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On voit donc par-là que le crime de lèze-nation ne peut-être du ressort d'aucun des trois pouvoirs pris séparément, et que cette interversion des pouvoirs dont on accuse l'assemblée nationale dans l'affaire des parlementaires de Rennes, se réduit à rien, puisque, s'il eût fallu que les coupables de lèze-nation eussent été punis par un acte d'un seul des trois pouvoirs, ils auroient pu ne pas l'être; et l'autorité souveraine, c'est-à-dire, celle de la nation, ne pouvoit cependant se maintenir que par leur punition.

Il s'ensuit de-là que la nation elle-même est seule compétente pour juger les criminels de lèzenation; mais elle ne peut exercer ce pouvoir par elle-même, parce qu'il faudroit qu'elle pût entendre les témoins et l'accusé, assister aux confrontations, etc. Il faut donc nécessairement qu'elle accumule, pour ce cas seulement, dans la même main toutes les branches de pouvoir qu'elle divise entre les corps législatif, exécutif et judiciaire, pour qu'ils pèsent moins sur la tête des sujets.

D'après ce que j'ai dit de l'activité des corps exécutif et judiciaire à s'étendre aux dépens du pouvoir législatif, c'est-à-dire, à commettre des crimes de lèze-nation, on voit bien que ce n'est pas aux corps exécutif et judiciaire que la nation doit confier la punition de ceux qui en sont coupables; il faut qu'elle le confie au corps législatif, qui, de sa nature, ne peut s'agrandir (1), puisqu'il n'est qu'un être représentatif de la nation.

(1) Ceci est strictement vrai: quand le corps législatif n'est que l'interprète de la volonté générale: mais dès que le corps législatif vient à supposer que sa volonté est celle de la nation, et qu'il fait les loix sans sa ratification, la première base de l'édifice social étant détruite, tout le reste ne peut être que dans le plus triste désordre.

1

On voit encore par-là que le crime de lèze-nation doit être ainsi défini: Tout acte qui tend à oter à la nation l'exercice du pouvoir législatif, parce que le pouvoir législatif est la vie du corps politique. Tous les crimes qui tendent à troubler l'ordre public ne sont que des crimes contre la police, s'il n'ont pas pour objet d'anéantir la souveraineté du peuple. Ainsi Bezenval et Faveras sont coupables de lèzenation, parce qu'ils ont cherché à dissoudre l'assemblée nationale.

Coriolan et le prince Eugène n'étoient point coupables de lèze-nation, quoiqu'ils fissent la guerre à leur pays natal, parce qu'ils avoient renoncé à leur patrie.

Un accapareur qui a pour objet d'exciter une sédition qui puis se troubler le travail du corps législatif, est criminel de lèze-nation; mais un accapareur qui auroit acheté du bled pour le revendre seulement plus cher, n'auroit commis qu'un crime contre la police.

Celui qui, dans une rixe particulière, commettroit des excès contre des députés, ne seroit pas criminel de lèze-nation; et celui qui useroit de violences pour les empêcher de se réunir où les opérations législatives les appellent, seroit coupable de lêze-nation.

On m'objectera que des représentans qui, en déclarant que leurs mandats ne sont pas impérarifs, prétendroient que leur volonté tint lieu de celle de la nation et fût réputée la volonté générale, qui ne demanderoient pas à la nation de ratifier ce qu'ils auroient décrété, seroient des criminels de lèze-nation. Cette objection, quelque claire qu'elle soit, n'est pas facile à résoudre ; elle mérite réflexion, et je prends dix ans pour y répondre.

Observations sur le jugement du sieur
Delcrost. (1)

L'intérêt que le public patriote à pris au sieur
(1) Vide No. 26, page 18 et suivantes.

pour

Delcrost, et que les aristocrates eux-mêmes n'ont pu s'empêcher de partager, m'engage à revenir sur cet article. Tout occupé à démontrer son innocence dans le court espace que me laissoit la nature de cet ouvrage, je n'ai pu dire que le bannissement, qui étoit prononcé contre lui neuf ans, est dans le fait un bannissement à vie. Le jugement lui fait défenses, après son ban expiré, de reparoître, dans aucun cas, dans la ville et banlieue de Paris. Une peine est toujours trop grave, lorsqu'elle est prononcée contre un homme évidemment innocent; mais n'est-ce pas joindre une cruauté gratuite à une injustice meurtrière, après avoir prononcé un ban de neuf ans contre un accusé, que de le transformer en ban à vie par une défense illimitée de reparoître dans un lieu, où, n'ayant attaqué ni offensé personne, il n'est pas à craindre que sa présence donne lieu à quelque nouyeau désordre.

Cet exemple funeste doit apprendre aux représentans de la nation combien ils seroient coupables envers leurs commettans, s'ils laissoient plus long-temps le crime de lèze nation dans cet état indéfini, qui permet de l'appliquer à tout, comme Tibère appliquoit le mot de lèze-majesté.

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Il leur donne un juste prétexte pour retirer le décret impolitique qui attribue au Châtelet le jugement de ces sortes de crime. Delcrost, accusé de lèze-nation, avoit autant de droit que les parlementaires de Bretagne à être jugé par l'assemblée nationale en personne. Eh! quelle horrible différence! Delcrost, innocent, accusé d'un crime qui n'auroit ôté à la nation que les bras de quelques soldats, a été condamné à neuf ans de bannissement. Les parlementaires Bretons, rebelles aux décrets de l'assemblée nationale, accusés et convaincus d'avoir cherché à dé unir la Bretagne entière de la France, et à exciter une guerre civile, ne sont privés des droits des citoyens actifs que jusqu'à ce qu'il leur plaise de les reprendre!....

Représentans de la nation, comparez, calculez! Vous répondez à vos commettans de l'honneur de ce citoyen sur le vôtre. Le châtelet vous représente dans ce moment; ses iniquités sont les

vôtres.

Il nous est parvenu que de bons citoyens avoient proposé dans leur district de faire une pétition en faveur de Delcrost, et qu'ils avoient été arrêtés, parce qu'ils n'avoient pas la procédure.

Nous les prévenons qu'elle est déposée en notre bureau, et que nous sommes prêts à la remettre à tel district qui désirera se convaincre de l'exactitude de ce que nous avons avancé.

On nous a fait demander si le jugement étoit exécuté; il doit l'être : mais ceux qui veulent s'intéresser à cette affaire, n'en peuvent pas moins solliciter un sursis. Il servirà au sieur Delcrost à venir se défendre, et à obtenir une prise à partie contre les juges qui l'ont condamné.

Notables adjoints.

MM. les notables adjoints, établis par la nouvelle loi criminelle, assemblés à l'archevêché, se sont proposé de traiter les questions suivantes, relativement à celles contenues au mémoire de M. le garde-des-sceaux, qui les concernent.

Le citoyen actif, nommé notable adjoint, peut-il refuser sa nomination?.

NON.

NON.

Peut-il s'en démettre?
Peut-il refuser son service quand il est requis? Non.
Peut-il ne pas assister à tous les actes d'une ins-
truction au commencement de laquelle il a as-
sisté?
NON.
Peut-il se retirer au milieu d'un acte, par exemple,
d'un acte d'audition de témoins?

Peut-il se récuser?
Est-il reorochable comme le juge?
Que doit-il faire, si le juge refuse
le procès-verbal les observations

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NON.

IL LE DOIT. POURQUOI PAS? d'insérer dans: qu'il aura faites

au plaignant, à l'accusé ou au témoin? VERBALISER. ue doit-il faire aussi, si le juge use de violence à son égard? Vim vi repellere non fit injuria.

On voit que de difficultés, que d'enchevêtremens ppose l'établissement des notables adjoints. Que a nous dise s'il auroit été plus difficile d'étair des jurés. Il l'eût été moins. Tous les cahiers emandent des jurés. Toute la France crie des juLe comité de constitution a annoncé qu'il faudra,

l'avenir; des jurés. Est-ce la peine de bâtir u difice qui doit être renversé quelques mois apes? Districts et communes, qui êtes la nation, dites: Nous voulons des jurés.

Faits et Anecdotes.

M. Berthier, membre de l'assemblée nationale, député de Nemours, est mort, à l'âge de 71 ans après avoir exercé une place de judicature, perdant 40 années. Il avoit donné un exemple bien rare; il s'étoit défait des idées qu'il avoit acquises pour adopter sans peine toutes celles que la révolution à fait éclore. En un mot, il étoit patriote.

Il est à présumer que son grand âge ne lui permettoit pas de supporter la fatigue des longues séances. Nous venons, d'avoir d'une autre manière, un exemple fàcheux des funestes effets de la contention d'esprit, à laquelle les députés sont forcés. M. Dufraisse Duché, dans la séance du 12, eut les organes tellement affectés, qu'il oublia tout d'un coup la déclaration des droits de l'homme, la place qu'il occupoit, et jusqu'au pays où il étoit; il se crut transporté à Madrid; il déclama à haute voix les plus beaux passages du directorium inquisitorum, à la suite desquels il récita d'un ton foudroyant le fameux décret que la sainte inquisi tion vient de rendre contre plusieurs journaux qui circulent en France.

L'assemblée, qui ne pouvoit sayoir ce qui se passoit

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