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>> que vous seuls à présent avez le pouvoir de sauver.

>>> Des bruits sinistres s'étaient répandus; ils se >> sont malheureusement confirmés. Voici le moment >> de nous rallier autour du vieux étendard tricolore, >> celui de 89, celui de la liberté, de l'égalité et de » l'ordre public; c'est celui-là seul que nous avons à >> défendre contre les prétentions étrangères et >> contre les tentatives intérieures. Permettez, Mes>> sieurs, à un vétéran de cette cause sacrée, qui fut » toujours étranger à l'esprit de faction, de vous >> soumettre quelques résolutions préalables dont >> vous apprécierez, j'espère, la nécessité.

» ART. 1oг. La chambre des représentans déclare >> que l'indépendance de la nation est menacée.

>> 2. La chambre se déclare en permanence. >> Toute tentative pour la dissoudre est un crime de >> haute trahison; quiconque se rendrait coupable >> de cette tentative serait traître à la patrie, et sur-le>> champ jugé comme tel.

>> 3. L'armée de ligne et les gardes nationales qui >>> ont combattu et combattent encore pour défendre » la liberté, l'indépendance et le territoire de la » France, ont bien mérité de la patrie.

» 4. Le ministre de l'intérieur est invité à réunir » l'état-major général, les commandans et majors » de légion de la garde nationale parisienne, afin >> d'aviser aux moyens de lui donner des armes, et » de porter au plus grand complet cette garde ci» toyenne, dont le patriotisme et le zèle, éprouvés >> depuis vingt-six ans, offrent une sûre garantie à la

>> liberté, aux propriétés, à la tranquillité de la ca» pitale, et à l'inviolabilité des représentans de la

>> nation.

>> 5. Les ministres de la guerre, des relations >> extérieures, de l'intérieur et de la police, sont in>>vités à se rendre sur-le-champ dans le sein de l'as>> semblée. »>

L'assemblée adopta sur-le-champ ces résolutions, mais quelques hommes eurent l'adresse de faire ajourner l'article relatif à la garde nationale, qui eût mis sur-le-champ cinquante mille hommes sous la main de l'assemblée, pour sa propre défense et celle de la capitale. Néanmoins, plusieurs bataillons vinrent spontanément se ranger autour de la représentation nationale et de leur ancien général, ne prenant des ordres que des inspecteurs de la salle.

Dans le comité secret qui fut tenu le soir, Lucien Bonaparte, commissaire de l'Empereur, s'étant permis une allusion à la légèreté du peuple français, M. de Lafayette se leva, et prononça de sa place, avec un sang-froid imposant, les paroles suivantes : « C'est une assertion calomnieuse, que celle qu'on >> vient de proférer. Comment a-t-on osé accuser la >> nation d'avoir été légère et peu persévérante à l'égard de l'empereur Napoléon? Elle l'a suivi dans » les sables d'Égypte et dans les déserts de Russie, >> sur cinquante champs de bataille, dans ses désas>> tres comme dans ses victoires, et c'est pour l'avoir >> suivi que nous avons à regretter le sang de trois » millions de Français. » Ce peu de mots fit une

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profonde impression sur l'assemblée, et Lucien même s'inclina respectueusement devant le digne vétéran de la liberté.

Dès que Napoléon cut envoyé son abdication, on créa un gouvernement provisoire. Tout faisait croire que Lafayette en ferait partie, et il en eût alors été le président. Son intention connue était de faire un appel au peuple français, de soulever en armes toute la nation à l'appui d'une armée encore nombreuse, et il ne doutait pas que, mieux encore qu'en 92, ces gardes nationales, ces troupes de ligne expérimentées ne fussent en état de chasser les ennemis avec lesquels il n'aurait traité qu'en dehors des frontières, laissant la nation se donner à elle-même une constitution et des destinées de son choix. L'intrigue, l'ignorance, d'anciennes préventions et de nouveaux complots prévalurent. Lafayette venait de refuser les ouvertures des divers partis, voulant se conserver indépendant pour le plus grand bien de la liberté et du pays. La proposition du duc d'Otrante et de MM. Dupin et Regnault, à la séance du 22 juin, avait été de nommer cinq commissaires, trois choisis dans la chambre des représentans, et deux nommés dans celle des pairs. Le bruit public désignait dans celle des pairs, MM. Fouché et Carnot; parmi les députés, les généraux Lafayette et Grenier, et un troisième sur lequel on était encore indécis. Ces dispositions changèrent par une espèce de mystification dont furent dupes plusieurs personnes. On substitua, dans une seconde rédaction, la préposition par à la préposi

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tion dans. Celle des représentans fit ses choix la première. On lui persuada de nommer les deux pairs à charge de revanche: elle nomma Carnot et Fouché; Lafayette et Grenier furent ballottés; celui-ci l'emporta. On croyait, deux heures avant le scrutin, que Lafayette passerait le premier; il n'en fut pas ainsi; non que ses amis particuliers, cette fois comme dans l'affaire de la présidence, eussent éloigné de lui cet honneur : ils le portèrent, au contraire, avec empressement; mais beaucoup d'intérêts et de passions travaillèrent contre lui. L'influence que le parti royal pouvait avoir, si ce n'est au sein, du moins autour de la chambre, fut dirigée contre un homme pour lequel il avait récemment encore manifesté son animadversion (1), et qui ne pouvait entendre à aucune transaction, aux dépens de certains principes positifs. Beaucoup de républicains qui l'avaient proscrit, en l'appelant aristocrate et royaliste, couverts aujour

(1) Cette malveillance se reproduit d'une manière aussi âcre que mensongère dans une histoire de la Restauration récemment publiée et dont on reconnaît, à plusieurs signes évidens, que beaucoup de renseignemens ont été donnés par ces mêmes hommes qui intriguaient alors pour le compte de Louis XVIII, autour de la chambre des représentans et avec Fouché lui-même; de ces hommes qui poursuivaient de leur ingratitude et de leur haine ce même Napoléon dont ils avaient été les serviles valets; tandis qu'au contraire Lafayette s'était occupé d'assurer son passage aux États-Unis, et lui avait témoigné, dans cette circonstance, tous les sentimens compatibles avec ses devoirs patriotiques.

M. Galatin que l'Europe et particulièrement la France connaissent par ses travaux diplomatiques, et que l'Amérique compte, avec orgueil, au nombre des plus constans et plus ha

d'hui de titres et de cordons, lui reprochaient de conserver des inclinations et des intentions républicaines, et de n'être pas plus favorable à la nouvelle hérédité nobiliaire qu'il ne l'avait été à l'ancienne. On répandit le bruit qu'il refuserait; qu'il se réservait pour la garde nationale, pour l'ambassade : il n'eut que 142 voix. Si cette affectation à repousser les intérêts des partis lui fut défavorable, le duc d'Otrante, au contraire, se trouva porté par les bonapartistes qui le savaient en correspondance avec M. de Metternich, pour la régence; par les conventionnels qui se rappelaient d'anciennes liaisons, et surtout par les vœux ardens des royalistes qui comptaient exclusivement sur lui. La droiture républicaine de Carnot, ses rapports, dans cette dernière crise, avec Bonaparte, à la conversion duquel il croyait, et qu'il avait regardé, dans la sincérité de son patriotisme, comme le palladium de la liberté, lui avaient d'autant

biles défenseurs de ses libertés, haranguant, en 1825, Lafayette au nom des habitans d' Union-Town, rendit un éclatant témoignage à sa générosité envers l'empereur Napoléon.

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Cependant, lui dit-il, le colosse tombe; et, tandis que les » flatteurs le trahissaient et l'abandonnaient, vous, qui lui » aviez résisté lorsqu'il était au faîte du pouvoir, vous vous rappelâtes, seulement alors, que vous dûtes à ses premières » victoires d'être délivré des prisons d'Olmutz, et vous fûtes » un des premiers à proposer des de salut qu'on >> cherchait alors à lui procurer et qui peut-être, sans un étrange aveuglement de sa part (ses préventions contre les >> idées républicaines), et la honteuse perfidie de faux amis, >> eussent pu le préserver du triste sort qui l'attendait. >>

moyens

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