Page images
PDF
EPUB

RÉVOLUTIONS

DE PARIS, DÉDIÉES A LA NATION Etau District des Petits-Augustins.

SECONDE ANNÉE

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

<Le comité de police déclare le sieur Prudhomme propriétaire des Révolutions de Paris ».

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors]

UN

D 16

DETAILS

AU 23 JANVIER 1790.

DES ÉLECTIONS.

NE contre-révolution paroissoit impossible, il ya peu de jours. Les patriotes éclairés sourioient уа a ce mot, comme les aristocrates ricanoient autrefois à celui de liberté.

No. 28.

A

L'approche des élections vient de changer les dispositions des esprits. Les chefs de la faction ont conçu l'espoir de se rendre maîtres des suffrages; et les défenseurs du peuple sont dans des angoisses cruelles sur l'usage qu'il va faire d'un droit dont il sent à peine l'importance, celui d'élire les agens du pouvoir.

Tout leur paroit désespéré, sil'aristocratie obtient dans les municipalité, les districts et les départemens, un assez grand nombre de places pour produire dans chaque partie de l'administration des tiraillemens continuels qui puissent nous priver des avantages du nouveau régime. Ils prévoient que la nation seroit bientôt lasse d'une organisation convulsive, et qu'elle ne tarderoit pas à regara der la liberté comme un fléau dont elle ne sauroit trop promptement se délivrer.

Bons citoyens, vos alarmes sont fondées; mais votre désespoir ne l'est pas. Je sais que chez un peuple divisé en deux partis, dont l'un est pauvre et nombreux, l'autre ambitieux et opulent, les suffrages sont ordinairement à vendre, à moins que des mœurs frugales ne mettent la multitude à l'abri de la séduction.

Je sais que, quand les suffrages du peuple peuvent être achetés, l'état n'est pas gouverné pour l'intérêt commun, mais pour l'intérêt de ceux qui les achetent, et que de la corruption à la servitude il n'y a qu'un pas.

Je sais qu'à l'époque de la révolution nous n'adorions d'autre divinité que la fortune; que des vues mercantileset basses avoient rétréci toutes les ames; que les projets les plus philantropiques en appa, rence n'étoient au fond que des affaires de commerce et des spéculations usuraires.

Je sais que la portion la plus éclairée de la nation, le peuple parisien, a montré dans les élections qu'il a faites au sein même du danger (à l'exception des deux principales), tous les vices qui avoient déjà sappé la liberté de Rome à l'époque où un

roi de Numidie disoit: Qu'il ne lui manquoit qu'ùn acheteur.

Je sais que la sotte habitude de rendre hommage à ce qu'on a, jusqu'à présent, appellé la grandeur, attirera les suffrages du peuple à des ennemis de la révolution; que les riches accapareront les voix ; que la rareté actuelle du numéraire et la cessation des travaux mettent, pour ainsi dire, les élections à la merci des anciens aristocrates, ou de ceux qui veulent leur succéder.

Mais je sais aussi que les Français ont enfin senti qu'ils doivent être libres; je sais qu'ils veuleut l'être, et que, s'ils se trompent sur les moyens de le devenir, ils sont assez fiers pour se corriger, ou que, si on les trompe, ce ne sera ni long-temps, ni impunément.

Les avis que je reçois de tous les coins du royaume sur les menées des aristocrates, ne sont pourtant pas propres à me rassurer. J'apprends que les plus forcenés ont pris tout-à-coup le masque de la popularité; qu'ils poussent l'hypocrisie jusqu'à calomnier leur parti; qu'ils feignent d'abjurer les principes pour lesquels ils avoient professé hautement qu'ils donneroient leur vie, et qu'ils ne parlent que de concorde, d'union, de fraternité.

J'apprends qu'ils entrent dans toutes les associations de bienfaisance, et que, dans les lieux où la cherté des grains est excessive, ils sèment le bruit qu'ils ont fait acheter des subsistances pour les distribuer gratuitement aux indigens, ou pour les vendre à un prix modéré aux moins mal aisés.

Le peuple n'est que trop disposé à se laisser prendre à ces lâches amorces. Il est loin encore de s'être formé une idée des difficultés qu'il a à vaincre pour arriver à la liberté, et des ressources infinies de ses tyrans pour le retenir dans les fers.

«Tonnez, foudroyez l'hydre à cent têtes, s'éerie du fond de sa province un patriote aussi chaud qu'éclairé; bravez les contradictions, les injures, les menaces et la calomnie. Le mal est plus grand

que vous ne pensez; plus à portée que vous de juger des sentimens qui agitent les provinces, j'y vois avec chagrin que l'amour de la patrie, de la liberté, n'est que sur les lèvres ; que les têtes ne sont qu'exaltées, tandis que les coeurs restent de glace; qu'on ne s'occupe que de l'extérieur; que le service est négligé; que, tandis qu'on se fait remplacer par un mercenaire en guenille, on va se faire voir aux spectacles en uniforme; que les assemblées des districts ne sont que tumultueuses et non décisives. Beaucoup d'apparence de bonne volonté, nulle exécution; point de fermeté, point de caractère. Le feu qu'inspirent les mots de patrie, de liberté, semblable à un feu de paille, ne donne qu'une vaine fumée; il est sans force et sans activité; j'y vois enfin que les nobles sont ce qu'ils ont toujours été ; que les ecclésiastiques, conjointement avec eux, ne cessent de regretter des priviléges abusifs, de semer parmi le peuple les bruits les plus faux, les plus calomnieux contre les gens bien intentionnés; qu'à cet effet ils prodiguent l'or et l'argent qu'ils refusent à la patrie; que la plupart des bourgeois riches et aisés, voulant s'assimiler à la noblesse dont ils ont pris le luxe, les tons et les travers, pour se rapprocher d'eux davantage, se font gloire de penser comme eux; que le peuple n'a aucun sentiment à lui, et qu'il adopte facilement la façon de penser du premier qui lui promet de l'argent où du pain. Voila malheureusement le résultat des observations que j'ai faites dans les différentes provinces que je viens de parcourir ».

Ah! c'est que ce peuple porte encore la marque de ses fers; c'est que l'usage de ses droits n'a pas encore rectifié ses idées et son caractère. L'effet ne peut pas précéder la cause; il faut qu'un homme ait senti qu'il est libre, avant qu'il cesse d'agir comme un esclave.

Amis de la liberté ! surmontez les terreurs qui Vous agitent! Votre devoir est de montrer la

vérité à vos concitoyens : nous avons de puissans motifs d'espérer qu'il leur suffira de la connoîtrə pour l'embrasser.

N'est-ce pas l'amour de la liberté qui produit tous les jours ces adresses brûlantes où chaque canton adhère à la constitution?

N'est-ce pas le patriotisme qui a créé dans diverses villes ces résolutions unanimes de s'habiller des étoffes du pays; et, par toute la France, ce dépouillement des bijoux dont on croyoit le sacrifice capable de raviver le numéraire ?

La plupart des communes, et même des, plus pauvres, n'ont-elles pas renoncé, en faveur de l'état, au soulagement que devoit leur procurer la contribution des privilégiés pour dix-huit mois?

Les gardes nationales, au milieu de leurs actes de représentation, n'ont-elles pas montré par-tout une tenue qui a déconcerté le plan d'opérer une contre-révolution à force ouverte ?

Voilà, voilà des gages certains que, si les aristocrates parviennent, par quelque voie que ce puisse être, aux places administratives, le peuple se vengera sur leurs têtes des fautes qu'ils lui auront fait commettre; ou plutôt, voilà des preuves indubitables qu'il éloignera des places tous ceux qu'il n'y appelleroit que pour les immoler bientôt à la liberté nationale.

Je sens combien il est difficile de donner des règles générales pour guider les citoyens dans leur choix ; il n'en est aucune peut-être dont l'application n'entraînât quelque grande injustice. Nous devons voir cependant qu'il est sûr d'exclure des places, au moins pour cette fois, tous ceux qui ont des motifs pour être mécontens de la révolution.

Ne choisissons point les magistrats et les juges; ils ont contre eux l'amour du despotisme, une morgue destructive de toute fraternité, la manie réglé mentaire, et l'habitude de se laisser mener par des commis, par des compères, par des filles ou par

[ocr errors]
« PreviousContinue »