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INTRODUCTION

Le Général Songeon

Le soldat dont j'entreprends de retracer la vie était un Savoyard ami de la France, au service de laquelle il s'enrôla, qu'il servit ensuite presque jusqu'à sa mort et dans laquelle il fut inhumé.

Né Sarde à Annecy en 1771, il s'engagea comme étranger dès l'âge de 16 ans, en 1787, dans l'artillerie des colonies et il avait déjà obtenu en 1791, après cinq ans de service et une action d'éclat, un congé de licenciement.

Rentré en Savoie, il devint Français de nationalité par l'annexion de 1792 et s'enrôla de nouveau en 1793 dans les Volontaires nationaux du Mont-Blanc. Dès lors, il suivit résolument la carrière des armes dans ses rangs, sous la République, l'Empire et le début de la Restauration jusqu'en 1815, franchissant les grades successifs pour parvenir général en 1813. Le commandement qu'il exerça pour l'Empire pendant les Cent Jours le fit comprendre dans la réforme par une retraite anticipée à 44 ans, contre laquelle il protesta en vain, soit en raison du licenciement, soit pour l'obligation de rentrer dans son pays d'origine où il perdait sa qualité de Français. Il ne voulut pas néanmoins quitter notre territoire diminué et, pendant deux ans, il dut attendre, sous une surveillance hostile et ombrageuse, un décret de naturalité qu'il obtint en 1817 et qui lui restitua sa patrie d'adoption avec des considérants très favorables.

Il s'y fixa définitivement avec ses deux fils, officiers réintégrés également, donnant ainsi à ses compatriotes, qui devaient l'imiter 45 ans plus tard, un bel exemple avant-coureur annexioniste.

Ce mérite de précurseur avait appelé notre attention lors du cinquantenaire de 1910, avec le désir de combattre l'oubli auquel l'avait condamné cet exil volontaire, renforcé par les inimitiés jalouses du gouvernement sarde qui, de 1815 à 1860, avait soigneusement entretenu l'effacement d'une période qui lui avait été, du reste, désastreuse et dont il craignait le juste retour.

De son côté, jusqu'en 1830, et par une cruelle injustice dynastique, la France avait eu le tort de désavouer les services rendus à sa cause, le sang versé pour sa gloire et sa défense et ce ne fut que par les réintégrations du nouveau régime qu'elle tenta de réparer ses torts. Malheureusement les années s'étaient écoulées et bien peu des victimes purent obtenir une courte compensation.

Songeon fut du nombre, et quoique retraité en 1816, il put être rétabli en 1831 dans son grade de maréchal de camp qu'il exerça pendant moins d'un an, atteint en 1833 par la limite inexorable de 62 ans. Il mourut un an après, dans le Mantois qu'il n'avait guère fait que traverser et y fut inhumé en dehors de sa famille et loin de ses descendants. De nouveau, on commençait à l'ignorer quand la République eut, en 1887, la louable pensée de donner son nom à l'une des casernes régimentaires de la région voisine d'Annecy, son pays d'origine. Ce fut celle d'Albertville affectée aux anciens corps dans lesquels il avait servi, l'artillerie et l'infanterie, qui l'obtint, avec l'ordre de porter l'inscription qui suit :

CHEVALIER SONGEON, JEAN, MARIE,

NÉ A ANNECY LE 3 AVRIL 1771,

SOLDAT AU 50 BATAILLON DU MONT-BLANC, COLONEL DU 53° DE LIGNE GÉNÉRAL DE BRIGADE décédé le 14 septembre 1834.

PYRÉNÉES-ORIENTALES, ROME, NAPLES, ITALIE, ALLEMAGNE, BRABANT, ESPAGNE, PRANCE.

S'EST DISTINGUÉ A BASCARA, LA TREBBIA ET SAINT-SÉBASTIEN.

Elle a besoin d'être rectifiée.

Depuis le retour de Napoléon aux Invalides, un courant s'était aussi manifesté, par la presse et l'opinion publique, dans un sens favorable aux anciens acteurs du drame de l'Empire; les souvenirs glorieux revenaient à la mode et l'on pouvait s'appli quer avec succès à les évoquer. C'est ainsi que pour Songeon on trouve, à partir de 1844 à 1912, un grand nombre de notices sommaires qui le concernent, dont la plus ancienne, qui est encore la meilleure, ne paraît pas avoir pénétré en Savoie. C'est celle des Fastes de la Légion d'honneur, Paris 1844 (tome 4), qui fut préparée sur son dossier officiel. Dès 1852 aussi, l'Association Florimontane d'Annecy s'appliqua à le revendiquer et Jules-Philippe l'inscrivait au nombre des Gloires de la Savoie; il avait eu entre les mains un dossier de famille où il put relever un état des services d'après les feuilles de congé subsistantes avec diverses lacunes. Ce fut en tablant sur ces deux sources que surgirent d'autres extraits biographiques agrémentés de faits vrais ou faux et muets sur la vie et les fonctions civiles du général en réforme de 1815 à 1831, période cependant intéressante comme contraste avec la carrière militaire proprement dite.

Pour nous, aujourd'hui placé dans des conditions favorables pour la connaissance directe des papiers de famille restés en Savoie, des dossiers des archives.

de la Guerre, des archives départementales de la Savoie, des souvenirs locaux et des traditions de ses différents séjours en Savoie, dans le Bugey, en Dauphiné, dans le Mantois, nous avons pu reconstituer sa vie entière pour ainsi dire au jour le jour et nous sommes à même d'en rendre un compte exact et vérifié, depuis son enfance jusqu'à sa tombe retrouvée et reconstituée par nos soins.

En nous bornant à signaler les documents les plus saillants, nous appelons l'attention:

1° Sur le Journal Historique de la Division militaire que laissa le général en chef Macdonald dans la République romaine à l'époque du 26 floréal an VII, etc., par Songeon, aide de camp du général Garnier, commandant l'Etat romain. Imprimé à Marseille en l'an VIII.

Ce volume fort rare qui n'a jamais été signalé et qui n'existe pas à la Bibliothèque de la Guerre, n'est représenté aux Archives de ce service que par une copie officielle incomplète dont nous croyons pouvoir expliquer la mutilation. Nous le réimprimerons à la suite de ce travail avec les justifications du général Garnier et le rapport d'envoi au Premier Consul par le Ministre de la Guerre et ses conclusions.

2o Le commandement du 53o de ligne en Italie et dans le Frioul, à Venise, Palmanova, Udine; une mission à Capo d'Istria, etc.

3o Le commandement dans le département du Mont-Blanc en 1814, période royaliste, pendant le séjour à Aix de Marie-Louise (duchesse de Colorno) et la mission du capitaine Hurault de Sorbée venu de l'ile d'Elbe par ordre de Napoléon pour lui ramener l'infidèle ; avec des détails inconnus par Méneval et les autres historiens qui ont abordé ce sujet roma

nesque.

4o La suite de ce commandement pendant les Cent

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