Page images
PDF
EPUB

fournitures, leur paiement, les soins relatifs à leur santé, ne soient plus soumis à de fatales lenteurs ou à de prétendues épargnes qui tournent en sens inverse de leur but.

» Il faut surtout que les citoyens, ralliés autour de la constitution, soient assurés que les droits qu'elle garantit seront respectés avec une fidélité religieuse qui fera le désespoir de ses ennemis cachés ou publics. Ne repoussez pas ce vou: c'est celui des amis sincères de votre autorité légitime. Assurés qu'aucune conséquence injuste ne peut découler d'un principe pur, qu'aucune mesure tyrannique ne peut servir une cause qui doit sa force et sa gloire aux bases sacrées de la liberté et de l'égalité, faites que la justice criminelle reprenne sa marche constitutionnelle, que l'égalité civile, l'égalité religieuse jouissent de l'entière application des vrais principes. » Que le pouvoir royal soit intact, car il est garanti par la constitution; qu'il soit indépendant, car cette indépendance est un des ressorts de notre liberté; que le roi soit révéré, car il est investi de la majesté nationale; qu'il puisse choisir un ministère qui ne porte les chaines d'aucune faction, et que, s'il existe des conspirateurs, ils ne périssent que sous le glaive de la loi.

» Enfin, que le règne des clubs, anéanti par vous, fasse place au règne de la loi; leurs usurpations, à l'exercice ferme et indépendant des autorités constituées; leurs maximes désorganisatrices, aux vrais principes de la liberté ; leurs fureurs délirantes, au

courage calme et constant d'une nation qui connaît ses droits et les défend; enfin leurs combinaisons sectaires, aux véritables intérêts de la patrie qui, dans ce moment de danger, doit réunir tous ceux pour qui son asservissement et sa ruine ne sont pas les objets d'une atroce jouissance ou d'une infàme spéculation.

>> Telles sont, Messieurs, les représentations et les pétitions que soumet à l'assemblée nationale, comme il les a soumises au Roi, un citoyen à qui on ne disputera pas de bonne foi l'amour de la liberté ; que les diverses factions haïraient moins, s'il ne s'était élevé au-dessus d'elles par son désintéressement; auquel le silence eût mieux convenu, si, comme tant d'autres, il eût été indifférent à la gloire de l'assemblée nationale, à la confiance dont il importe qu'elle soit environnée, et qui, lui-même, enfin, ne pouvait mieux lui témoigner la sienne qu'en lui montrant la vérité sans déguisement.

» Messieurs, j'ai obéi à ma conscience, à mes sermens; je le devais à la patrie, à vous, au Roi, et surtout à moi-même, à qui les chances de la guerre ne permettent pas d'ajourner les observations que je crois utiles, et qui aime à penser que l'assemblée nationale y trouvera un nouvel hommage de mon dévouement à son autorité constitutionnelle, de ma reconnaissance personnelle et de mon respect pour

elle.

» Signé, LAFAYETTE.» Cette lettre, accueillie par la majorité de l'assem

blée, fut amèrement attaquée par les députés jacobins. Les clubs dénoncèrent à l'envi Lafayette; celui de Paris choisit pour son organe le trop fameux Collot-d'Herbois.

Pendant ce temps les intrigues se multiplièrent. On a donné le nom de républicains aux factieux de l'époque, comme on le donna ensuite aux hommes de la terreur; mais il n'était pas question de république au Champ-de-Mars; les aveux de madame Roland et de Brissot en font foi. Les noms du duc de Brunswick, du duc d'York, étaient prononcés dans les clubs, et l'on a vu ce que devinrent depuis la plupart des soi-disant républicains des temps d'anarchie et de violence.

Cependant soixante-quinze administrations départementales, composées des véritables élus du peuple, avaient adhéré formellement à la lettre de Lafayette, et l'assemblée nationale recevait tous les jours de nouvelles adhésions dont le cours ne fut interrompu que par la catastrophe du 10 août et les crimes de septembre.

Le commandement de la frontière, partagé, depuis la démission de Rochambeau, entre Luckner et Lafayette, s'étendait, pour le maréchal, du Rhin à Longwy, et pour Lafayette, de Dunkerque à Montmédy. Les deux généraux prévirent aisément que la principale attaque se ferait vers le point de jonction de leurs commandemens respectifs, et malgré les mouvemens simulés des Autrichiens, les cris des jacobins, les dénonciations des journaux, les représentations de ministres subjugués par les clubs, les

désobéissances de Dumouriez, brouillé d'abord, et puis, après les plus graves imputations mutuelles, reconcilié avec ses anciens collègues, malgré tout cela, disons-nous, Luckner et Lafayette portèrent vers les points menacés les deux corps de troupes qui étaient prêts à se soutenir mutuellement, et à s'opposer au duc de Brunswick. Mais tandis que leurs dispositions militaires, celles entre autres qu'ils faisaient en Flandre, étaient contrariées par des ordres venus de Paris, des intrigues intérieures retardaient la marche même des réquisitions qu'ils avaient ordonnées conformément à la loi. Heureusement que plus tard une partie de ces nouvelles levées arriva à temps dans les plaines de la Champagne. C'est alors qu'une position habilement choisie et hardiment occupée par Dumouriez, successeur de Lafayette; la bataille de Valmy, gagnée par Kellermann et le canon de Daboville; le patriotisme et le courage français; l'imprudente confiance des alliés et le concours des élémens, justifièrent les prédictions du général proscrit, et peut-être que dans cette retraite ce fut un bonheur pour les alliés d'avoir affaire, pour nous servir de l'expression du marquis de Lucchesini, à un général qui savait négocier.

Lafayette avait été dénoncé à l'assemblée nationale par les membres qui, alors, s'étaient constitués les organes, et se croyaient les chefs des jacobins.

On lui donna le nom de nouveau Cromwell, non cependant dans le sens honorable de Mirabeau lors que, impatienté de ses scrupules, il l'appelait Crom

well-Grandisson. Et par qui ce reproche d'ambition vulgaire lui était-il adressé? par des hommes dont il avait repoussé les offres de dictature et de commandement général. Il était représenté comme aristocrate par ces mêmes jacobins qui, dans leurs instructions ministérielles, venaient de lui recommander de ne pas trop se livrer en Belgique à ses sentimens démocratiques, et par d'autres aussi, qu'on a vus depuis couverts de titres et chamarrés d'or et de cordons. De son côté, la cour payait les libelles où il était dénoncé comme royaliste: on l'accusait de se faire un rempart séditieux de son armée.

Cette aveugle obstination de la cour à écarter, par de jalouses méfiances et des calomnies souterraines, les hommes, et surtout l'homme qui plus que tout autre avait, alors, le pouvoir et l'intention de la protéger par des moyens constitutionnels, est un des traits remarquables de l'histoire du temps.

Le 28 juin, Lafayette se présenta seul à la barre de l'assemblée, pour demander vengeance des violences exercées, le 20, aux Tuileries. Les citoyens qui venaient de l'applaudir l'auraient défendu personnellement, mais ils ne lui donnèrent pas l'appui de l'énergie civique que cette circonstance critique aurait exigé. Le Roi devait passer le lendemain une revue de la garde nationale; il y eut contre-ordre dans la nuit. La cour fit échouer le projet de Lafayette, et le Roi refusa positivement les propositions qu'il lui fit pour le garantir des dangers qui le menaçaient. Lafayette lui avait offert de le conduire en plein jour à Compiègne,

« PreviousContinue »