Page images
PDF
EPUB

lointaines, des pyramides et des tombeaux avec des inscriptions à la mémoire des grands amis de la liberté. Dans le milieu se voit la statue de la Liberté, sur le sommet d'un rocher. » Il y avait aussi là une tombe de Rousseau, « religieusement environnée de peupliers, de saules », des monuments à Le Peletier, Bara et Viala, l'urne de l'Ami du peuple. J'imagine que les Lillois avaient commencé à préparer cet « Élysée » dès prairial et que ce travail long et coûteux ne fut terminé qu'après le 9 thermidor: ils ne voulurent point que de tels préparatifs fussent perdus et ils inaugurèrent quand même. L'Etre suprême eut les honneurs de la cérémonie, mais ce fut un hommage court et discret: on insista surtout sur la chute de Robespierre, et on lança l'anathème à la faction vaincue (1). C'est encore dans ce temple de Lille que, quelques jours plus tard, le conventionnel Berlier célébra l'évacuation du territoire et les victoires de la République (2).

Dans les pays conquis, il arriva que, pendant quelque temps encore, les Français inaugurèrent des temples à l'Étre suprême. C'est ce que fit le con

(1) Discours prononcé au nom du Conseil général de la commune de Lille, par le citoyen Corbet, l'un de ses membres, à l'ouverture du temple à l'Éternel, le cinquième jour sans-culottide, deuxième année républicaine. Impr. Jacquez, s. d., in-8 de 20 pages. Bibl. de Grégoire, t. LXXX.

(2) Discours prononcé au temple de l'Éternel de la commune de Lille, le 30 vendémiaire de la troisième année républicaine, par le citoyen Berlier, représentant du peuple envoyé dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Imp. Jacquez, s. d., in-8 de 3 pages. Ibid.

ventionnel Portiez (de l'Oise), quand, le 30 frimaire an III, il installa à Aix-la-Chapelle une administration française; mais son discours fut tout politique, et il sembla seulement vouloir prouver à la ville conquise que les Français n'étaient pas des athées (1).

La Convention n'entend pas que la chute de Robespierre encourage les survivants de l'hébertisme et ressuscite le culte de la Raison. Elle ne veut pas, comme l'écrit un de ses membres, « que le juste ridicule que l'on a jeté sur les projets du tyran affaiblisse l'idée de l'existence de l'Être suprême et de l'immortalité de l'âme (2) ». Il y a d'abord une vague tendance à maintenir le culte de l'Etre suprême en le dépouillant de tout caractère robespierriste. Non seulement les rapports et les discours auxquels donna lieu, en l'an III, le débat sur l'établissement des fêtes décadaires sont remplis du sentiment déiste le plus fort, mais plusieurs conventionnels, Barailon, Bonguyod, Picqué (3), demandent que la première fête soit en l'honneur de l'Etre suprême (4).

(1) Fête civique célébrée à Aix-la-Chapelle, le 30 frimaire l'an III de la République. Aix-la-Chapelle, impr. des citoyens Schæfers an III, in-8 de 23 pages. Carnavalet, 12,272.

(2) Réflexions sur les fêtes décadaires, par Joseph Terral, député du Tarn, imprimées par ordre de la Convention nationale. Impr. nationale, nivôse an III, in-8. Bibl. nat., Le 38/1139. (3) On trouvera leurs opinions à la Bibl. nat., Le 38/1129, 1132, 1134, in-8.

(4) Voir aussi le curieux opuscule intitulé: Modèle d'une fête drame où ne sont point observées les règles de l'art et qui ne peut convenir à aucun de nos théâtres publics. Paris, Louvet, 20 prairial an III, in-8 de 39 pages. Bibl. de Grégoire, t. LXXIX. L'auteur anonyme y enseigne à faire une fête à l'Être suprême. D'autre part, plus d'un mois après la mort de Robespierre, la Con

[ocr errors]

C'est également sous les auspices de l'Etre suprême que les fêtes décadaires sont placées par Mathieu, Athanase Veau et Opoix (1). Personne cependant n'ose demander un culte national et officiel, et on voit prévaloir peu à peu les idées libérales qui vont, peu après, amener la séparation de l'Église et de l'État.

Quant au décret du 18 floréal, la Convention ne le maintint ni ne le rapporta. La fête de l'Etre suprême ne fut même pas mentionnée dans la grande loi du 3 brumaire an IV, qui organisait des fêtes nationales au nombre de sept: fête de la fondation de la République, de la Jeunesse, des Époux, de la Reconnaissance, de l'Agriculture, de la Liberté et des Vieillards. La Convention ne prit pas la peine de supprimer le culte de l'Etre suprême elle l'oublia, et la plus injurieuse des désuétudes abolit le grand dessein de Robespierre, dont l'idée transformée ne sera reprise que par les sectateurs de la théophilanthropie.

vention accepte encore l'hommage de poésies en l'honneur de l'Être suprême, qui lui sont présentées, dans la séance du 16 fructidor an II, par les citoyens Nougaret et Thiébaut. (Procès-verbal, XLV, 3, 9).

(1) Bibl. nat., Le 38/1136, 1137, 1140, in-8.

FIN.

CHAPITRE XI.

Le culte de la Raison en province. Le Sud-Ouest :

Gers, Hautes et Basses - Pyrénées, Haute-Garonne, Tarn, Lot,
Tarn-et-Garonne, Landes, Lot-et-Garonne, Gironde.

CHAPITRE XII.

-

131
Le culte de la Raison en province: Charente, Bre-
tagne, Normandie, Le Mans, Chartres, Lyon, Perpignan 183
Tentatives pour formuler le culte de la Raison en

CHAPITRE XIII.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

195

Caractère général du culte de la Raison.
Commencement de la réaction contre le culte de la

199

205

--

Le discours de Robespierre du 1er frimaire

CHAPITRE XVII.

218

[merged small][ocr errors][merged small][ocr errors]
[ocr errors][merged small]
[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

l'Être suprème. .

246

Le rapport et le décret du 18 floréal an II sur

267

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]
[blocks in formation]
[blocks in formation]
[blocks in formation]
« PreviousContinue »