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pressentoient l'explosion que nous avions annoncée (1), convaincront-elles enfin les aristocrates que leurs forces, leurs ruses, leurs complots, leurs attentats, ne sont que de foibles et vaines ressources, et que, sans retour, il faut qu'ils abaissent leur tête superbe devant la majesté nationale ?

Non, ils ne le sentent point encore, et leur foiblesse même accroft leur audace. Ils se persuadent que le peuple français ne voit, dans leurs coupables tentatives contre la liberté publique, que des efforts excusables pour conserver des prérogatives que l'habitude avoit converties poureux en propriétés, et qu'il dédaignera de les punir, comme un tauceau vigoureux dédaigne d'écraser les insectes qui le tourmentent.

Il est temps que de grands et terribles exemples détruisent cette opinion; elle entretiendroit un incendie souterrain, qui se manifesteroit à différentes époques, et dans chaque partie du royaume, par d'horribles ravages; elle causeroit peut-être en détail autant de maux qu'une guerre civile, dont l'évènement ne seroit pas long-temps incertain, mais qui souilleroit notre glorieuse révolution.

Punissons une fois, pour n'avoir pas à punir toujours. Epargnons à la France trente ans de troubles, en sachant mettre à profit les troubles du moment. Recherchons-en les causes, afin de prévenir ceux qu'elles pourroient reproduire. Livrons les conjurés et les séditieux au supplice, afin d'effrayer ceux qui déjà se préparent à prendre leur place, à suivre leurs exemples.

Examinons ce qu'il y a de connu de leurs opérations, afin de découvrir les fils qui les lient; ne négligeons pas sur tout de savoir par qui et comment les mines aristocratiques ont été éventées: car la certitude que nos ennemis demeureroient désormais dans la plus parfaite inaction, ne

(1) Vide No. 22, page 2.

dispenseroit pas de témoigner notre reconnoissance aux citoyens dont le dévouement nous a assuré une victoire qui ne fait point couler le sang de nos frères. L'esclave qui découvrit la coniuration des fils de Brutus, fut affranchi, présenté au sénat, et élevé par un décret public au rang des ci

toyens.

Les trois classes aristocratiques, la haute noblesse, le haut-clergé et les parlementaires s'étoient singulièrement distribué les rôles. Le clergé composoit et faisoit circuler des pamphlets contre l'état actuel des choses: les parlementaires devoient opposer à la constitution une résistance ouverte, soutenue des formes qu'ils avoient opposées avec succès aux fureurs ministérielles; la noblesse ramassoit dans la populace, qui dans tous les temps a toujours fait cause commune avec elle, des brigands dont elle devoit armer les bras contre nos généreux défenseurs.

La faction faisoit jouer tous ces ressorts à-la-fois, lorsque le parlement de Rennes, en qui elle avoit mis ses plus chères espérances, a été mandé à la barre de l'assemblée nationale, et lorsque Faveras, l'un de ses principaux enrôleurs, a été arrêté.

C'est de Versailles qu'il a donné le signal de l'insurrection (1). Près de deux mille ouvriers ou gens soi-disans tels, dont la plupart n'habitent point Versailles, et s'y étoient rendus de Paris, s'attroupè

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(1) Un citoyen éclairé, membre d'un comité de district, nous a rapporté le fait suivant: il rencontra un Breton qui n'est pas dans les principes aristocratiques, peu de jours avant l'arrivée des magistrats de Rennes; il lui en parla. Oh! dit il, ils viennent avec de bons argumens. Mais je ne vois pas qu'à moins d'argumens physiques, ils puissent s'en tirer? Eh bien! vous verrez qu'ils en auront. Duais! par Versailles. Nous exhortons ce Breton à publier, soit les conjectures, soit les motifs d'après lesquels il a fait une prédiction à laquelle l'é

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rent le 8, et demandèrent que le pain et la viande fussent taxés à huit sous. La municipalité se rendit à une demande aussi extravagante dans son objet que dangereuse par sa forme et ses conséquences. Au moment où cette scène étrange se jouoit entre une bande de mutins dévoués à ceux qui les payoient, et une municipalité dont la timide condescendance n'est pas la première faute, les parlementaires de Rennes prononçoient dans l'assemblée nationale un discours séditieux, dont le contenu circula le 9 et les jours suivans dans Paris, avec la nouvelle que le pain et la viande étoient taxés à huit sous à Versailles, par l'effet d'une insurrection populaire.

Pour agiter en même temps toutes les classés de citoyens, on répandoit que l'assemblée nationale avoit outrepassé ses pouvoirs en mandant les parlementaires bretons à la barre de la cour; que, si elle prononçoit sur le délit qu'elle leur imputoit, elle s'arrogeroit le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ; et que, dans les principes même de l'assemblée nationale, la confusion des trois pouvoirs étoit le despotisme le plus dangereux.

Après avoir alarmé les citoyens aisés, par cette affreuse inspiration, et échauffé les classes pauvres par l'idée de la diminution du prix des subsistances, il falloit créer un prétexte qui motivât un attroupement. La faction fit donc répondre que le sieur de Faveras seroit relaché, et que le châtelet étoit gagné pour favoriser son évasion.

Aussi-tôt de grouppes nombreux se forment autour du châtelet, et l'effervescence est telle, qu'il faut déployer tout l'appareil militaire, pour contenir la mult tude. Des patrouilles balayent le quai, ferment les passages, et gardent les rues qui avoi

sinent.

vénement a si parfaitement répondu. Les plus lé-, gers indices sont quelquefois d'un grand poids contre des conspirateurs.

Ces précautions qui nuisoient aux desseins perfides des moteurs de l'attroupement, rassuroient les citoyens qui craignoient de bonne foi l'évasion du sieur de Faveras; et leur défiance envers le châtelet n'altéroit point la confiance qu'ils ont et qu'ils doivent avoir en leurs frères de la garde nationale.

La voix du patriotisme et de la raison répandoit d'ailleurs parmi les citoyens pauvres, qu'il étoit impossible de réduire dans ce moment le prix des comestibles. Dans les provinces où le pain est habituellement à deux sous la livre, il est dans ce moment à quatre sous et à quatre sous et demi. Il est donc à Paris à aussi bon marché qu'il puisse être, respectivement au reste du royaume.

Pour ôter tout prétexte aux moteurs de sédition, le pouvoir exécutif ordonna que le prix du pain fût remis à trois sous à Versailles, et des détachemens de la garde nationale parisienne allèrent porter secours à nos frères de la garde nationale de Versailles, pour faire exécuter les ordres de l'autorité publique.

L'assemblée nationale a senti la nécessité de ne pas traîner en longueur l'affaire des parlementaires de Rennes; elle a délibéré le 10 qu'elle ne désempareroit pas sans l'avoir terminée: elle a prononcé un décret contr'eux le même jour.

Le lendemain, trois cents soldats de la garde soldée, auprès de laquel'e on a tont tenté depuis quelques mois par des offres séduisantes, s'assemblent aux champs élisées, ils éloignent, ils chassent les curieux qui s'approchent du grouppe qu'ils forment, et l'alarme se répand dans la ville.

Au même moment les cohortes de désoeuvrés que l'aristocratie soudoie à Paris, se rassemblent de nouveau au châtelet, pour diviser notre attention et nos forces. Leur exemple entraîne d'honnêtes citoyens; ils menacent d'assaillir le châtelet; ils

demandent à grands cris la tête du sieur de Faveras (1).

Pendant qu'une garde suffisante couvroit le châtelet, M. le commandant général rassembloit à la place Vendôme des corps d'élite de la garde soldée et non soldée, infanterie et cavalerie. Les troupes avoient été averties dans la nuit de se tenir prêtes à marcher; les officiers commandans étoient porteurs d'ordres clos, qu'ils ne devoient décacheter que d'après un ordre. Le général fait l'inspection de la troupe, passe dans les rangs avec un front serein, exalte dans le cœur de ses frères et soldats les sentimens patriotiques dont il est animé.

Entre 11 heures et midi, il part (2) à leur tête. Au haut de la rue Saint Honoré le corps se divise; une partie va occuper, par le faubourg, toutes les issues des Champs-Elisées; la cavalerie remonte le long de la Seine, jusqu'à la barrière de Chaillot, pour ceindre les Champs-Elisées du côté du Cours la Reine, tandis que les grenadiers et chasseurs s'avancent par les principales avenues, pour fermer le cercle que commencent les autres corps.

(1) La tête du sieur de Bezenval fut aussi demandée; mais ce ne fut ni par les mêmes personnes, ni par les mêmes motifs.

(2) On nous a rapporté qu'au moment où l'on amena à M. de la Fayette son cheval, un homme assez mal vêtu avoit percé les rangs, et avoit saisi la bride du cheval; qu'un chasseur, qui déjà avoit repoussé cet homme, Tavoit saisi et renversé; qu'il avoit dit n'avoir d'autre dessein que de tenir l'étrier à M. le commandant, voyant qu'il n'y avoit personne pour cela. Nous tenons ce fait de gardes nationales non soldés, qui se sont dits témoins oculaires. Nous n'avons pas de raison de le révoquer en doute. Il nous paroit étrange qu'on ne se soit pas assuré de cet homme. On se sera contenté de le visiter.

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