu que la lecture des actes dont il s'agit, qui fut faite à l'audience du 10 mai, ne fut suivie que d'explications dérisoires; que l'on fut même jusqu'à soutenir, de la part du sieur de Pruns, qu'on était loin de convenir que les faits renfermés dans les actes des 14 octobre 1824 et 8 mai 1826 fussent calomnieux; que les prétendues rétractations que M. de Pruns veut faire résulter de sa requête d'opposition ne sont pas suffisantes, et n'ont pu ni dû être acceptées par M. Vigier, dans les termes qu'elles y ont été conçues; Attendu que des dommages et intérêts sont dus à M. Vigier, d'un côté, eu égard à l'offense grave dont il a été victime par suite des faits diffamatoires et injurieux avancés contre lui par le sieur de Pruns, et, de l'autre, eu égard à la fortune dudit sieur de Pruns; Que, s'il est vrai de dire'que, par ses qualités mo›rales, M. Vigier, président, est bien au-dessus de tout ce que la méchanceté et la calomnie peuvent avancer contre lui, néanmoins il n'est pas moins vrai de dire que des dommages et intérêts lui sont dus; » Attendu que le jugement du 1er de ce mois, qui a déclaré diffamatoires les faits énoncés dans l'acte du 14 octo«bre 1824, et dans les conclusions du 8 mai 1826, qui a ordonné la suppression de ces écrits, quant aux faits imputés à M. Vigier, et l'impression et affiche de ce jugement, a été rendu dans la cause dudit sieur Leygonie-de-Pruns et de M. l'abbé Delrieu; que les dispositions pénales prononcées =par ce jugement l'ont été sur les conclusions de M. le procureur du Roi, et dans le seul intérêt de la vindicte publique; que M. Vigier n'y a point été partie, et que ce jugement lui est absolument étranger; » Attendu que, par la publicité donnée à ces faits diffamatoires, aux audiences du tribunal des 10 et 17 mai dernier, M. Vigier a été bien fondé à former sa demande en suppression de ces mêmes faits, et à provoquer les réparations de l'offense dout il a été la victime; que c'est ce qu'il a fait par sa requête du 19 mai dernier, antérieure au jugement du 1er de ce mois; qu'ainsi, en statuant sur l'opposition formée par ledit sieur Leygonie-de-Pruns au jugement par défaut qui a accueilli la demande de M. Vigier, il est évident que le tribunal ne fait que rendre à ce vénérable magistrat la justice qui lui est due, et qu'on ne peut sous aucun point de vue opposer l'axiome Non bis in idem ; » Le tribunal, jugeant en premier ressort, sans s'arrêter ni avoir égard aux fins de non recevoir invoquées par le sieur de Pruns, lesquelles sont déclarées inadmissibles et mal fondées, non plus qu'à l'opposition par lui formée au jugement par défaut du 24 mai dernier, ordonne que ledit jugement sera exécuté selon sa forme et teneur, en ce qu'il déclare les› faits énoncés dans les actes des 14 octobre 1824 et 8 mai 1826 injurieux et diffamatoires, et en ce qu'il ordonne leur sup pression; réduit néanmoins à la somme de 12,000 fr. les dommages et intérêts adjugés à M. Vigier. ». Le sieur Leygonie-de-Pruns interjette appel de ce jugement. Il soutient d'abord que l'acte extrajudiciaire du 14 octobre 1824 et les conclusions du 8 mai 1826 appartenaient à la cause d'entre lui et le sieur Delrieu ; qu'ils en étaient des éléments nécessaires, puisqu'ils contenaient les moyens tendant à établir et prouver la nullité des enquêtes et des contreenquêtes; qu'ils n'avaient point d'autre but, d'autre destination; qu'enfin ils n'avaient été présentés au tribunal que daus ce dessein, et non dans celui de diffamer et d'injurier personne. L'appelant ajoute que, dans l'hypothèse même où l'on voudrait considérer les actes dont il s'agit comme diffamatoires, c'était, d'après l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819, au tribunal d'Aurillac à statuer d'office sur le sort de ces actes, en même temps que sur le fond de la cause; mais que le magistrat injurié n'avait point d'action directe et particulière pour la répression de cet écart, de cette espèce de délit contre la police de l'audience et le respect dû à la magistrature; qu'enfin, et lors même que le sieur Vigier aurait une action civile et directe contre l'auteur de la prétendue diffamation, cette action serait toujours subordonnée à l'émission préalable d'un jugement qui aurait déclaré les faits diffamatoires, et que, dans l'espèce, cette déclaration n'existait pas lorsque, le 20 mai 1826, le sieur Vigier avait formé sa demande : d'où la conséquence qu'elle était précoce, intempestive, et, par suite, non recevable. Au fond, le sieur Leygonie prétend que les faits articulés dans ses conclusions n'étaient ni injurieux ni diffamatoires, puisqu'ils ne nomment, ne désignent personne, et qu'ils peuvent s'appliquer aussi bien au sieur 'Delrieu qu'au sieur Vigier; qu'enfin, les explications qu'il avait données à l'audience auraient dû suffire pour rassurer la susceptibilité de ce magistrat, et prouver qu'on n'avait point entendu porter atteinte à son honneur et à sa réputation; qu'en tout état de choses, il n'y a jamais diffamation ou injure lorsqu'à l'instant même l'explication est donnée; et qu'il en résulte qu'il n'y a point eu intention de diffamer ou d'injurier. Inutile de rappeler les moyens présentés dans l'intérêt de M. Vigier. Ces moyens, ayant été adoptés par l'arrêt de la cour, ne présenteraient ici que des répétitions sans objet. Il nous suffira de dire que M. Archon Desperouse, premier avocat-général, portait la parole dans cette cause; qu'après avoir blâmé la conduite du sieur Leygonie-de-Pruns, et parlé avec éloge des principes de délicatesse et d'honneur qui distinguent le président du tribunal d'Aurillac, M. l'avocatgénéral réfuta avec énergie toutes les fins de non recevoir, toutes les argumentations de l'appelant, et qu'il conclut à la confirmation du jugement attaqué. Du 20 décembre 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Riom, M. Tiolier président, MM. Bayle et de Vissac avocats, par lequel: ་ • LA COUR, Considérant qu'il est dans la nature de repousser une offense, et que, suivant la législation civile et criminelle, la voie du recours à l'autorité légitime est ouverte à tous les citoyens; que nul n'est privé de ce droit, et même que l'exercice d'icelui peut souvent devenir un devoir, ou au moins une indispensable nécessité; Que ces principes sont fondés sur l'art. 1o du cod. d'inst. crim., et qu'ils sont maintenus par la loi du 17 mai 1819, laquelle dispose, par l'art. 23, qu'après les droits du ministère public, toute action est réservée aux tiers absents des débats; Considérant qu'il est très vrai qu'un outrage fait à un administra'teur de justice quelconque, à un juge, et surtout au président d'un tribunal établi dans le chef-lieu d'un département, à l'occasion de ses fonctions, présente un fait très grave, qui devient d'un intérêt général, et que, de sa nature, il doit animer tout le zèle du ministère public; Considérant, néanmoins, qu'induire et conclure de cette vérité, et en porter même l'extension jusqu'au point d'assertener que la partie ainsi blessée doit surmonter à la fois l'inspiration de la nature et l'indication du droit que présente toute une législation, pour attendre, dans un état de calme et de silence, les résultats du déploiement des efforts auxquels se livrera l'officier public pour appeler une salutaire rigueur, c'est une véritable abstraction, une perfection idéale, que la majesté des lois repousse, puisqu'elles ne prononcent ni exception, ni interdiction d'agir personnellement et directement au magistrat attaqué, pour demander la répression d'un écart aussi attentatoire au bon ordre qu'à la dignité dont il est dépositaire, et qui est confiée à sa fidélité; ce serait, d'ailleurs, suivant l'expression du chancelier de Lhospital, renoncer à la tuition de soi-même; Considérant que, s'il est très licite de former des demandes en nullité d'actes judiciaires, ces démarches juridiques, assujetties à la publicité dans leur essence, ne doivent jamais être désunies de ces égards et |