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procès du sieur de Bezenval, au sujet d'ordres que M. Berthier lui a dit avoir reçus de ce même ministre, pour faire couper en verd les bleds de sa généralité. Mais pendant que nous rassemblons ces objets, nous apprenons que M. Necker est attaqué d'une colique bilieuse continue, qui le met dans le plus grand danger. Nous remettons donc nos observations sur les accaparemens des subsistances à un temps plus opportun. Il est inutile de demander des éclaircissemens à un homme en place, qui est hors d'état de les donner, et qui les auroit donnés peut-être, si sa santé le lui eût permis.

cher M. Berthier. Celui-ci lui remit la clef d'un porte-feuille, qui étoit entre les mains de M. de Blossac, son gendre, dans lequel il y avoit, entr'autres papiers, deux lettres de M. Necker, pour faire couper les bleds en verd dans sa généralité; lettres qui l'inquiétoient fort, disoit-il, car elles avoient besoin d'explication. M. de la Rivière étoit chargé de remettre cette clef à M. Bailly, qui ne voulut pas s'en charger; il la porta à M. de Liancourt alors président de l'assemblée nationale, qui ne l'accepta pas. Lors de sa déposition, M. de la Rivière voulut la déposer sur le bureau. M. Boucher d'Argis ne voulut pas lui donner acte du dépôt, sans doute pour n'être pas dans le cas d'ordonner l'apport du porte-feuille.

Au moment où M. de la Rivière fit cette déposition, le juge se permit de lui dire qu'il étoit étonnant qu'il voulût jetter des soupçons sur un ministre adoré, aux pieds duquel toute la France, qu'il avoit sauvée, étoit à genoux.

Eh quoi!... d'un juge, est-ce là le langage?

No. 27.

C

Observations sur le discours des parlementaires de Rennes, et sur le décret rendu contr'eux.

On ne sauroit douter, en lisant le discours pitoyable et séditieux prononcé par le président la Houssaye, que les aristocrates Bretons comptoient beaucoup plus sur les ressources secrètes de la faction, que sur leur logique.

« Les lettres-patentes du 3 octobre 1789, portant continuation des vacances de tous les parlemens du royaume, étoient adressées au parlement de Rennos, et nous n'en étions que quelques membres isolés ».

Chicane d'huissier de village! Les chambres de vacations représentent si bien les parlemens, qu'il est d'usage qu'elles enregistrent en ces termes : Enregistré en parlement, en vacations. Supposons. que cet usage ne soit pas celui du parlement de Rennes, ce n'étoit alors qu'une faute du rédacteur; il falloit lui écrire que les lettres-patentes ne pouvoient être enregistrées qu'autant qu'elles seroient adressées à la chambre des vacations. Reste encore à savoir si ce n'est pas une ruse combinée entre le rédacteur et les parlementaires.

« Le terme fixé pour la tenue de la chambre des vacations étoit expiré le 17 octobre: elle n'existoit plus; il falloit en créer une nouvelle. Le parlement en corps pouvoit seul enregistrer le titre de son établissement ».

Eh quoi! la puissance législative réunie au pouvoir exécutif ne pouvoit pas anéantir une des formes de l'aréopage Breton? L'assemblée nationale et le roi veulent que les parlemens restent en vacance, et le parlement de Rennes ne restera pas en vacance, parce que le titre de la prorogation de la chambre de vacations ne peut être enregistré que par le parlement en corps? Il y a donc, dans les chartes de la constitution Bretonne, eet article: Le par

lement en corps pourra scul enregistrer l'érec tion ou la prorogation d'une chambre des vacations. Si cet article n'existe pas, les parlementaires de Bretagne ne sont pas moins impudens que séditieux.

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Lorsqu'Anne de Bretagne épousa successivement les rois Charles VIII et Louis XII, lorsque Les Bretons assemblés à Vannes, en 1532, consentirent à l'union de leur duché à la couronne de France, le maintien de leur antique constitution fut garanti par des contrats solemn ls ».

Il y a dans cette assertion trois mensonges puans. Lorsqu'Anne de Bretagne épousa Charles VIII, il ne fut question ni de constitution ni de garantie. « Ce contrat étoit celui d'un souverain qui épouse sa vassale », sans autre condition qu'une cession respective de leurs droits sur la Bretagne au dernier mourant (1).

«Lorsqu'elle épousa Louis XII, elle connoissoit son empire sur les volontés de Louis; elle en profita en femme habile. Ce second contrat fut celui d'une reine qui consent de donner la main à son amant » (2). La noblesse de Bretagne avoit lachement vendu (3) la Duchesse Anne à beaux deniers comptans au roi Charles VIII; elle étoit résolue, de passer en Angleterre,plutôt que de l'épouser. Les aristocrates Bretons qui formoient son conseil, qui gardoient ses places, la trahirent, et l'amenèrent au point de se rendre à discrétion. à Charles, pour lequel elle avoit une aversion mortelle; et voilà le titre qu'osent réclamer aujourd'hui leurs successeurs.

Les aristocrates Bretons n'intervinrent pas plus dans son second contrat de mariage. Les clauses

(1) Vide Hist. de France de Velly, tome 20, page 210.

(2) Vide tome 21, page 59, ibidem.
(5) Vide tome 20, ibidem, année 1191.

qu'elle stipula en faveur de la Bretagne, furent l'ouvrage de son intérêt personnel, parce qu'elle avoit la perspective, dans le cas où elle deviendroit veuve, de posséder la Bretagne en souveraineté, au lieu d'être simplement douairière de France(1). Enfin, il est faux que les Bretons se soient assemblés à Vannes, en 1532, pour consentir à leur union à la France, sous la garantie de leur constitution. Ce furent les aristocrates Bretons qui s'assemblèrent et qui consentirent. Or, les aristocrates Bretons n'avoient pas plus alors le droit de se dire les Bretons et les maîtres de la Bretagne, qu'ils ne l'ont aujourd'hui.

Et à cette époque même, il étoit impossible de garantir leur antique constitution; car ils n'avoient pas de constitution. Si j'ai tort, que les parlementaires Bretons ne présentent-ils leurs chartes constitutives avec la garantie qui a dû être écrite au bas?

L'assemblée des états de Vannes,en 1325, ne fut qu'un acte de politique de la part de la cour de France: Anne de Bretagne avoit stipulé, dans le contrat de mariage de safille madame Claude avec François pre

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On le vit bien lorsqu'en 1504, Louis XII étant à l'extrémité, elle fit embarquer sur la Loire se pierreries, ses trésors et ses meubles les plus précieux. Le maréchal de Gié les fit arrêter à Saumur par ses gendarmes, qui avoient ordre d'arrêter la reine elle-même, si elle se rendoit en Bretagne Louis XII recouvra la santé; le projet d'Anne avorta mais elle fut si irritée de ce que le maréchal eût soupçonné ses intentions, qu'elle en demanda vengeance. Elle importuna tellement le roi, qu'il eut la foiblesse de faire faire le procès au maréchal par le parlement de Toulouse, parce qu'il passoit pour le plus sévère. Louis XII n'est pas la seul bon roi dont une aveugle complaisance pour sa femme ait dégradé le caractère.

mier, que, s'il naissoit plusieurs enfans de ce mariage, ce seroit toujours le second qui hériteroit de la Bretagne. Madame Claude, au contraire, disposa de la Bretagne en faveur de son aîné. Ce fut la crainte que ces deux actes contradictoires ne divisassent les deux frères, ne causassent un jour une guerre civile, qui donna lieu à l'assemblée des prétendus états de Bretagne à Vannes, en 1532, pour exécuter une réunion qui existoit déjà depuis environ un demi-siècle.

Qu'à défaut de la chose, les Bretons aient opposé le mot de constitution au despotisme ministériel, il faut leur en savoir gré: omnis honesta ratio expediendae salutis. Mais tous ces aristocrates ne sentent-ils pas qu'à moins de rapporter un acte dans lequel deux milions de Bretons aient consenti à être représentés aux états par cinquante personnes, tandis que toute la noblesse et le haut clergé y assisteroient en personne, ils ne peuvent dire qu'ils aient eu ni états ni constitution (1)?

Le dernier moyen qu'ont employé les parlementaires bretons, sont les articles des cahiers des communes, qui demandoient la conservation des droits et franchises de la Bretagne. Mais quel est le véritable vœu de ces communes? Celui qu'elles ont émis par leurs cahiers avant la révolution qu'elles ne prévoyoient pas, ou çelui qu'elles ont annoncé depuis par leurs nombreuses adresses d'adhésion, et par l'offre de verser tout leur sang pour châtier les aristocrates rébelles, qui s'opposoient à ce vœu

(1) Et quoique cet acte existeroit en forme authentique, comme il n'y a dans l'état aucune loi qui ne se puisse changer, pas même le pacte social, par l'effet de la volonté générale, les nombreuses adhésions des communes de la Bretagne aux décrets de l'assemblée nationale, sur l'unité de la monarchie française, suffiroient pour le détruire plei

nement.

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