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ní conjuration. Eh bien! monsieur, voulez-vous que la ligue et la conjuration que je vous dénonce n'existe plus; en ce cas, comme je ne suis en prison que pour l'avoir découverte; et, de peur que je la dénonce, vous me devez la liberté sur le champ, soit qu'elle existe ou n'existe pas. Pourquoi? parce que, si elle n'existe plus, vous n'avez plus le droit de me retenir un seul instant; je suis déchargé de l'embarras de la dénoncer; et cependant j'aurai à poursuivre la police en indemnité, pour 'm'avoir arrêté sans motif déclaré, durant huit ans jusqu'à ce jour. Vous ne disconviendrez pas que le mi nistère ni la police n'ont pas dû me punir sans un délit évident. Ils n'ont pu me reprocher la plus légère pecca dille qui autorisât ma détention et la perte de mes emplois, quelques recherches qu'ils aient faites pour appuyer l'énorme abus de l'autorité, l'emploi furtif des lettres-de-cachet même contrefaites, l'enlèvement de nuit et le récélement secret, tant de ma personne que de six autres citoyens pour la même chose, l'audace atroce de se constituer despotes et juges oppresseurs contre moi dans leur propre cause, l'inquisition et les exécrables persécutions qu'ils m'ont déja fait endurer avec plus de férocité que ne feroient de barbares Algériens, les attentats et le vol qu'ils ont osé faire de mes papiers dans une pleine malle à la Bastille, la perte de mes emplois et de mes meubles; enfin, le dérangement de mnes affaires. Voilà des raisons pour ma plainte. Mais si la ligue et la conjuration dont je parle existoit véritablement, si, malgré qu'on m'ait volé à la Bastille trois copies du pacte, avec mes commentaires à mi-marge, je vous en mets une autre entre les mains dans 24 heures de ma sortie, avec deux mille preuves de son exécution, sous vos propres yeux et ceux du vulgaire, me refuserezvous la liberté que je vous demande subito, et m'empê cherez-vous de faire ma dénonciation contre les ennemis du roi et de l'état? Certes vous deviendriez aussi coupables qu'eux, si vous ne me délivriez pas de leurs mains, et si vous ne dénonciez pas vous-même au roi leurs forfaits, sur-tout lorsque vous n'y avez point de part. Sur ces répliques, il consulte pour la seconde fois Borot, qui lui suggère de ne jamais se rendre à l'évidence ni à la raison, et de supposer qu'un homme trouvé en prison n'y doit pas être sans cause; qu'il faut attendre le retour, de Sarijne; et que, s'il y en a une,

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on peut, sans injustice, me la laisser débattre avec lui; raisonnement aussi faux qu'absurde et inique. La suite à l'ordinaire prochain.

LITTÉRATURE.

Les Nymphes de Dietyme, ou Révolutions!: l'Empire virginal; 1 vol. in 8o. de 226 pages:

Il étoit difficile, après l'immortel archevêque de Cambrai, de tenter un roman poétique en prose. Tous les écrivains, qui ont tenté d'imiter Télémaque, ont tous échoué dans ce genre ; et si, à la fin de ce siècle, M. de Florian a su nous intéresser par les charmes de son style, aux tendres amours d'Estelle et de Némorin, et faire quelquefois goûter la morale répandue dans Numa Pompilius, il ne faut pas conclure de-là que notre idiôme, dénué des ornemens de la poésie, soit aussi harmonieux que les beaux vers de Racine et de Rousseau. C'étoit donc une tâche bien pénible que celle de réformer une opinion appuyée par les plus sages écrivains. L'ouvrage dont nous allons rendre compte paroît combattre ce sen-. timent unanime; il tend à prouver qu'une prose bien cadencée, bien harmonieuse, a quelque chose de si poétique, qu'elle pourroit être préférée à la poésie. Ceci tient trop au paradoxe, pour ne pas chercher comment l'auteur a pu le soutenir jusqu'à la fin. Un extrait détaillé de ce nouveau poëme nous conduira facilement aux résultats que nous désirons.

M. Fournier de Tony a jugé à propos de diviser son ouvrage en neuf livres, qui forment autant de chapitres ou chants. Ce ne sont par-tout qu'événemens merveil leux, aventures singulières, etc. Il commence par la peinture suivante de la situation de la ville de Dietyme et des mœurs de ses habitans.

<< La ville de Dietyme est située dans l'isle de Crète. Ce lieu et soumis aux loix de l'Amour qui l'a conquis. La chuste Diane qui habitoit autrefois, avoit établi, dans. les forêts qui couvrent la cime de ses montagnes, la demeure des jeunes filles qui lui étoient consacrées. Des pareus injustes, pour satisfaire des vœux indiscrets, con

damnoient leurs filles à ignorer pour toujours les doux plaisirs d'épouses et de mères; ils venoient remettre entre les mains de la déesse la victime innocente qu'ils vouoient au célibat: on les faisoit jurer, sur les autels, de conserver éternellement une rigoureuse chasteté, et de renoncer pour la vie aux douces impulsions de l'amour. Ces jeunes filles, dans l'àge le plus tendre, sacrifioient aisément un bonheur dont elles ne pouvoient encore se former aucune idée.

Les jeunes Crétois, célibataires par nécessité, languissoient dans une inquiétude alarmante. Les champs restoient incultes; une tristesse mortelle se manifestoit sur le front de ces infortunés ». On doit penser que cette situation va bientôt changer, et qu'à la première occasion les jeunes nymphes, au mépris des menaces de la chaste déesse, réuniront tous leurs efforts pour se soustraire à cet odieux esclavage. M. Fournier de Tony l'amène assez heureusement; il fait disparoître la déesse pour des affaires particulares, et conduit dans un des bosquets un habitant de l'Isle, qui bientôt en sera le héros. Cet insulaire se trouve conduit par le hasard près de l'enceinte où la fière déesse dicte ses loix. Le jeune Antéros apperçoit, à travers le feuillage, le cercle majestueux des nymphes de Diane. Il en distingue sur-tout une qui fixe un moment les yeux sur lui, et les baisse aussi-tôt ; mais ce regard a pénétré jusqu'au fond de son cœur.

Les nymphes ont à peine quitté le bocage solitaire, qu'il y vole, et que, se prosternant à la place qu'occupoit Mirsile, il jure à l'amour de vivre et de mourir pour elle.

Plusieurs jours s'écoulent pendant lesquels la jeune nymphe ne paroît pas. Le nouveau Médor commençoit à déplorer son sort, lorsqu'un autre hasard dirige ses pas vers un large ruisseau, entouré d'un bois touffu d'orangers, dont les branches entrelacées formoient une voûte de verdure impénétrable aux rayons du soleil. Ecoutons M. Fournier dans la description suivante: « Le jasmin et le chévrefeuille, amoureux de la beauté de ces arbres, les embrassoient des replis tortueux de leurs rameaux déliés, et marioient l'éclat de leurs fleurs à l'or des oranges, et à l'émeraude des olives.

Il apperçoit deux nymphes qui folâtroient dans ce canal. D'abord, il ne voit que leurs têtes qui nageoient sur la surface des eaux. Les ondes empressées s'empa

roient de leurs blonds cheveux, et paroissoient les caresser amoureusement. Puis il découvre le ferme contour dé eur sein voluptueux, qui s'élève au-dessus des flots; et bientôt après, ces nymphes se dévoilant de la gaze, dont le fleuve jaloux couvre leurs appas, étalent à ses yeux surpris tous les trésors de leur beauté ».

Voilà, sans doute, une description où l'on retrouve cette fraîcheur antique, si rare parmi nous. Venons maintenant à l'intrigue du roman. « Antéros apperço t au milieu de ces nymphes, celle qui possède déjà toutes ses affections, la belle Mirsile. Il veut, il est déjà sur le point de la joindre, lorsque la nymphe, saisie de frayeur, lui décoche un trait mal assuré qui va percer un arbrisseau qui se trouve sur son passage. Antéros l'en retire, et veut s'en percer dans son désespoir. La nuit le surprend dans cette cruelle résolution. Mais l'amour, en lui donnant des conseils salutaires, rétablit le calme dans ses esprits >>.

On verra dans le numéro prochain, quels moyens il met en usage pour s'introduire parmi les suivantes de Diane.

Lettres aux Rédacteurs.

Paris, ce 28 Février 1790.

MONSIEUR,

Quand je vois les Américains du nord nous dire, que l'Ohio et le Scioto sont la terre promise pour attrapper l'argent des crédules Français qui se laissent prendre au piége; je dis, pleurons leur destinée, puisqu'ils sont nos frères. Mais disons avec espérance, cela parviendra aux oreilles de nos pères de l'assemblée nationale, et ils rendront un décret pour dissuader leurs enfans d'une chimère semblable à celle de la fontaine de Jouvence (1), et le mensonge disparoîtra avec les faussetés

(1) La fontaine de Jouvence, selon ce que les Espagnols s'étoient figuré, étoit dans la Floride, à-peuprès à deux cents lieues de cette terre prétendue promise; i faut espérer que les Français de soixante-dix ans,

de

de ceux qui sont venus répandre dans cette capitale que des vessies étoient des lanternes.

Quand je vois de plus quelque chose que je vais vous dire, nos pères! ô vous en qui nous avons mis toute notre espérance, vous ne connoissez pas encore le tort que nous font les Américains du nord; et si le hasard fait que vous lisiez ce peu de mots, rappellez-vous que, si vous ne leur prohibez pas nos colonies, atissi-tôE que vous aurez décrété que les Nègres sont des propriétés auxquelles on ne peut toucher qu'avec la plus grande précaution, et avec le temps, notre commerce est encore perdu, et je le prouverai comme quatre et quatre font huit. Grand Mirabeau, quelle carrière pour ton génie ! je veux dire le comte, ne perdons pas la tête. Ah! que les malheureux ouvriers en France t'auront d'obligation, puisqu'il est vrai que cette prohibition occupera au moins deux cents mille bras: attention sur-tout à la marine, car les Anglais nous observent comme le chat la souris.

Je suis, en souhaitant que vos yeux puissent s'ouvrir sur ce que je viens de vous dire, mes chers concitoyens,

Creteil ce 24 Février 79o.

Permettez, Monsieur, qu'au moment où l'on réunit, avec une espèce d'acharnement, tout ce qui peut donner de la défaveur au clergé, je rende public, par la voie de votre Journal, un fait propre à justifier qu'il y a encore, du moins dans le clergé du second ordre, du patriotisme et de l'humanité.

Dans un petit coin de terre que j'habite, le vicaire du lieu, (M. l'abbé Vassel, vicaire de la paroisse de Creteil), a réuni chez lui, tin de ces derniers jours

qui partiroient pour ce pays, n'auroient plus que vingt ans, aussi-tôt leur arrivée. Quelle spéculation pour nos financiers! mais qu'ils y prennent garde, s'ils rajeunissoient du côté de la vie, les Américains sauroient bien leur faire vieillir la bourse, car c'est là leur dieu tutélaire et leur grande devise; honni soit qui mal comprend la chose And god bless you and your dam contry, and god save my cort ry men from your hand.

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