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recevables, dans l'espèce, à agir ut singuli, parce que c'était la possession seule, et non la propriété du pré, qui était contestée; parce que d'ailleurs il s'agissait d'un bien communal dont l'usage était commun à chacun des habitants, et non d'un bien dont chacun d'eux n'aurait pu jouir, tel que serait un moulin ou une usine affermé par la commune; que c'était uniquement à l'égard de ces derniers biens, et lorsque la propriété en était contestée, que des particuliers étaient non recevables à faire valoir isolément les droits de la commune dont ils étaient habitants; qu'ainsi, dans l'espèce, ils avaient qualité pour agir. Ils ont invoqué M. Proudhon, tom. 6, pag. 180, et le Répertoire, tom. 1er, pag. 572. (1)

Les sieurs Clergeaux et consorts ont soutenu en outre que le tribunal de Savenay, en dispensant les demandeurs en complainte de prouver qu'ils possédaient depuis une année, avait violé les art. 23 et 24 du cod. de proc. civ.

Du 25 juillet 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Henrion de Pensey président, M. Favard de Langlade rapporteur, M. Macarel avocat, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Lebeau, avocat-général; · Considérant, sur le premier moyen, que les maires et adjoints des communes ont seuls qualité pour faire valoir les droits appartenant à une communauté d'habitants; que le jugement attaqué, en décidant que de simples habitants ne pouvaient individuellement s'en attribuer l'exercice, a fait une juste application de la loi; — Considérant, sur le deuxième moyen, que le jugement attaqué confirme celui du juge de paix qui a pu maintenir les défendeurs éventuels dans la possession du terrain litigieux, sans s'astreindre à la preuve demandée, dès qu'il à trouvé sa religion suffisamment instruite ; ;- REJETTE. »

S.

(1) Voy. une décision du conseil d'état, année 1823, pag. 399; un arrêt de la cour de cassation du 16 juillet 1822, rapporté dans la nouv. éd., tom. 24, pag. 596; un autre arrêt de la même cour, du 1821, tom. 23, pag. 187, et M. de Cormenin, Questions de droit administratif, v° Commune.

9 mars

COUR D'APPEL DE PARIS.

Un pair de France condamné par corps au paiement d'une dette civile ou commerciale ne peut-il être arrêté qu'avec l'autorisation de la chambre? (Rés. aff.) Charte constit., art. 34 et 51.

Cette autorisation est-elle nécessaire dans le cas même où l'élévation du débiteur à la pairie est postérieure au jugement de condamnation? (Rés. aff.)

BRISAC, C.. LE COMTE DE SAINT-A....

En 1787, M. le comte de Saint-A...., alors sous-lieutenant dans un régiment de cavalerie, souscrivit à Metz une lettre de change de 15,000 fr: au profit d'un sieur AbrahamIsaac Brisac. Une sentence consulaire, rendue par défaut ler juin 1788, condamna par corps le débiteur au paiement de la traite. Sur l'opposition. formée à cette sentence par M. le comte de Saint-A...., elle fut confirmée par un jugement que rendit le tribunal de commerce de la Seine, le 18 mars 1822. Postérieurement, le comte de Saint- A..... fut. nommé pair de France. Cette circonstance n'arrêta point les poursuites de Brisac, qui voulut le faire arrêter,. après, la. session de 1823. Un référé fut introduit devant, M.. le président du tribunal civil, puis renvoyé à l'audience. Et, le 8. juillet 1825, il intervint un jugement conçu en ces termes : -- « Attendu qu'il s'agit de l'exécution de jugements du tribunal de commerce non attaqués, et par conséquent exécutoires; mais attendu qu'aux termes de l'art. 34 de la charte constitutionnelle, aucun pair de France ne peut être arrêté qu'avec l'autorisation de la chambre des pairs, et que cette disposition s'applique tant aux matières commerciales qu'aux matières civiles, le tribunal ordonne que les jugements dont il s'agit continueront d'être exécutés contre le comte de Saint-A...., mais que néanmoins, avant de faire procéder à son arrestation, le sieur Brisac sera tenu de se conformer aux dispositions de l'art. 34 de la charte. »

Appel par Brisac.

Les premiers juges, a dit l'appelant, ont commis une grande erreur, et attribué à l'art. 34, de la

charte un sens qu'il n'a pas, lorsqu'ils ont supposé qu'en toute matière un pair ne peut être arrêté que de l'autorité de la chambre. Évidemment et d'après ses termes mêmes, l'art. 5, ne s'applique qu'à l'hypothèse ou un pair de France serait poursuivi en matière criminelle : dans ce cas, comme il ne peut être jugé que par la chambre, c'est aussi d'elle seule que doit émaner l'ordre d'arrestation. Cela est conséquent ; mais, hors ce cas d'exception, les pairs restent soumis au droit commun, parce que tous les Français sout égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs rangs et leurs titrès: done, s'ils fout des dettes, ils doivent les payer; donc, s'ils sont condamnés par corps, ils doivent se conformer à la chose jugée, ou subir la peine de leur demeure. Tout ce qu'un pair, dans une telle hypothèse, pourrait réclamer, ce serait l'application, par analogie, de l'art. 51 de la charte, qui sus. pend l'exercice de la contrainte par corps contre les membres I de la chambre des députés pendant la durée de la session. Mais, après sa clôture, la loi commune reprend son empire, et les pairs, comme les députés, y sont indistinctement soumis.

Au surplus, l'art. 34 de la charte, en lui attribuaut même le sens large et absolu qu'on lui suppose, était encore inapplicable à l'espèce sous un autre rapport. En effet, il ne faut pas perdre de vue'qu'il s'agit ici d'une dette contractée et d'une condamnation encourue avant l'élévation du débiteur à la pairie. Les premiers juges ne pouvaient donc pas invoquer l'art. 34, sans lui donner un effet rétroactif vraiment déplorable.

Dans l'intérêt de l'intimé, on présentait d'abord des considérations de fait qui, en établissant le peu de faveur de la créance, tendaient à justifier le retard du débiteur à l'acquitter. Ensuite on soutenait en droit que la disposition de l'art. 34 de la charte est absolue, et qu'en toute matière l'autorisation préalable de la chambre est indispensable pour arrêter un pair de France.

Du 19.juin 1826, ARRÊT de la cour royale de Paris, première chambre, M. Séguier premier président, MM. Lamy et Lavaux avocats, par lequel :

« LA COUR,

Sur les conclusions de M. de Broé, avocat-général; Considérant qu'il appartient à la chambre des pairs de fixer le sens.

Tome 11 de 1827:

Feuille 5o.

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de l'art. 34 de la Charte, de distinguer, ou de rendre commune, l'application de cet article en matières civile, commerciale et criminelle, comme aussi de prendre pour les différents cas, à l'égard de ses membres, telles mesures de police intérieure et de considération publique qu'elle jugera convenables; qu'en conséquence, et, en attendant, c'est à elle seule qu'il faut s'adresser pour obtenir, contre un pair, l'exercice de la contrainte par corps; A MIs et MET l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel șortira son plein et entier effet. » (1)

COUR D'APPEL DE PARIS.

B.

L'enfant naturel légalement reconnu peut-il exiger le rapport en nature de l'immeuble donné à l'enfant légitime pár le père commun ? (Rés. nég.).

Du moins peut-il exiger que cet immeuble, fictivement réuni à la masse de la succession, soit estimé, non suivant sa valeur actuelle, mais d'après celle qu'il avait à l'époque de l'ouverture de la succession? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 724, 756, 757, 760, 773, 857, 859, 860 et 922. BOTTOT-DUMESNIL, C. DAME CURTILLE.

En mariant sa fille avec le sieur Curtille, Bottot-Dumesnil lui avait constitué en dot une maison sise à Paris, rue du Fouarre. Voulant prévenir toute espèce de contestations qui pourraient s'élever par la suite entre elle et un enfant naturel qu'il avait reconnu, il régla d'avance, par un acte du 28 octobre 1822, et conformément aux dispositions de l'art. 761 du cod. civ., la moitié à laquelle il entendait réduire cet enfant naturel dans sa succession. Après son décès, Bottot-Dumesnil, fils naturel, prétendit que la moitié

(1) On voit, par le Moniteur, qu'en 1820, on avait fait à la chambre des pairs une proposition ainsi conçue: «La chambre reconnaît que >> l'art. 34 de la Charte, en statuant qu'aucun pair ne peut être arrêté » que de l'autorité de la chambre, a laissé à la conscience et à la discré>>tion de la chambre de déterminer dans quel cas un pair doit ou ne » doit pas être arrêté; et la chambre regarde comme un privilége inhé» rent à la pairie que, pour toutes dettes et dans toutes causes civiles, la >> liberté personnelle d'un pair soit inviolable et sacrée. » Mais cette proposition n'eut pas de suite, et on est resté dans les termes de l'art. 34, qui n'est pas, il faut en convenir, très explicite à cet égard.

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de portion qu'il avait reçue de son père était réellement inférieure à celle à laquelle il avait droit, d'après les forces de la succession: en conséquence il réclama, aux termes du même art. 761, le supplément nécessaire pour parfaire cette moitié; et, pour parvenir à la connaître, il forma contre sa sœur une demande à fin de compte, liquidation et partage de la succession de leur père; il demanda en outre le rapport en nature, conformément à l'art. 859', de la maison sise rue du Fouarre, seul immeuble de la succession, et en provoqua la licitation. La dame Curtille répondit que le rapport en nature n'était pas dû à l'enfant naturel; qu'il pouvait tout au plus demander la réunion fictive à la masse de la valeur de l'immeuble à l'époque de l'ouverture de la succession, pour fixer ensuite sur cette masse ses droits comme enfant naturel. Sur ces contestations, jugement du tribunal civil de la Seine, du 17 juin 1825, qui statue en ces termes :

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que

<< Le tribunal, Attendu la loi accorde aux enfants naturels, dans la succession de leur père, un droit fixé suivant le nombre des enfants légitimes ;--Attendu que, si, aux termes de l'art. 756 du cod. civ., l'enfant naturel n'a pas le titre d'héritier, le droit qu'il peut exercer dans la succession de ses père et mère n'en est pas moins un droit héréditaire; que, pour le déterminer, la masse de la succession doit être fixée de la même manière que si elle devait être partagée entre des héritiers légitimes; qu'ainsi il doit être fait rapport, aux termes de l'art. 860 du cod. civ., du montant des donations faites par Bottot-Dumesnil à la dame Curtille; - Attendu que l'acte du 28 octobre 1822 ne pourrait obliger Bottot-Dumesnil fils qu'autant qu'il serait conforme aux dispositions du code civil; - Attendu qu'aux termes de l'art. 761 du même code, l'enfant naturel n'est obligé de s'en tenir aux donations à lui faites entre vifs, par ses père et mère, que si elles ne sont pas inférieures à la moitié de ce qui doit lui revenir comme enfant naturel; ordonne qu'à la requête, poursuite et diligence de Bottot-Dumesnil, il sera procédé aux compte, partage et liquidation des biens déOrpendants de la succession de Bottot-Dumesnil père; donne que, lors de la liquidation qui aura lieu entre les parties, il sera fait rapport, par la dame Curtille, des donations qui lui ont été faites par son père dans son contrat de

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