NOAILLES, C. MITOUFLET. Le duc de Noailles, créancier des époux Mitouflet, a fait saisir immobilièrement une pièce de pré que ceux-ci avaient affectée à la garantie de leur engagement. La première publication du cahier des charges est indiquée au 11 juillet 1826. Ce jour-là les parties saisies se présentent, proposent d'abord, mais inutilement, quelques moyens de nullité contre la poursuite, et finissent par demander qu'elle soit convertie en vente sur publications volontaires devant Me Jouanneau, en l'étude duquel le cahier des charges sera déposé à cet effet. M. le duc de Noailles, loin de contester cette demande, déclare au contraire consentir à la conversion provoquée par les époux Mitouflet, pourvu que l'adjudication ait lieu dans un délai déterminé. Il prend même des conclusions formelles à cet égard. Cependant le tribunal civil d'Orléans, par. jugement du 13 juillet 1826, rejette la demande en conversion, et maintient la poursuite de saisie, « Attendu que cette poursuite est déjà très avancée, et touche à son terme; qu'en un tel état de choses, il ne peut y avoir aucun avantage pour les parties d'obtenir la conversion en vente volontaire, et que les frais seraient même plus considérables qu'en poursuivant la saisie; que d'ailleurs le renvoi devant Me Jouanneau, notaire à Meung, ne peut être admis par le tribunal, puisqu'il s'agit de biens situés dans le canton de Cléry, où ce notaire ne peut instrumenter ». Appel de la part des époux Mitouflet.-L'art. 747 du cod. de proc., ont-ils dit, s'explique en termes clairs et positifs. Il porte qu'il sera libre aux intéressés, s'ils sont tous majeurs et maîtres de leurs droits, de demander que l'adjudication soit faite aux enchères devant un notaire ou en justice. C'est un droit que la loi consacre en faveur des parties, et il impliquerait que le juge pût le leur enlever sans motif. Ce n'est point aux tribunaux, mais bien au saisi et aux créanciers, qu'il appartient d'examiner si la conversion est ou non avantageuse, parce qu'en effet les avantages et les inconvénients. ne peuvent être bien sentis que par les intéressés. Quant au juge, il doit vérifier seulement si l'accord est unanime pour la conversion; mais une fois cette vérification faite, l'homo logation judiciaire devient une nécessité, à moins que de graves motifs, comme des raisons d'ordre public, ne viennent s'y opposer. Telle est la doctrine consacrée par tous les commentateurs, notamment par l'auteur des Lois de la procédure, tom. 2, pag. 699. Quant au notaire, le prétexte allégué par le tribunal pour l'écarter n'est pas mieux fondé. En effet, il n'y a pas de loi qui s'oppose à ce que des biens situés dans un canton soient vendus en l'étude d'un notaire d'un autre canton; c'est au contraire ce qui se pratique tous les jours, et cet usage ne peut jamais présenter d'inconvenients, puisque les parties in-téressées sont toujours maîtresses de s'y opposer. Du 29 novembre 1826, ARRÊT de la cour royale d'Orléans, M. Delaplace président, MM. Baudry et Johanet avocats, par lequel: « LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. de Sainte-Marie, avocat-général; -Considérant que la faculté accordée, par l'art. 747 du cod. de proc., aux parties intéressées majeures et maîtresses de leurs droits, de demander d'un commun accord la conversion d'une saisie immobilière en vente par adjudication aux enchères devant notaires, avec les formalités de la loi, est un droit dont il n'est pas au pouvoir des tribunaux de priver les parties; Considérant dans la cause, que, il résulte du tableau comparatif fourni par les appelants que les frais à faire pour mettre à fin la poursuite de saisie seraient plus considérables que ceux qu'occasionera la vente volontaire sur publications; Considérant enfin qu'aucune loi n'exige que l'adjudication d'un immeu ble soit faite dans l'étude du notaire de sa situation, à l'exclusion de tous autres; Que le notaire Jouanneau est du choix des deux parties, et que sa résidence est peu éloignée des héritages dont la vente est poursuivie; - INFIRME le jugement dont est appel; donne acte au duc de Noailles de ce qu'il n'entend élever aucune contestation, et ordonne que la poursuite de saisie immobilière sera convertie en vente sur publications volontaires, qu'il y sera procédé, dans le délai de trois mois, devant Me Jouanneau, notaire choisi par les parties, etc. » B. COUR D'APPEL DE TOULOUSE. De ce qu'un juge récusable ne s'est point récusé lui-même, s'ensuit-il que le jugement auquel il a concouru soit nul? (Rés. nég.) Cod. de proc. civ., art. 378 et 380. La révocation d'un avoué date-t-elle du jour de la signification à lui faite de l'acte qui le révoqne, dans le cas méme où cet acte n'a pas été enregistré ? (Rés. aff.) Loi du 22 frimaire an 7, art. 34. LAPEYRE, C. SAUBENS. En 1821, les mariés Saubens forment contre Jean La-· peyre une demande en paiement de sommes que ce dernier leur devait, en conséquence d'un partage de succession fait entre eux le 9 juillet 1818. L'exploit d'ajournement contient, de la part des demandeurs, constitution de Me Géraud pour avoué. De son côté, Me Bernadac se constitue pour Jean Lapeyre. L'acte de constitution est signifié à Me Géraud lui-même, parlant à sa personne, le 20 janvier 1821. Les choses restent en cet état jusqu'au 9 juillet 1823. A cette époque, les époux Saubens font signifier à Me Géraud un acte de révocation, par lequel Me Faure est constitué en son lieu et place. Il paraît que cet acte n'avait pas été enregistré. Le 28 août suivant la cause est portée à l'audience du tribunal de Saint-Girons, et Me Géraud, qui siégeait ce jour-là comme juge suppléant, prend part au jugement de la contes tation. Jean Lapeyre, ayant perdu son procès, interjette appel, et croit trouver dans le concours de Me Géraud, ancien avoué de ses adversaires, au jugement du 28 août, un moyen de nullité contre ce jugement. Me Géraud, disait-il, a occupé, dans la cause, comme avoué des sieur et dame Saubens; on doit même supposer qu'il était encore leur avoué à l'époque de la sentence, puisque l'acte de révocation du 9 juillet n'a point été enregistré. Il est donc évident qu'il ne pouvait pas connaître comme juge d'une cause dont il avait précédemment connu comme officier ministériel, d'une cause à laquelle il avait un intérêt en quelque sorte direct: car l'avoué, c'est le mandataire, et le mandataire représente la partie, dont les intérêts deviennent les siens propres. Me Géraud devait donc, aux termes de l'art, 380 du cod. de proc., se récuser lui-même, et puisqu'il ne l'a pas fait, le jugement auquel il a cóncouru est frappé de nullité, car il n'est point de nullité plus radicale, plus absolue, que celle qui résulte du défaut de qualité ou de capacité dans la personne qui a rendu le jugement. On dira peut-être que le droit de récuser est purement facultatif, et que la partie doit s'imputer de n'en avoir point fait usage. L'objection serait juste dans certains cas; mais elle porterait à faux dans l'hypothèse actuelle: Lapeyre ne pouvait pas deviner qu'il allait trouver au nombre de ses juges celui-là même qui avait instruit la cause de ses adversaires; et comme la forme prescrite pour la récusation était impraticable au moment de l'audience, il est évident que Me Géraud, en ne se récusant pas lui-même, forçait Lapeyre à l'a voir, malgré lui, pour juge. Sans doute, a-t-on répondu pour les intimés, une partie qui a de justes motifs pour ne point soumettre le jugement de sa cause à tel ou tel magistrat peut le récuser; mais ce droit est purement facultatif. La foi le dit elle-même dans l'art. 378: Tout juge peut être récusé. Il peut donc aussi ne pas l'être, au gré de la volonté ou du caprice de la partie intéressée à la révocation. Mais alors elle n'est pas recevable à se plaindre de ce que le juge n'est point allé au-devant d'une récusation qu'elle-même n'a pas cru convenable de proposer. C'est une erreur de prétendre que, dans l'espèce, la forme de la récusation était impraticable au moment de l'audience, puisque, dans l'économie des art. 581 et 582, il suffit qu'elle soit proposée avant la plaidoirie, et qu'elle peut même l'être après, si les causes n'en sont survenues que depuis. Au surplus on a raisonné jusqu'ici dans l'hypothèse ou M Géraud aurait été, comme avoué des époux Saubens, susceptible d'être récusé. Mais il est établi en fait par l'acte de révocation du 9 juillet 1825 qu'à l'époque du jugement Me Géraud n'était plus l'avoué de Saubens. Qu'importe que cet acte n'ait point été enregistré ? Il n'est pas moins constant entre les parties qu'il existe, et que l'avoué de Lapeyre en a reçu copie. Du 13 mai 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Toulouse, deuxième chambre, M. d'Aldéguier président, MM. Deloume et Genie avocats, par lequel : LA COUR, Sur les conclusions de M. Cavalié, avocat-général, et après en avoir délibéré; — Attendu, en ce qui concerne les conclusions principales du sieur Lapeyre, tendant à obtenir la nullité du jugement attaqué, que le moyen de nullité pris de ce que Ma Géraud, avoué originairement constitué des époux Saubens, a siégé au nombre des juges, est également mal fondé en droit et en fait : il est mal fondé en droit, parce que, selon les dispositions du code de procédure civile, la partie qui a des motifs suffisants de ne point accepter tel ou tel juge doit le récuser; que c'est là une faculté à laquelle elle peut renoncer, et que, dans ce cas, la coopération du magistrat récusable au jugement est censée acceptée par celui qui seul pouvait invoquer le bénéfice de la récusation; que, dès lors, le silence de cette partie forme une fin de non recevoir contre sa prétention de faire annuler le jugement, sans qu'il serve d'objecter l'art. 380 du même code, selon lequel tout juge qui sait cause de récusation en sa personne est tenu de la déclarer à la chambre, qui décide s'il doit s'abstenir, parce que cela prouve, au contraire, davantage que de ce qu'il existe une cause de récusation il ne s'ensuit pas que le juge doive être écarté, à peine de nullité, puisqu'il peut être décidé par la chambre s'il doit ou non s s'abstenir; Que ces principes s'appliquent à tous les cas, même à ceux où le juge aurait un intérêt personnel à la contestation, ainsi que le démontre l'art. 44 du code précité; que d'ailleurs, dans l'espèce, on ne peut pas dire que Me Géraud eût un intérêt de ce genre dans le procès pendant devant le tribunal de Saint-Girons; que, si la qualité d'avoué constitué des époux Saubens l'assimilait à un mandataire représentant son mandant, cette représentation ne peut produire l'effet de les identifier au point que l'intérêt personnel du mandant devienne l'intérêt personnel du mandataire; que ce moyen de nullité est d'ailleurs mal fondé en fait, parce que Mc Géraud, qui n'avait été que nominativement et en apparence l'avoué des époux Saubens, avait cessé de l'être lorsque le jugement attaqué fut rendu, par suite d'un acte de révocation en date du 9 juillet 1823, lequel contenait constitution de Me Faure en remplacement de Me Géraud; D Que vainement l'on prétend que, l'acte de révocation n'ayant jamais été enregistré, il est nul, aux termes de l'art. 34 de la loi du 22 frimaire an 7: car, en admettant cette nullité, elle ne peut être invoquée pour en induire que la qualité de Mc Géraud s'est continuée, alors que la copie à lui remise était son original, et qu'il n'avait pas à s'occuper des formalités indépendantes de la signification de cet acte, et qui devaient être remplies postérieurement à cette signification; et qu'il y a d'autant plus de raison de le juger ainsi, que Lapeyre lui-même a reçu à la méme date une copie de la révocation signifiée à Mc Géraud, ce qui no |