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>> égout et des latrines de la garnison, placés sous les >> fenêtres de Lafayette, que les soldats qui leur por

montés, depuis les nouvelles d'hier, par le sentiment des alarmes et de ma vive douleur de la captivité bien plus affreuse de celui qui mérite plus que » moi d'être libre, puisqu'il a bien plus travaillé que moi pour la liberté de ses >> concitoyens.

>> Ne vous attendez donc plus à trouver dans mes expressions ni amertume, ni même la fierté de l'innocence opprimée ; je plaiderai ma cause avec l'uni» que désir de la gagner. J'ai déjà écrit à M. Rolland. Le dernier courrier, je » venais de lire dans votre gazette, dans laquelle seule je trouve des nouvelles de » mon mari, qu'on le séparait de MM. de Maubourg et Bureau de Puzy, et qu'on »le transférait à Spandau. Son malheur, les risques de sa santé, tout ce que je » crains encore... ce que j'ignore, tous ces maux à la fois ne sont pas réellement supportables pour moi, fixée loin de lui. Et lorsque je pense quels services ⚫ peuvent rendre à la patrie toutes les tortures de mon cœur, je ne puis croire » qu'on persévère à me lier par les chaînes les plus pesantes : une parole que j'ai » offerte peut-être trop légèrement, mais qui est le prix de l'adoucissement que » l'on accorde à ma prison, et la crainte d'exposer les administrations responsa »bles, lien non moins sacré pour moi. En vérité, Monsieur, c'est mettre beau» coup trop d'importance à ma personne, et beaucoup trop peu à une vexation, » que de continuer à me retenir.

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» Après tout ce que votre crédit a fait, après tout ce que vous osez depuis quelque temps avec courage contre une faction meurtrière, je ne puis croire que vous ne puissiez et ne vouliez obtenir du comité la révocation entière de » son arrêté. Il fut pris à une époque où il craignait que l'opinion de M. Lafayette » put soutenir encore quelques citoyens dans sa fidélité à la constitution; je ne >puis croire que vous n'obteniez que l'ordre de M. Rolland, qui ne s'appuie » que sur cet arrêté, soit aussi révoqué, et que ma liberté me soit rendue toute entière. Il est impossible qu'un certificat de résidence dans les fers des ennemis » pour s'être dévoué à la cause de la liberté, ne vaille pas à la femme de M. Lafayette les mêmes avantages que vaudrait à celle d'un artiste le certificat » qui répondrait qu'il voyage pour s'instruire de son art. Je ne parlerai pas de » la barbarie qu'il y a en général à garder des femmes comme otages; mais » je dirai qu'il est dans l'impuissance absolute de nuire ou de servir aucune cause; » souffrez que je le répète, il a fallu l'y réduire pour qu'il ne se. vit plus la cause » de la liberté ?

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» J'avoue, monsieur, que je ne pourrai jamais croire que celui qui poursuit, » depuis tant d'années, l'abolition de l'esclavage des noirs, puisse refuser d'em

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>> taient à manger se bouchaient le nez en ouvrant >> leur porte.

» Les trois prisonniers, Maubourg, Lafayette et » Puzy, ont été enfermés pendant trois ans et cinq >> mois dans le même corridor, sans se voir et sans >> qu'on voulût leur donner la moindre nouvelle ré>> ciproque.

A l'époque de l'insurrection Lyonnaise, deux hommes d'opinion et de situation différentes, le publiciste d'Archenoloz, et le très-royaliste mais généreux Lally-Tollendal, imaginèrent de représenter aux puissances que l'arrivée de Lafayette à Lyon, en ralliant la nombreuse portion constitutionnelle de France, et avec son crédit sur la garde nationale, pourrait seule peut-être arrêter les massacres de la terreur : c'était mal les connaître. «Lafayette, se dit-on, >> sans doute, comme en 92, sauverait ses amis et les

»ployer son éloquence pour délivrer d'esclavage une femme qui ne demande » d'autre liberté que celle d'aller s'enfermer dans les murs, ou du moins au>> tour des murs de la citadelle de Spandau. M. Rolland veut bien m'assurer » qu'il est dans la persuasion que je ne puis ni ne veux nuire : alors il faut me » délivrer; car, d'après les principes avoués par M. Rolland lui-même, on doit faire le bien de tous avec le moins de mal possible pour chacun. Ma li» berté n'en ferait à personne. Laissez les ennemis étrangers assouvir leur haîne » contre un sincère ami de la liberté ; ne vous unissez pas à eux pour le persécu» ter dans ce qui lui est cher, et qu'au moins ils voient qu'il est dans notre pa>>trie des représentans courageux du peuple qui abhorrent les crimes inutiles, >> soutiennent l'innocence, au moins quand elle est faible et qu'elle souffre.

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» J'ose attendre de cette lettre une prompte réponse. Elle peut vous faire ju» ger que je suis bien malheureuse; mais aucune expression ne peut peindre l'é>> tat violent de mon cœur, ni la reconnaissance que je devrais à mes libéra>teurs, tels maux qu'ils m'aient causés jusques-là.»

Signe NOAILLES LAFAYETTE.

>> nôtres, mais au profit de la liberté.» En effet tandis que Lyon, patriotiquement insurgée contre l'oppression, demandait à marcher en avant, la junte secrète ne voulait en faire qu'une place d'armes pour l'étranger, et les nobles et humaines démarches du comte de Lally et du respectable prussien Archenoloz ne produisirent que de nouvelles précautions contre l'évasion du prisonnier. Cette circonstance a été rappelée récemment par M. Prunelle, président de la commission de réception, dans sa harangue au général Lafayette, au nom de la population Lyonnaise.

Dans un billet de Lafayette, échappé à la vigilance de ses gardiens et publié depuis, nous trouvons le jugement suivant sur le prétendu républicanisme de la terreur, et sur la perfide diplomatie des monarques alliés. « Je ne parlerai point des affaires publiques; un >> homme mort depuis vingt-et-un mois les jugerait » mal; la liberté dont l'Europe sent le besoin, que » l'Angleterre perd à regret, que la France rappelle >> par des vœux secrets, n'en est pas moins assassinée » par la double faction des comités jacobins et des >> cabinets coalisés; s'il est étrange de respecter des >> brigands parce qu'ils se disent patriotes, et de se >> croire libres parce qu'une vingtaine de mots répu»blicains a été cousue au plus infàme systême de >> tyrannie, il ne l'est pas moins de s'imaginer que la >> souveraineté nationale, placée entre cette nouvelle » usurpation et l'antique rébellion des despotes,

puisse gagner quelque chose au succès des alliés ; » et lors même que ceux-ci déguiseraient l'aristo

» cratie, l'intolérance et l'autorité arbitraire sous >> quelques dehors soi-disant constitutionnels, je ne >> puis en vérité me persuader que la cause de l'hu» manité doive être réellement servie par les puis»sances conjurées contre elle. >>

Pendant que les rois de l'Europe et tous les partisans de l'ancien ordre de choses, exerçaient ainsi leur implacable haine, la réputation, la fortune, les familles et les amis de ces proscrits étaient livrés à toutes les fureurs des partis anarchistes et terroristes qui se succédaient en France; l'accusation de Fayettisme était un arrêt de mort; on la trouve seule sur des écrous, et même dans des condamnations.Et combien n'a-t-on pas vu de bons citoyens, d'hommes recommandables par leurs vertus ou leurs talens, professer jusques devant les tribunaux révolutionnaires et sur l'échafaud, leur attachement à ses principes et à sa personne! « Voilà une compagnie de fayettistes, » disait à la première bataille de Fleurus un officier général, en passant devant un bataillon de garde nationale. « Oui, nous le sommes, s'écria le capitaine, et nous >> allons vous montrer comment ils se battent. » Ils furent presque tous tués. Lafayette était en même temps, de la part des amis de la liberté dans les deux hémisphères, l'objet du plus ardent intérêt et des plus vives réclamations. Les journaux patriotes d'Allemagne, d'Angleterre, d'Amérique, retentissaient de son nom. Le président des États-Unis, Washington, envoya un ministre à Berlin, et écrivit personnellement à l'empereur d'Autriche. Deux motions spé

ciales en faveur de ces prisonniers de la coalition furent faites au parlement d'Angleterre par le général Fitz-Patrick. Soutenues par toute l'éloquence des orateurs de l'opposition, elles furent combattues (1) par tous les sophismes et l'influence du ministère. Dans tous les cas, ces efforts eussent été insuffisans contre une animadversion si violente et si invétérée. La France victorieuse s'occupa enfin des prisonniers d'Olmütz; les conseils se mirent en mouvement; le directoire chargea ses plénipotentiaires, les généraux Bonaparte et Clarke, de demander, avant la signature de la paix, la délivrance de Lafayette, Latour-Maubourg et Bureau-de-Puzy. Cette négociation dura encore cinq mois, et Napoléon a souvent répété depuis que de toutes ses négociations avec les puissances étrangères, celle-ci avait été la plus difficile, tant était grande leur répugnance à se dessaisir de leur proie. Mais

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(1) « Je ne croirai jamais, disait noblement Fitz-Patrick, » que ce pays puisse haïr un homme né en France, parce que » cet homme a institué dans l'origine ces gardes nationales qui, après avoir maintenu, pendant deux ans, sous ses ordres, » la sûreté, les propriétés et le repos de la capitale de la >> France, ont mis ensuite ce pays à même de maintenir son indépendance, et d'établir le gouvernement de son choix >> contre tous les efforts de l'Europe conjurée. Encore moins >> consacrerai-je l'idée que sur un seul coin de terre britannique, que dans les replis d'un seul cœur anglais puissent se >> cacher des conceptions assez étroites, une vengeance assez » basse, pour voir l'ami et le pupille de l'illustre Washington » périssant dans un cachot, à raison de ses principes politiques, » fut-il même vrai qu'il eût puisé ces principes en soutenant » la cause de l'Amérique contre la Grande-Bretagne. »

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