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nore, sur les conspirations, il est arrivé que la dénomination de Palais-Royal est devenue un véritable titre d'honneur.

La faction la remplaça par le mot d'incendiaire (1), qui n'eut aucun succès; elle enchérit, et surnomma les patriotes, les enragés.

Les aristocrates ne doutoient guère que ce vilain mot, appuyé par les libelles qu'ils répandoient parmi les troupes et dans les provinces, par le complot qu'ils machinoient pour enlever le roi, n'opérât une contre- révolution; mais la découverte de la conjuration - Faveras, les nouvelles adresses des provinces et des régimens, ayant absolument ruiné ce plan, un assez bon nombre de curés et de pauvres gentilshommes, qui ne tenoient à la faction que par les espérances dont elle les berçoit, sont venus à résipiscence, se sont rangés du côté des patriotes; et la coalition aristocratique se trouve maintenant si inférieure au parti enragé, que s'il entreprenoit de renverser le décret du marc d'argent, il seroit sûr d'y réussir.

Convaincue enfin, par de si funestes expériences, que le nom d'aristocrate lui étoit devenu funeste, la faction a formé un nouveau plan pour s'en défaire.

Les députés patriotes s'assemblent depuis quelque temps aux Jacobins de la rue S. Honoré, afin de pouvoir préparer leurs opinions sans être troublés par les clameurs des orateurs gagés, par les sorties indécentes des ivrognes, par les menaces brutales des spadassins. Les aristocrates ont pris prétexte de ces assemblées pour en former dans la maison des Grands - Augustins, dont les salles sont destinées depuis long-temps au haut-elergé et aux chevaliers du Saint-Esprit.

Dès la première séance la faction a élu pour président, par acclamation, son altesse éminentissime,

(1) Vide No. 18, page 4.

illustrissime monseigneur..

Huteau, avocat,

député du tiers-état de Paris; et la première matière mise en délibération a été la conservation des biens ecclésiastiques.

Il s'est trouvé dans le nombre des assistans quelques honorables membres qui n'étoient pas venus pour chercher des moyens de mettre des en

traves aux opérations de l'assemblée nationale. M. le cardinal de Rohan ditexpressément : «Lorsqu'on m'a invité à venir ici, on m'a assuré qu'on ne s'occuperoit que d'objets qui auroient trait à l'intérêt général,et je vois qu'il s'agit des affaires particulières du clergé. Occupons-nous du bien commun. Cette assemblée ne peut avoir d'autre objet sans crime et sans danger». Sa remontrance ne fut point écoutée. Il fut décidé que le parti aristocratique se diviseroit en deux branches; que MM. Maury, d'Esprémenil et le vicomte de Mirabeau, avec une trentaine d'autres privilégiés, continueroient à se montrer ouvertement les ennemis du peuple, de la révolution et de toute sage réforme, pendant que MM. Malouet et Virieu se mettroient à la tête du reste de la faction, et prendroient le nom respectable d'impar

tiaux.

Il y a eu quelques conférences entre les impartiaux et les privilégiés patriotes; car les députés des communes n'auroient pas été dupes un instant de cette jonglerie. Ou les conférences n'ont pas eu le succès qu'ils désiroient, ou les seigneurs patriotes attendent l'effet que produira sur la nation cette nouvelle qualification. Ce qui est sûr,c'est que les impartiaux en ont conçu de grandes espérances. Pour ramener ceux qui les ont abandonnés, et pour séduire quelques patriotes, ils viennent de publier une brochure sous le titre de lettre des impartiaux aux amis de la paix (1).

(1) Ce nom est relatif à un ouvrage publié par M. Servan, dans lequel il donne des conseils aux

Les impartiaux commencent par se présenter comme la portion la plus malheureuse de lassemblée nationale, également exposée à la haine des patriotes et des francs aristocrates, parce que les hommes passionnés ont une aversion extrême pour les hommes modérés.

« Ce n'est qu'aujourd'hui, disent-ils, que nous nous avisons de nous déclarer une puissance; mais aussi-tôt qu'elle sera bien connue, elle sera irrésistible: car c'est celle de la raison et de la justice. Nous voulons sauver du naufrage la constitution, la royauté, la religion, les moeurs, et ca qui reste de propriétés intactes.

Les soi-disans impartiaux déclarent ensuite « renoncer à leurs opinions sur le veto royal, sur la constitution en assemblée nationale, enfin sur la doctrine des deux chambres: opinions qui ne sont plus que des souvenirs précieux de leurs devoirs remplis, mais qui sont maintenant subordonnés à d'autres principes constitutifs qu'ils veulent maintenir, parce que la paix publique y est attachée ».

Admirez, citoyens, la grandeur et la générosité de ce sacrifice; quand vingt-trois millions d'hommes ont adhéré aux décrets qui rejettent les deux chambres, le veto absolu et l'assemblée par ordre, une poignée d'aristocrates consentent que ces décrets aient leur exécution; et la nation n'est pas à leur genoux!

<<< Nous ne voulions pas une révolution à feu et à sang ». Ces Messieurs auroient mieux aimé une révolution à l'eau rose, comme celle du Brabant celle de Cromwel, ou celle de la Suisse, qui n'a coûté que cent ans de guerre, et soixante batailles ».

« Nous assurons qu'il y en a parmi nous qui savent aussi bien ce que c'est qu'un gouvernement, que ceux qui viennent d'en faire un tout neuf ».

députés à l'assemblée nationale, et où il prédit la résurrection des ordres, ce qui n'est point propre à ramener la paix.

Notre gouvernement actuel n'est point tout neuf; il n'est qu'une foible imitation de celui de nos pères les Germains, qui n'avoient ni représentation absolue, ni mare d'argent, et qui avoient des jurés. Au reste, nous croyons sans peine que les impartiaux sauroient fort bien faire un gouvernement despotique ou aristocratique.

« Nous voulons que le pouvoir exécutif reprenne toute son énergie; que le roi soit plus puissant que le maire de Paris; que les assemblées administratives, les municipalités, les gardes nationales lui obéissent; que toute désobéissance à ses ordres soit punie comme forfaiture; que la splendeur du trône soit rétablie ». Les aristocrates savent bien que les patriotes veulent toutes ces choses, et que ce sont eux qui ont demandé que le roi fixat luimême sa liste civile, eu égard à l'état que doit tenir le premier roi de l'Europe; mais les impartiaux ont besoin de gagner la confiance publique pour ces points de rapprochement : voici l'oreille qui va paroître.

«Nous nous opposons à la liberté de tous les cultes publics ». Pourquoi donc ? « Nos pères se sont battus pour la diversité de leurs opinions ». Nos pères étoient des fanatiques, et de plus des esclaves; la religion n'étoit qu'un prétexte dont se servoient des aristocrates qui vouloient se supplanter les uns les autres auprès de ceux qui leur laissoient dévorer le peuple. S'égorge-t-on en Amérique pour des opinions? S'égorge-t-on même à Strasbourg, où les huthériens, et à Bordeaux, où les juifs professent publiquement leur culte?

« Nous mettons une circonspection raisonnable dans les dispositions subséquentes au décret du 2 novembre sur les biens ecclésiastiques. Nous consentirons à l'aliénation de 400 millions; mais nous ne dépasserons pas ce terme ». --- Voilà le grand mot láché. Les patriotes veulent bien assurer le salaire des ministres, la subsistance des pauvres: mais le surplus des bien secclésiastiques, si la dette

de l'état n'en exige pas la vente, sera distribué gratis à des pauvres qui donnent des sujets à l'état, plutôt qu'à des abbés. On ne laissera point à M. l'abbé Maury, par exemple, ses huit cents fermes, qui feroient le bien-être de huit cents familles on lui en laissera une ou deux pour vivre, jusqu'à ce qu'il trouve une paroisse qui veuille de lui pour vicaire.

«Nous ne voulons point d'ordre ni de résurrection d'ordre, aussi-tôt que l'ordre des avocats sera enterré. Nous estimons que la suppression des parlemens est nécessaire, mais à charge de remboursement. Nous serons fort aises de voir les maîtres des requêtes et conseillers d'état employés dans les municipalités, de préférence aux avocats et procureurs. » Ah! messieurs les impartiaux, que vous soutenez mal votre titre! Vous ne pardonnez point aux avocats députés leur patriotisme, et leur influence dans le sénat. Les Chapelier, les Camus, les Robertspierre, ne seroient pas aussi propres aux fonctions municipales, que ces valets ministériels qui composoient cet inique conseil dont les arrêts étoient depuis si long-temps flétris par l'opinion publique.

Vous voudriez voir des maîtres des requêtes et des conseillers d'état, dans les municipalités, de préférence aux avocats et aux procureurs. Ces derniers ont du moins sur vos protégés l'avantage de l'habitude du travail, une certaine activité, des lumières; ils ont quelquefois parlé avec force pour l'innocence opprimée, pour les propriétés violées. On les payoit, il est vrai, pour cela; mais les membres du conseil, on les payoit pour opprimer l'innocence, et pour violer les propriétés.

« Nous nous opposerons à l'invasion, ainsi qu'à la destruction de l'ordre de Malte ». Si messieurs. les enfans des aristocrates n'avoient pas seuls le droit d'entrer dans cet ordre, on pourroit croire, à leur impartialité. Les impartiaux savent donc doit dire M. Camus, pour prouver que cet

ce que

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