>> seur d'un trône constitutionnel; c'est ainsi, Mes>> sieurs, que dans la crise actuelle il nous a paru >> convenable d'élever un autre trône national, et je >> dois dire que mon vœu pour le prince dont le >> choix vous occupe s'est fortifié lorsque je l'ai >> connu davantage; mais je différerai d'avec beau>> coup de vous sur la question de la pairie hérédi>> taire. Disciple de l'école américaine, j'ai toujours >> pensé que le Corps législatif devait être divisé en >> deux Chambres, avec des différences dans leur or>> ganisation. Cependant je n'ai jamais compris qu'on >> pût avoir des législateurs et des juges héréditaires. >> L'aristocratie, Messieurs, est un mauvais ingré>> dient dans les institutions politiques; j'exprime >> donc aussi fortement que je le puis mon vœu pour >> l'abolition de la pairie héréditaire, et, en même >> temps, je prie mes collègues de ne pas oublier que >> si j'ai toujours été l'homme de la liberté, je n'ai >> jamais cessé d'être l'homme de l'ordre public. » Ces paroles furent l'arrêt de mort de la pairie. C'est ici le cas de parler de cette Charte-Bérard, sur l'origine de laquelle on s'est livré à tant de con jectures. Je suis d'autant plus à même d'en faire l'histoire, que, lié avec son auteur par d'anciens rapports de collaboration au Journal du Commerce, j'ai pu, pendant les journées mémorables, enrichir mon portefeuille des notes qu'il avait déposées dans le sien, et connaître en détail Itoutes les circonstances de sa conduite. C'est à tort qu'on a accusé M. Bérard d'avoir, dans cette conjoncture, accepté un rôle tout fait. La première pensée de l'importante mesure qu'il proposa plus tard lui appartient toute entière, et voici la série exacte des vicissitudes que sa Charte a traversées avant d'être déclarée loi de l'État. Le mercredi, 3 août, à dix heures du soir, M. Bérard, discutant, chez M. Laffitte, avec MM. Etienne et Cauchois Lemaire, sur le danger de laisser plus long-temps une porte ouverte aux ambitions qui s'agitaient, conçut et exprima la pensée d'y mettre un terme, en proposant à la Chambre la déchéance de Charles X et la proclamation du duc d'Orléans, à des conditions si rigoureuses et si précises qu'il fût impossible à ce prince de les enfreindre. Ce projet reçut l'approbation du petit nombre de patriotes auquel il venait d'être communiqué, et M. Bérard rentra chez lui pour rédiger le projet de proposition qu'on va lire. « Un pacte solennel unissait le peuple français à >> son monarque; ce pacte vient d'être brisé. Les » droits auxquels il avait donné naissance ont cessé » d'exister. Le violateur du contrat ne peut à aucun >> titre en réclamer l'exécution. >> Charles X et son fils prétendent en vain trans>> mettre un pouvoir qu'ils ne possèdent plus; ce >> pouvoir s'est éteint dans le sang de plusieurs mil>> liers de victimes. >> L'acte dont vous venez d'entendre la lecture (1) (1) Ce projet devait être lu dans la séance où l'acte d'abdication de Charles X, et la renonciation du Dauphin furent communiqués à la Chambre. >> est une nouvelle perfidie. L'apparence de légalité >> dont il est revêtu n'est qu'une déception. C'est un >> brandon de discorde que l'on voudrait lancer au >> milieu de nous. » Les ennemis de notre pays s'agitent de toutes >> les manières; ils revêtent toutes les couleurs; ils >> affectent toutes les opinions. Un désir anticipé de >> liberté indéfinie s'empare-t-il de quelques esprits >> généreux, ces ennemis s'empressent d'exploiter >> un sentiment qu'ils sont incapables de compren>> dre. Des royalistes ultrà se présentent sous la li>> vrée de républicains rigides. Quelques autres af>> fectent pour le fils du vainqueur de l'Europe un >> hypocrite attachement qui se changerait bientôt >> en haine, s'il pouvait être sérieusement question >> d'en faire le chef de la France. >> L'inévitable instabilité des moyens actuels de >> gouvernement encourage les fauteurs de discorde; >> faisons-la cesser. Une loi suprême, celle de la né>> cessité, a mis au peuple de Paris les armes à la >> main afin de repousser l'oppression. Cette loi nous >> a fait adopter pour chef provisoire, et comme >> moyen de salut, un prince ami sincère des insti>> tutions constitutionnelles. La même loi veut que >> nous adoptions ce prince pour chef définitif de >> notre gouvernement. >>> Mais quelle que soit la confiance qu'il nous ins>> pire, les droits que nous sommes appelés à dé>> fendre exigent que nous établissions les conditions >> auxquelles il obtiendra le pouvoir. Odieusement >> trompés à diverses reprises, il nous est permis de >> stipuler des garanties sévères. Nos institutions sont >> incomplètes, vicieuses même sous divers rapports; >> il nous importe de les étendre et de les perfection>> ner. Le prince qui se trouve à notre tête a été au>> devant de notre juste exigence. Les principes de >> plusieurs lois fondamentales ont été proposés par >> la Chambre et reconnus par lui. » Le rétablissement de la garde nationale avec >> l'intervention des gardes nationaux dans le choix >> des officiers; l'intervention des citoyens dans la >> formation des administrations départementales et >> municipales; le jury pour les délits de la presse; >> la responsabilité des ministres et des agens secon>> daires de l'administration; l'état des militaires >> légalement fixé; la réélection des députés promus )) à des fonctions publiques, nous sont déjà assurés. » L'opinion réclame, en outre, non plus une vaine >> tolérance de tous les cultes, mais leur égalité la >> plus complète devant la loi ; l'expulsion des trou>> pes étrangères de l'armée nationale; l'abolition de >> la noblesse ancienne et nouvelle; l'initiative des >> lois attribuée également aux trois pouvoirs; la sup>> pression du double vote électoral; l'âge et le cens >> d'éligibilité convenablement réduits; enfin, la re>> constitution totale de la pairie dont les bases fon>> damentales ont été successivement viciées par des >> Nous sommes les élus du peuple, Messieurs; il >> nous a confié la défense de ses intérêts et l'ex >> pression de ses besoins. Ses premiers besoins, ses >> plus chers intérêts sont la liberté et le repos. Il a >> conquis sa liberté sur la tyrannie; c'est à nous à >> assurer son repos; et nous ne le pouvons qu'en » lui donnant un gouvernement stable et juste. >> Vainement on voudrait prétendre qu'en agissant » ainsi nous outrepassons nos droits; je répondrais » à cette objection futile par la loi que j'ai déjà >> invoquée, celle de l'impérieuse et invincible né>>> cessité. >> Sous la foi de l'exécution stricte et rigoureuse >> des conditions qui viennent d'être énumérées, les>> quelles devront préalablement être stipulées et ju>> rées par le monarque, je vous propose, Messieurs, >> de proclamer immédiatement Roi des Français le >> prince lieutenant-général, Philippe d'Orléans. » Le 4 août, au matin, M. Bérard communiqua cette proposition à plusieurs députés. De ce nombre étaient MM. Dupont de l'Eure, alors chargé du portefeuille de la justice, et Laffitte, qui l'un et l'autre lui promirent d'en parler au conseil. A midi M. Bérard se rendit à la Chambre, où, avant l'ouverture de la séance, il crut devoir faire part de son intention à un grand nombre de ses collègues, parmi lesquels elle rencontra en général une vive opposition. Sur ces entrefaites les ministres provisoires arrivèrent au Palais-Bourbon, et affirmèrent à M. Bérard que son projet avait reçu l'assentiment du conseil, mais que le duc d'Orléans le priait instamment d'en suspendre la proposition, afin de pouvoir lui donner une |