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France, est-ce donc vouloir perdre la royauté de Louis-Philippe ?

Voilà les institutions républicaines telles que Lafayette voulait les adapter à la situation : la monarchie des barricades, fondue, identifiée avec les intérêts populaires; pas autre chose. Voilà comment Lafayette et la France entendaient le programme de l'Hôtel-de-Ville, qu'on représente aujourd'hui comme recélant le germe de tous les crimes et de toutes les calamités.

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Des calamités!..... Regardez les États-Unis. Des crimes!..... Lisez la vie de Lafayette, type incarné des institutions républicaines. Quelle tête de patriote s'élève au-dessus de la sienne? Qui mieux que lui pendant cinquante-six ans, détesté le crime et attaqué la puissance? Qui a obtenu plus magnifiquement la gloire des cachots (1)? Qui a pesé plus que lui sur

(1) Dans les prisons d'Olmütz, comme au pinacle du crédit, il a été également inébranlable dans son attachement aux mêmes principes. C'est un homme dont la manière de voir et de se conduire est parfaitement directe, Qui l'a observé peut savoir d'avance et avec certitude ce qu'il fera dans toute occasion..... C'est un phénomène singulier qu'un caractère comme celui de M. de Lafayette se soit développé dans les premiers rangs des gentilshommes français.

Mme DE STAEL.

toutes les factions qui ont voulu usurper la souveraineté nationale? Quel est, comme le demande Lacretelle, le républicain qui, pour être fidèle à ses sermens, a péri, comme lui, pour la défense d'un roi? Qui a fait plus que lui pour l'ordre et la liberté? Quelle sensibilité plus expansive que la sienne s'est attachée aux droits du genre humain? Qui a bravé, fatigué Bonaparte de l'inflexibilité de ses principes? Quelle est, enfin, la renommée, sortie de la cause des peuples, qui remplit le monde de plus d'éclat et de vénération?

Tel est le grand citoyen que les adversaires de la royauté entourée d'institutions républicaines, représentent, d'un côté, comme un objet de terreur; de l'autre, comme un homme faible qui n'a pour tout mértie qu'une fidélité surannée à de calamiteuses utopies.

Vous qui avez supporté tant de vices et de crimes, ne pouvez-vous donc supporter, encore quelques jours, les vertus de Lafayette!

LAFAYETTE

AVANT

LA RÉVOLUTION DE 1830.

Lafayette (M.-P.-J.-R.-Y. Gilbert Motier), naquit à Chavaniac, en Auvergne, le 6 septembre 1757. Quoique sa famille se fût illustrée par les armes et les lettres, et qu'elle comptât, parmi les siens, un grand nombre de guerriers morts au champ d'honneur, la route, ouverte à tous, qu'embrassa Lafayette le classe au rang des hommes qui n'ont dû leur élévation qu'à eux-mêmes. Son oncle, jeune encore, fut tué en Italie; son père, à Minden. Il perdit de bonne heure sa mère. Après avoir fait ses études au collège du Plessis, il épousa, à seize ans, la fille du duc d'Ayen, mademoiselle de Noailles, plus jeune que lui, et qui depuis est devenue si justement célèbre par ses vertus, son courage et sa tendresse conjugale (1). Le

(1) Les renseignemens qu'on trouve ici ont été presqu'entièrement pris dans l'histoire d'Amérique, par le docteur

crédit que les Noailles avaient à la cour y assurait une place brillante à Lafayette; elle lui fut offerte, mais il la refusa obstinément. Ce refus, dans un âge si accessible aux séductions du pouvoir, était la conséquence d'un sentiment de liberté né avec lui; et, peut-être, ne paraîtra-t-il pas puéril de rappeler ici une anecdote caractéristique, dont son professeur de rhétorique, depuis proviseur d'un lycée de Paris M. Binet, aimait à parler. Appelé à une composition où il s'agissait de peindre le cheval parfait que l'ombre de la verge rendait obéissant, le jeune Lafayette peignit le cheval renversant, à cette menace, son cavalier, et recouvrant sa liberté.

La nouvelle de l'insurrection américaine contre l'oppression britannique marqua sa vocation. Les mesures prises dans l'intérêt de cette cause, par La-fayette alors âgé de dix-neuf ans, furent conçues et conduites avec beaucoup de prudence et d'habileté.

<< Mais, dit le docteur Ramsay (1), avant qu'il eût >> pu exécuter son dessein, on reçut en Europe la »> nouvelle que les insurgés américains, réduits à >> deux mille combattans, fuyaient à travers le New>> Jersey, devant trente mille hommes de troupes ré–

gulières envoyées par l'Angleterre. Ces rapports » désavantageux étouffèrent si complètement le >> peu de crédit que l'Amérique avait en Europe au Ramsay; dans la vie de Washington, par M. Marshall, et dans les ouvrages de MM. de Ségur, de Toulongeon, de Chateauneuf, Ticknor, etc,

(1) Histoire de la révolution d'Amérique.

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