Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

>>> Gardez-vous cependant de croire, messieurs, >> que tous les genres de despotisme soient détruits, » et que la liberté, parce qu'elle est constituée et >> chérie parmi nous, y soit déjà suffisamment éta» blie. Elle ne le serait point, si d'un bout de l'empire à l'autre tout ce que la loi ne défend pas n'é>> tait pas permis; si la circulation des personnes, >> des subsistances, du numéraire, éprouvait quelque » résistance; si ceux qui sont appelés en jugement pouvaient être protégés contre la loi; si le peuple, négligeant ses plus précieux devoirs et sa dette la >> plus sacrée, n'était ni empressé de concourir aux >> élections, ni exact à payer les contributions pu>>bliques; si des oppositions arbitraires, fruit du » désordre ou de la méfiance, paralysaient l'action >> légale des autorités légitimes; si des opinions poli» tiques ou des sentimens personnels, si surtout l'u»sage sacré de la liberté de la presse pouvaient ja» mais servir de prétexte à des violences; si l'into>> lérance des opinions religieuses, se couvrant du >> manteau de je ne sais quel patriotisme, osait ad» mettre l'idée d'un culte dominant ou d'un culte proscrit ; si le domicile de chaque citoyen ne deve>> nait pas pour lui un asile plus inviolable que la plus inexpugnable forteresse; si, enfin, tous les Français >> ne se croyaient pas solidaires pour le maintien » de leur liberté civile, comme de leur liberté politi» que, et pour la religieuse exécution de la loi; s'il » n'y avait pas dans la voix du magistrat qui parle en

[ocr errors]

» son nom, une force toujours supérieure à celle des >> millions de bras armés pour la défendre.

>> Puissent tous les caractères, tous les bienfaits » de la liberté, en consolidant de plus en plus le >> bonheur de notre patrie, récompenser dignement » le zèle de toutes les gardes nationales de l'empire, >> armées pour la même cause, réunies par un même >> sentiment! et qu'il me soit permis de leur expri» mer ici une reconnaissance, un dévouement sans >> bornes, comme le furent, pendant cette révolu>>tion, les témoignages de confiance et d'amitié dont » elles m'ont fait jouir.

>>> Messieurs, en cessant de vous commander, à cct >> instant pénible de notre séparation, mon coeur, pé» nétré de la plus profonde sensibilité, reconnaît plus » que jamais les immenses obligations qui l'attachent » à vous. Recevez les vœux de l'ami le plus tendre, » pour la prospérité commune, pour le bonheur particulier de chacun de vous, et que son souvenir, » souvent présent à votre pensée, se mêle au serment » qui nous unit tous de vivre LIBRE OU MOURIR. » LAFAYETTE. »

>>

Il fit le même jour un discours d'adieux à la commune, et quitta cette capitale où il avait constamment joui d'une popularité immense, d'autant plus pure et d'autant plus remarquable qu'elle avait sans cesse été employée à réprimer les intrigues factieuses, les excès de fureur ou la licence qui ont pris depuis un si terrible et si funeste développement. Il se retira dans son pays natal, à cent vingt lieues de Paris. Partout

sur son passage on le combla d'honneurs volontaires et de marques d'affection. La garde nationale de Paris lui offrit la statue de Washington, et une épée forgée des verroux de la Bastille. Plusieurs citoyens tentèrent de rappeler Lafayette, en le faisant nommer maire au lieu de Péthion, qui était porté par les Jacobins. La cour employa son influence en faveur de Péthion; et comme les amis du général savaient qu'il n'ambitionnait pas cette dignité, le candidat des Jacobins et de la cour eut un succès facile.

Pendant ce temps, l'émigration devenait générale; les rassemblemens s'armaient au dehors; la coalition se développait; il devint nécessaire de former trois armées de cinquante mille hommes. Luckner, Rochambeau et Lafayette, furent les trois généraux choisis pour les commander. Lorsque, passant par Paris pour se rendre à son quartier général, Lafayette se présenta à l'Assemblée législative, le Président lui dit que la nation opposait avecconfiance à ses ennemis la Constitution et Lafayette. Il s'occupa avec succès des moyens de rétablir la discipline, fit un réglement plus sévère que les réglemens en vigueur, et parvint à faire considérer la négligence comme un signe d'aristocratie, et l'exactitude comme le caractère du patriotisme; enfin, il fit naître et régner dans l'armée cette simplicité si opposée à l'ancien luxe des troupes françaises, et qui depuis a tant facilité nos triomphes.

Pendant ce temps, le ministre Narbonne, qui avait la confiance des généraux et des troupes, perdit sa

place, et la chute de ses collègues suivit de près la sienne. On leur substitua un ministère que les jacobins et l'intendant de la liste civile formèrent d'un commun accord; Dumouriez en fut le chef. La guerre à être déclarée.

ne tarda pas

Parmi les intrigues étrangères et intérieures qui eurent lieu alors, on en trama une dans le but de perdre Lafayette. Le 24 au soir, il reçut l'ordre de former un corps d'armée et un train d'artillerie pour être le 30 à Givet; il fut prêt en vingt-quatre heures, et fit en cinq jours cette marche imprévue de cinquante-six lieues, de manière que, tandis que les échecs de Lille et de Mons affligeaient les bons citoyens, on ne put que le remercier, lui, de ses efforts et de son zèle. Il porta sur le pays ennemi un corps qui combattit vaillamment près de Philippeville à Florennes; et ensuite, d'après le plan qui laissait l'offensive au maréchal Luckner, il vint occuper le camp retranché de Maubeuge. Il y eut en avant de cette ville une affaire partielle, dans laquelle le général Gouvion fut tué. Des contre-temps et des lenteurs trop ordinaires aux troupes nouvelles empêchèrent l'effet d'un mouvement sur le flanc de l'ennemi, et donnèrent à celui-ci le temps d'opérer sa retraite.

D'après le premier plan, concerté en présence du Roi, entre le ministre Narbonne et les trois généraux, Luckner devait manoeuvrer sur le Rhin, et Lafayette, à la tête de quarante mille hommes, devait entrer dans les Pays-Bas, tandis que l'armée de Rochambeau se tiendrait prête à le soutenir. Mais ce plan

fut modifié par Dumouriez et les jacobins, ses amis d'alors. Rochambeau, abreuvé de dégoûts, donna sa démission; le maréchal Luckner, qui le remplaçait, et à qui était échue l'offensive des Pays-Bas par la Flandre maritime, jugea à propos de se retirer sur Valenciennes. Lafayette qui avait occupé Maubeuge, comme moyen de diversion, envoya Bureaux-Puzy pour l'engager à faire une attaque combinée contre les Autrichiens, à peu près au point où s'est donnée la bataille de Jemmapes. Lafayette répondait de ses troupes, et ne doutait pas du succès, car de tous les officiers qui avaient fait la guerre, il était celui et peut-être le seul qui, dès les premiers temps, eût constamment et publiquement prédit l'avantage que devaient avoir sur la vieille tactique et les anciennes armées, nos nouvelles institutions militaires et notre esprit patriotique. Luckner refusa obstinément de se rendre aux instances de son collègue. Cette circonstance ne fut pas une petite mortification pour les ennemis de Lafayette, au dedans et au dehors de l'assemblée, lors qu'à force de répéter qu'il empêchait Luckner d'attaquer, qu'il lui proposait de marcher sur Paris, et Bureaux-Puzy ayant été mandé à la barre, ils rendirent eux-mêmes nécessaire la publicité de cette correspondance.

Lafayette s'était en même temps engagé dans une guerre plus périlleuse contre la puissance colossale et désorganisatrice des clubs jacobins. Il savait que les ennemis extérieurs et intérieurs de la liberté avaient formé le projet systématique de la détruire

« PreviousContinue »