Page images
PDF
EPUB

d'honneur, qui, passant par hasard auprès des Champs-Elisées, se fût avancé jusqu'aux grouppes, et qui voyant qu'on les entouroit, aura préféré de risquer sa vie plutôt que d'être pris avec une bande de traîtres.

Ces soldats étoient excités; on a vu des particuliers en habit bourgeois leur parlant avec beaucoup de feu. On a même arrêté avec eux deux domestiques appartenans à des seigneurs. On n'interrogera pas un si grand nombre d'accusés (1) sans découvrir la vérité. Il est impossible qu'il règne un parfait accord entr'eux. On en a déja transféré quelques-uns au châtelet. Il n'est pas encore décidé s'ils seront jugés par un conseil de Mille voix guerre. répètent par-tout qu'ils seront décimés; et des écrits publics proposent ce genre de punition.

La méthode des tyrans ne convient point à un penple libre. Tous ces soldats paroissent coupables, et quelques-uns ne sont qu'imprudens; c'est ce qu'il importe bien de savoir. Il y a encore des distinctions entre les coupables; les moteurs de la sédition, ceux qui ont assigné le rendez-vous, le sont bien plus que ceux qui ont eu la foiblesse de se laisser aller à leurs insinuations. Il faudroit que les juges qui instruiront cette affaire eussent bien peu de capacité et de discernement, s'ils ne parvenoient pas à constater ces différences par la procédure, de manière à graduer assez les peines pour concilier les avantages qui résulteront d'un grand exemple, qui n'est que trop nécessaire, avec ce que prescrivent la justice et l'humanité.

La triste certitude qu'on a enfin acquise qu'il y avoit dans le nombre des mutins deux ci-devant gardes-françaises, a causé une douleur publique. Le jeudi 14, ces soldats patriotes ont envoyé une députation à l'assemblée générale des représentans de

(1) On le porte à 207.

la commune. Les députés ont dit qu'ils venoient protester de leur fidélité, et renouveller l'assurance de leur dévouement à la patrie; qu'ils n'avoient pris aucune part à la sédition de mardi; qu'ils avoient eu le malheur de voir, dans le nombre des soldats arrêtés, deux ci-devant gardes - françaises; qu'ils leur avoient arraché la médaille; que c'étoit deux jeunes gens qui n'étoient que depuis fort peu de temps dans le corps, et qui n'avoient pas eu le temps de se pénétrer des principes de loyauté, de fidé lité à la cause publique, et de l'esprit de discipline qui caractérisoit les gardes-françaises.

Le discours des députés a été applaudi comme il méritoit de l'être. Un vieillard qui présidoit l'assemblée a été tellement ému, qu'il s'est levé, et a embrassé tous les soldats députés.

Ce qui prouve au reste que les ci-devant gardesfrançaises ne se sont jamais écartés des principes qui les ont dirigés au commencement de la révolution, ce sont les ordres donnés le 11 au soir par M. le major général à tous les capitaines. « J'ai trop bonne opinion, disoit-il, des ci-devant gardes-françaises, et ils ont été trop utiles à la révolution, pour que je puisse croire qu'ils trempent dans un complot aussi répréhensible. Je vous prie donc, aussitôt que ces hommes (les émigrans et les recrues) seront sortis de la caserne, de vous emparer des armes, de les mettre sous la garde des ci-devant gardes-françaises ».

La démarche de ces braves gens doit fermer pour jamais la bouche aux aristocrates, qui se faisoient un devoir de les calomnier, dans l'espoir de rendre leur séduction plus facile; elle doit leur ôter toute espérance de faire naître une dissension - entre la troupe soldée et non soldée; et s'il reste parmi ceux-ci quelques esprits turbulens, quelques caractères prêts à se vendre (1), l'événement de

(1) Il y a eu plusieurs soldats qui se sont sauvés

mardi doit leur faire faire de salutaires réflexions.

Suite de l'affaire du sieur de Faveras.

J'ai dit qu'au moment où les soldats s'étoient attroupés aux champs - élisées, il s'étoit formé autour du châtelet un attroupement de gens qui demandoient la tète du sieur de Faveras. Bientôt. après, ils demandèrent celle du sieur de Bezenval. Meler le nom de ce dernier avec celui de Faveras, c'étoit animer le peuple déjà très-irrité de la partialité évidente, avec laquelle on instruit l'accusation portée contre lui.

Mais le peuple a senti que c'étoit moins la mort du sieur de Bezenval que sa condamnation qu'il devoit désirer, et tout en frémissant contre des juges qui intimident les témoins, et qui sourient à l'accusé, il a eu le bon esprit de ne pas entreprendre de l'arracher de leurs mains.

Quant au sieur de Faveras, la publicité de la procédure, l'évidence de son crime et la force des preuves, ne permettent pas de penser que le peuple ait pu croire qu'on useroit pour lui, homme obscur agent subalterne, de la criminelle complaisance par laquelle on cherche à assurer l'impunité à un homme qui étoit honoré des bontés spéciales de la cour (1), et que les seigneurs patriotes eux-mêmes voudroient sauver, s'il étoit possible (2).

avant que le cercle fût entièrement formé; ils n'ont pas tous rentré dans leurs casernes. On assure que le même soir ils insultèrent plusieurs sentinelles. Il importe bien à la sûreté publique que l'on s'assure de ces déserteurs, qui ne peuvent avoir d'autre retraite que chez les logeurs et les filles.

(1) Discours de M. Necker à l'assemblée des eteurs.

2) M. de Liancourt a offert d'être sa caution r lui faire obtenir son élargissement..

Les témoins entendus contre le sieur de Faveras ne sont pas,comme ceux qui ont été produits contre M. de Bezenval, pris dans une classe qui ne peut rien déposer contre lui. Ce sont en partie ceux qu'il avoit eu l'heureuse imprudence de vouloir rendre ses complices.

Il est constaté qu'il a tenté de débaucher une partie de la garde soldée; qu'il a répandu et fait répandre des brochures séditieuses parmi les troupes ; que, dès les premiers jours de la révolution, il con çut le projet de former un corps d'officiers et de gentilshommes pour enlever le roi; qu'il s'est présenté à M. de Saint-Priest le 6 octobre, comme un homme prêt à se dévouer pour l'aristocratie féodale et ministérielle. Qu'il a ditavoir un corps de 1200 à 1500 hommes, qui n'avoient besoin que de chevaux pour assurer le départ du roi pour Metz; qu'il a demandé à cet effet les chevaux de l'écurie de la reine; que depuis il a formé le projet d'enlever le roi de Paris, pour le conduire à Péronne et dans le même moment de faire assassiner le marquis de la Fayette.

Le sieur Morel, à qui Faveras a voulu confier l'exécution des parties les plus difficiles et les plus criminelles de cette conspiration, le sieur Turcady, à qui il a demandé des hommes de bonne volonté, sont du nombre des témoins. Un banquier dépose qu'il lui a demandé un million pour un objet important.

L'accusé ne manque pas de présence d'esprit ; cependant, après avoir nié qu'il eût enrôlé, il a été forcé d'en convenir; mais il a dit que l'enrôlement étoit relatif à un projet qu'il avoit conçu pour opé rer une révolution en Hollande.

Ces faux-fuyans ne peuvent détruire des preuves écrites, les dépositions de ceux à qui il avoit distribué un rôle important dans l'exécution du complot. Ils ne détruiroient pas la déposition du ministre, s'il étoit apppelé pour rendre compte de son entrevus avec le sieur de Faveras.

1

J'ai proposé de faire déposer le roi sur la cons piration des ministres, des Broglie et des Bezenval, contre la liberté publique (1). Toute contraire que soit cette idée à celles que nous avions avant la révolution, elle a fait fortune auprès des gens de bien et de bon sens, qui n'ont trouvé rien de plus naturel que de chercher les preuves où elles

sont.

Je propose encore de faire déposer M, de SaintPriest dans le procès du sieur de Faveras. Ce ministre a plus d'une raison pour ne pas s'y refuser.

Au reste, s'il y a assez de preuves acquises contre le sieur de Faveras, on ne peut rien faire de plus avantageux pour la cause publique, que de donner promptement aux conspirateurs un exemple de la sévérité nationale. Ce qu'on pourroit recueillir de la bouche du sieur Faveras, contre les complices qui seroient découverts dans la suite, ne vaut pas les avantages que procureroit le supplice qui lui seroit infligé, dans une époque où il devient si nécessaire de contenir par la terreur ces aristocrates fougeux qui veulent, à quelque prix que ce soit, ensanglanter la révolution.

RUTHLI D G E.

Nous avons promis de revenir sur l'affaire du sieur de Ruthlidge; nous ne pouvons le faire sans discuter les inculpations réitérées qu'il s'est permises contre M. Necker, une accusation portée au comité des recherches de l'assemblée nationale contre les sieurs le Leu, dans laquelle on a impliqué ce ministre pour des faits graves, et à laquelle on n'a point donné de suite, enfin, une déposition de M. Etienne de la Rivière (2), dans le

[ocr errors]

(1) Vide, no. 26, pag. 17.

(2) M. Etienne de la Rivière est l'électeur de la commune de Paris qui fut chargé d'aller cher

procès

« PreviousContinue »