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Tel étoit l'aveuglement ou la confiance des sédia tieux, qu'ils ne s'apperçoivent de la manoeuvrė que lorsqu'ils sont presque enveloppés; les uns prennent la fuite et s'échappent, ou sont arrêtés par la cavalerie; les autres se replient, et n'en sont que plus facilement enveloppés par le cordon.

Les braves grenadiers fondent dessus en état de défense, et aucun des mutins n'ose faire usage de ses armes.

Ils n'avoient pour la plupart que des sabres des bayonnettes et des pistolets cachés. Le général donne ses ordres : à l'instant nos gardes arrachent aux séditieux toutes les décorations militaires, et la cocarde nationale, cet emblême de l'amour de la patrie, de la vertu et de la liberté, qu'ils méritoient si peu de porter.

Ils sont dépouillés de leurs habits, ils sont liés deux à deux, et un détachement de trois cents hommes de cavalarie est chargé de les conduire aux casernes de Saint-Denis.

Dans quelques quartiers de la ville, l'on apprit ce succès presqu'aussitôt que l'attroupement; la joie calma aisément une fermentation qui ne faisoit que de naître les séditieux du Châtelet furent intimidés, et se retirèrent peu-à-peu. La garde redoubla de vigilance le reste du jour, et toute la nuit. Le calme parut rétabli le lende

main 13.

;

Avant de passer à des détails qui peuvent intéresser la curiosité, qu'on nous permette d'observer que nous n'avons jamais été plus près d'une contre-révolution, ou d'une guerre civile, que dans les jours dont nous venons de tracer les évé

nemens.

Ce qui s'étoit passé à Versailles le 8 devoiɛ nécessairement porter le peuple Parisien à demander le pain (1) et la viande à 8 sols. Le succès

(1) Le pain de quatre liv.

et l'impunité des séditieux de Versailles l'y engageoit très-naturellement.

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Si les ouvriers se fussent mutinés à Paris, il auroit fallu employer la garde nationale soldée à les réprimer et à garder des postes importans. Si une partie de cette garde eût livré les passages aux séditieux, ou se fût jointe à eux, chacun voit où cela peut mener. On voit sur tout que, bien loin que l'assemblée nationale eût pu pronoucer. un décret contre les parlementaires de Bretagne, au milieu des flots de sang qui auroient coulé, elle eût été forcée de se disperser; qu'on auroit enlevé les sieurs de Bezenval et Faveras; que le complot ourdi par ce dernier, et que sa détention n'a point rompu, eût pu s'exécuter; que les parlemens eussent bientôt profité des circonstances pour casser tout ce qu'avoient fait les états-généraux, ainsi le que porte le manifeste aristocratique Ouvrez donc les yeux.

Il se trouve dans ces événemens, un concours de circonstances singulières, que la postéri.é pourra prendre pour leurs causes si les écrivains contemporains ne s'attachent pas à les éclaircir.

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N'est-il pas singulier que l'exemple dangereux de mettre le pain à 8 sols, presqu'à la porte de Paris, ait été donné par la municipalité de Versailles, composée d'hommes attachés à la cour, et qui sont censés désirer une contre-révolution; dont un des événemens seroit d'établir de nouveau la résidence habituelle du roi à Versailles?

Mais pour que cet exemple devint dangereux, il falloit gagner assez de temps pour qu'il circulat dans les vastes faubourgs de Paris. N'est-il pas singuler que le vicomte de Mirabeau et le président de Frondeville aient tenu, dans la séance du 9, des discours incendiaires et longs, qui ont fait durer cette séance assez tard, pour que l'assemblée ne pût aller aux voix, et que ce délai ait facilité la circulation de la nouvelle de Versailles,

le

le dimanche 10, avant que le décret pût être prononcé?

N'est-il pas singulier que ces deux membres (le vicomte de Mirabeau et le président de Frondeville) aient eu une conférence avec les parlementaires accusés, dans la pièce où ils se sont rendus pour attendre l'heure de Tassemblée, avant et après leur admission à la barre, comme s'ils eussent eu à régler avant ce qu'il y avoit à dire, après ce qu'il y avoit à faire ?

N'est-il pas singulier quela fermentation qui a occasionné l'attroupement de quelques gardes seldés dans la matinée du 12, ait commencé à se manifester en même temps que celle qui produisit tout d'un coup la scène de Versailles, et qu'il y ait eu, parmi les chefs des séditieux à Versailles, des sujets renvoyés, pour inconduite, de la garde nationale de Paris?

N'est-il pas singulier que la municipalité de Ver sailles ayant reçu des ordres positifs pour rétablir. le prix du pain à trois sous la livre, ne l'eût rétabli le samedi soir qu'à deux sous et demi, quoiqu'elle eût reçu un renfort de garde nationale parisienne, qu'elle eût eu le temps alors d'assembler la garde nationale de Versailles (1), et qu'elle pût requérir main-forte du régiment de Flandre?

(1) Ne seroit-il pas aussi fort singulier, que la garde nationale de Versailles eût pour commandant en second (et en chef dans le fait, puisque M. de la Fayette n'est pas à Versailles,) un aide-de-camp attaché au service particulier de M. de Broglie pour les fameuses expédition du mois de juillet Nous sommes chargés de demander à M. Berthier, commandant en second de la garde nationale de Versailles, s'il est le M. Berthier qui étoit aide-decamp intime de M. de Broglie, et même un peu plus dans les premiers jours de juillet dernier. Il peut ré pondre à cette question par la voie de notre journal, N°. 27.

B

N'est-il pas singulier que l'abbé Maury ait prononcé pour la défense du parlement de Rennes, un discours contenant des principes séditieux, qui, de la part de tout autre que d'un honorable membre, eût motivé un renvoi au Châtelet, et que cet abbé Maury soit un représentant des aristocrates de Péronne, où les complices de Faveras se proposoient de conduire le roi, s'ils parvenoient à l'enlever?

La ville de Paris et toute la France doivent de grands éloges à la conduite de la garde-nationale parisienne non-sokdée et soldée; celle-ci, et sur-tout les grenadiers, ont témoigné la plus vive indignation à la vue des séditieux couverts de l'uniforme national. Le respect pour la dissipline militaire l'a heureusement emporté sur l'outrage fait aux couleurs nationales. On a entendu un de ces braves gens dire à un fuyard qu'il arrêtoit, et qui le supplioit de le laisser sauver : Est-ce que tu crois que tu resteroisau corps? j. f.! retourne.

La manoeuvre du général est au-dessus des éloges; il ne peut être loué que par le récit du fait. Il a arrêté une sédition d'une soldatesque qui s'est vue poussée au désespoir, et il n'a pas fait couler une seule goutte de sang. C'est ainsi que l'on vit à Saratoga six mille soldats anglais, enveloppés de toutes parts par les Américains, mettre bas les armes devant le vainqueur.

Ce fut une inquiétude qu'éprouvèrent tous les patriotes de savoir s'il y avoit quelqu'ancien gardeFrançoise dans le nombre des soldats arrêtés. Les questions que l'on faisoit sur ce point honoroient également ceux qui les faisoient, par les sentimens qui les leur dictoient, et ceux qui en étoient l'objet

ou de tout autre. Cette interpellation ne doit pas lui déplaire, puisqu'elle lui fournit occasion de dissiper des soupçons qui peuvent n'avoir d'autre fondement qu'une similitude de noms.

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par la joie qui brilloit dans tous les yeux, dès que la réponse étoit négative. Quelques aristocrates charmés de mortifier le parti patriote, saisirent ce moment pour répandre qu'il y avoit deux soldats, portant la médaille patriotique, parmi ceux qu'on conduisoit à S.-Denis ; mais oe bruit fut hautement et pleinement démenti par la garde soldée et nonsoldée, qui avoit été de l'expédition, et par plusieurs spectateurs qui avoient vu charger les habits qui ont été transportés à la ville, avec les sabres, bayonnettes, pistolets et cartouches, qu'on a trouvés sur les séditieux. (1)

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On a dit que l'attroupement des soldats n'avoit aucune connexité avec ceux du Châtelet et de Versailles, puisqu'il avoit pour objet particulier d'obtenir que leur service fùt purement volontaire, et que l'engagement qui leur avoit été promis leur fùt donné en entier, sans déduction des fournitures et équipemens. C'est un point à éclaircir. Il se pourroit d'ailleurs que ce fût là le prétexte de l'attroupement, et qu'il eût une autre cause. Comment ces soldats ne se seroient-ils pas adressés aux districts auxquels ils étoient attachés pour faire parvenir leurs réclamations à la commune? Est ce qu'ils vouloient les faire valoir par la force, en cas de refus, ou que, ne formant qu'une petite minorité dans les compagnies du centre, ils prévoyoient qu'ils ne réussiroient qu'en compromettant la tranquillité publique? Dans l'un et l'autre cas ils sont coupables; mais il n'est pas douteux que, s'ils n'eussent été enhardis par l'aristocratie, ils n'eussent point tombé dans de tels écarts.

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Sans doute, dans le nombre des coupables, il en est qui ne le sont que de curiosité. On a dit que soldat qui s'est jetté dans la rivière, lorsqu'il a vu. qu'on avoit cerné le grouppe, devoit être un des chefs dela sédition. Il se pourroit aussi que ce fut un homme

(1) Et par M. de la Fayette à l'assemblée municipale.

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