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mariage; et, pour y parvenir, ordonne que la maison dont il s'agit sera vue et visitée par Durand, lequel estimera ladite maison à la juste valeur qu'elle pouvait avoir à l'époque de l'ouverture de la succession, etc. »

Appel de la part du sieur Bottot-Dumesnil, quant à la disposition qui ordonnait que la maison serait estimée selon sa valeur à l'époque de l'ouverture de la succession. - Le jugement, selon lui, impliquait contradiction. Ses motifs admettaient en principe que, bien que l'enfant naturel n'eût pas le titre d'héritier, son droit dans la succession de ses père et mère n'en était pas moins un droit héréditaire; que, pour le déterminer, la masse de la succession devait être formée comme s'il s'agissait d'héritiers légitimes; que par conséquent il y avait lieu au rapport des donations antérieures, etc.; et cependant son dispositif prononçait que la maison sujette au rapport ne serait estimée que d'après sa valeur à l'époque de l'ouverture de la succession. La conséquence forcée de ses motifs était, au contraire', que l'immeuble fût licité, ou tout au moins estimé selon sa valeur à l'époque du partage. Tels étaient d'ailleurs les principes de la matière.

Les droits de l'enfant naturel, quel que soit son véritable titre aux yeux de la loi, sont de même naturë que ceux de l'enfant légitime (art. 757 du cod. civ.); la quotité seule en est différente: comment donc arriver à déterminer cette quotité si l'on ne procède pas pour la formation de la masse sur laquelle elle doit être prise comme l'on procède pour arriver à déterminer celle de l'enfant légitime? - Tous les biens existants à l'époque du décès du père, eomme ceux qu'il a aliénés à la charge du rapport, ne font-ils pas également partie de sa succession? N'y a-t-il pas indivision à l'égard des uns comme à l'égard des autres ? La lor a-t-elle établi quelque part la moindre distinction, soit entre ces biens, soit entre les enfants appelés à les recueillir dans les qualités et les proportions qu'elle a déterminées? Ne résulte-t-il pas, au contraire, tant de l'ensemble des dispositious relatives aux enfants naturels que des termes mêmes de l'art. 857, qui excluent du rapport taxativement les légataires et les créan-' ciers, que les enfants naturels sont admis à jouir de ce bénéfice de la loi? Il y a plus: l'art. 760, faisant une obligation à l'enfant naturel d'imputer sur ce qu'il a droit de pré

tendre ce qu'il a recu d'avance de son père ou de sa mère, c'est-à-dire de subir la loi du rapport quant aux objets qui lui ont été donnés, une exacte réciprocité veut, avec la justice, qu'il lui soit fait rapport aussi de tout ce qui ne se trouve pas dans la succession, par l'effet de donations antérieures faites aux enfants légitimes. La conséquence de ces principes serait de faire procéder, ainsi que l'avait demandé Bottot-Dumesnil, à la licitation de l'immeuble donné à la dame Curtille; mais s'il consentait à se désister d'un droit certain à cet égard, comment lui contester celui d'exiger que du moins l'immeuble rapporté entre dans la masse pour sa valeur à l'époque du partage ?. L'égalité, base essentielle de tout partage entre cohéritiers légitimes, reste la même lorsqu'il s'agit de régler la portion que la loi accorde à l'enfant. naturel. Sans cela il serait trop facile d'éluder les dispositions bienfaisantes de la loi à son égard, et d'anéantir des droits qu'elle a entourés de ses formes protectrices.

La cour a deux questions à juger, répondait la dame Curtille.

La première est celle de savoir si le rapport est dû à l'enfant naturel ;

La seconde, si du moins l'immeuble fictivement réuni à la masse doit être estimé selon sa valeur à l'époque de l'ouverture de la succession, ou selon sa valeur à l'époque du partage. La première n'a pas été explicitement tranchée par les premiers juges; cependant, le dispositif de leur jugement, qui n'autorise l'estimation de l'immeuble que selon sa valeur au temps du décès de Bottot-Dumesnil père, ne permet pas de douter qu'ils n'aient admis le principe que le rapport n'est dû à l'enfant naturel. C'est en effet le sens précis de la loi elle-même. que par le cohéritier à son cohéritier, porte l'art. 857. - Or l'enfant naturel n'est

pas

Le rapport n n'est dû

pas héritier: : ce sont les termes de l'art. 756.

Le rapport

que

la

ne lui est donc pas dû. — Mais il y a plus: ces droits loi lui accorde sur la succession de ses père et mère, et dont la quotité est réglée sur la masse des biens héréditaires (art. 753), ne donnent pas à l'enfant naturel, quant à la qualité même d'ayant-droit à la succession, un rang aussi élevé que celui du légataire universel. Celui-ci, en effet, même en présence des héritiers, autres néanmoins que ceux auxquels

la loi attribue une réserve, est saisi de plein droit, au décès, des biens de la succession (art. 1006), tandis que l'enfant naturel est tenu de se faire envoyer en possession dans tous les cas (art. 724 et 773). - Et cependant le rapport n'est pas dû au légataire universel: comment pourrait-il l'être à l'enfant naturel?

la

En second lieu, le rapport n'est pas dû par l'enfant naturel lui-même. L'art. 760 dit bien que lui ou ses descendants seront tenus d'imputer, sur ce qu'ils ont droit de prétendre, tout ce qu'ils ont reçu du père ou de la mère, etc.; mais il ajoute ces mots remarquables: Et qui SERAIT sujet à rapport, d'après les règles établiès à la section 2 du chap. 6 du présent titre.. Il résulte clairement de ce mot serait que loi n'attache réellement Fidée du rapport qu'aux seuls héritiers qui font l'objet de la section qu'elle rapelle, et nullement aux enfants natureis: d'où suit la conséquence que ce n'est pas eux que la loi astreint au rapport; ils manquent à ses yeux de la qualité essentielle, qui commande une égalité parfaite entre des enfants également rapprochés par le sang et par la loi. Cette disposition est d'ailleurs en harmonie avec celle qui refuse à l'enfant naturel la qualité d'héritier. Quant à l'argument tiré de ce que, l'enfant naturel étant tenu de souffrir l'imputation de ce qu'il a reçu de ses père et mère, on lui doit aussi, par réciprocité, le rapport de ce qu'on aurait reçu au même titre, il n'est fondé. pas Ce n'est pas le fait même de la donation, ni d'un côté ni de l'autre, qui motive le rapport: c'est la qualité seule d'héritier. La loi n'en admet point d'autre.

Sur la seconde question, la dame Curtille disait qu'en raisonnant conséquemment avec les principes posés ci-dessus on devrait se refuser même à la réunion fictive des biens donnés par le père commun pour en faire l'estimation selon leur valeur à l'époque de son décès, attendu que c'était encore là une espèce de rapport auquel non seulement l'enfant naturel n'avait pas droit, mais même les donataires et les légataires s'en trouvaient formellement privés par l'art. 921; et cependant il avait été démontré que ceux-ci étaient plus favorables aux yeux de la loi l'enfant naturel. que Les premiers juges, déterminés plutôt par des motifs d'équité que par le sens évident de la loi, avaient donc consacré uné es

pèce de rapport, dont l'exécution se trouvait alors tracée par l'art. 922. Vouloir aller plus loin que cette disposition de pure équité, c'était s'exposer à en perdre tout le bénéfice. Il y avait donc lieu de confirmer purement et simplement le jugement dont était appel.

Le 5 juin 1826, ARRÊT de la cour royale de Paris, 2o chambre, M. Cottu, conseiller, faisant fonctions de président, MM. Legouin et Rigal avocats, par lequel:

« LA COUR,

Faisant droit sur l'appel, et adoptant les motifs des premiers juges, - MET l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet. •

COUR D'APPEL DE RIOM.

A. M. C.

Lorsqu'une partie, dans des actes extrajudiciaires et dans des conclusions signifiées, tendantes au rejet d'une enquête, se permet des allégations injurieuses et diffamatoires contre le juge-commissaire, ce magistrat, indépendamment des voies répressives qui appartiennent au ministère public et au tribunal lui-même, a-t-il une action personnelle contre le diffamateur ? (Rés. aff.) Faut-il que les faits allégués soient préalablement déclarés diffamatoires par le tribunal, pour que le juge puisse agir contre l'auteur de la diffamation? (Rés. nég.)

Le sieur Leygonie-de-Pruns, C. M. VIGIER.

Dans un procès pendant au tribunal civil d'Aurillac, entre un sieur abbé Delrieu et le sieur Leygonie-de-Pruns, il intervint, le 19 juin 1823, un interlocutoire qui admit ce dernier à la preuve de différents faits, et commit M. Vigier, président du tribunal, pour procéder aux enquêtes.

Les enquêtes eurent lieu dans le courant du mois d'août suivant, et le juge-commissaire y procéda avec cette délicatesse, cette impartialité, qui constituent le magistrat intègre et irréprochable.

Cependant le sieur Leygonie-de-Pruns, profitant de ce que quelques uns des procès verbaux n'étaient signés ni de lui ni de son avoué, fit signifier à celui-ci, sous la date du 24 octobre 1824, un acte extrajudiciaire par lequel il déclarait s'opposer à ce qu'il signât ces procès verbaux hors sa pré

sence, parce qu'il n'entendait les signer que sous des réserves et protestations fondées 1o sur ce qu'il n'avait pas été donné lecture à plusieurs des témoins de leurs dépositions, et que la mention contraire énoncée dans lesdits procès verbaux était inexacte; 2o sur ce que plusieurs des témoins avaient été injuriés, intimidés, menacés, de manière qu'ils n'avaient pas dit tout ce qu'ils savaient; 3° que les menaces avaient été faites avec tant de véhémence, que les témoins qui n'avaient pas encore déposé, et qui attendaient leur tour dans le voisinage, avaient été également intimidés et n'avaient pas dit tout ce qui était à leur connaissance; 4° que les déclarations des témoins n'avaient pas été rendues avec toute l'exactitude convenable; 5° enfin que lui, Leygonie, n'avait pas été admis à faire aux témoins les interpellations qu'il croyait nécessaires. (1)

Toutes ces allégations furent répétées dans des conclusions signifiées à la partie adverse le 8 mai 1826, avec cette différence qu'on y disait, quant au premier grief, que toute mention contraire était un faux, tandis dans l'acte du 14 octobre 1824, on avait mis seulement inexacte. Il paraît qu'à l'audience le sieur Leygonie persista à reproduire les mêmes faits, et toujours sous une couleur peu favorable au juge

commissaire.

que,

Le ministère public, après avoir rendu un éclatant hommage aux vertus, à la délicatesse et à l'intégrité de M. Vigier, conclut formellement et d'office à ce que les faits énoncés soit dans l'acte du 14 octobre 1824, soit dans les conclusions du 8 mai 1826, fussent déclarés diffamatoires, que lesdits actes fussent supprimés quant aux faits, et que le jugement à intervenir fût imprimé et affiché aux frais du sieur Leygonie. La prononciation du jugement fut remise à huitaine. (2)

Dans cette position, M. Vigier, après avoir obtenu une ordonnance à cet effet, fit assigner le sieur Leygonie-dePruns à bref délai, pour voir déclarer les faits énoncés dans

(1) Ces faits sont copiés textuellement et tels qu'ils sont rapportés dans le point de fait de l'arrêt imprimé.

cr

(2) Il fut effectivement rendu le 1er juin un jugement qui, sur le réquisitoire du ministère public, déclara les faits diffamatoires, les supprima, et ordonna l'impression et l'affiche du jugement.

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