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>> long-temps séparée de la cause de la nation et de >> la liberté; sa gloire n'est-elle pas notre plus cher >> patrimoine ! Mais aussi elle n'oubliera jamais que >> la défense de notre indépendance et de nos liber»tés est son premier devoir. Soyons donc amis >> parce que nos intérêts et nos droits sont communs. » Le général La ayette déclare au nom de toute la » population de Paris qu'elle ne conserve à l'égard >> des militaires français aucun sentiment de haine, >> ni d'hostilité : elle est prête à fraterniser avec tous >> ceux d'entr'eux qui reviendront à la cause de la >> patrie et de la liberté; et elle appelle de tous ses >> vœux le moment où les citoyens et les militaires, >> réunis sous un même drapeau, dans les mêmes >> sentimens, pourront enfin réaliser le bonheur et >>> les glorieuses destinées de notre belle patrie.

» Vive la France!

>> Le général LAFAYETTE. »

Ainsi finirent les opérations actives dans le rayon de la capitale. Je reviens à l'Hôtel-de-Ville.

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CHAPITRE V.

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Parti orléaniste. M. Laffitte est à sa tête. Ses efforts depuis treize ans pour mettre le duc d'Orléans sur le trône. Ses communications secrètes avec Neuilly, dans la nuit du mardi, et jours suivans.- Le duc d'Orléans passe la nuit dans un kiosque, au milieu de son parc, pour éviter les filets de Saint-Cloud. - Arrivée des envoyés de Charles X à l'Hôtel-de-Ville et à la réunion Laffitte. Comme ils y sont Présence Réunion du vendredi chez M. Laffitte.

reçus.

de quelques pairs. Les députés se réunissent au PalaisBourbon. Ils appellent le duc d'Orléans à la Lieutenancegénérale. Il n'accepte qu'après avoir secrètement consulté le prince de Talleyrand. Anecdote.

A l'Hôtel-de-Ville était le seul gouvernement réel, le seul levier qui soulevât les masses, le seul qui eût la confiance du peuple, et pût rasseoir la société, ébranlée jusque dans ses fondemens. Le combat était fini; il ne s'agissait plus que de consolider la victoire; fut-elle pillée? c'est ce que mes lecteurs décideront je ne juge point, je raconte. Mais, pour l'intelligence des faits ultérieurs, il est indispensable de revenir un instant sur les journées précédentes. Dès l'apparition des ordonnances, quelques hommes dévoués, depuis plusieurs années, aux intérêts de la maison d'Orléans, avaient conçu le projet de renverser la branche aînée par la branche cadette, et toutes leurs démarches, pendant les trois jours de la lutte, n'avaient tendu que vers ce résultat.

Ce dénouement était surtout la pensée dominante

de M. Laffitte (1). Le duc d'Orléans était à Neuilly, entre la Cour, qui fit la faute de ne point le sommer de se rendre à Saint-Cloud, et Paris, à l'insurrection duquel il était resté complètement étranger. Dès le mercredi, à huit heures du matin, M, Laffitte, qui n'était arrivé que depuis quelques heures, envoya chercher le secrétaire de la duchesse d'Orléans, M. Oudart, qu'il chargea d'aller à Neuilly prévenir le prince de la réunion de députés qui devait avoir lieu, à midi, chez M. Audry de Puyraveau, et supplier son altesse royale de bien prendre garde aux filets de Saint-Cloud. Cette ouverture, qui sans doute ne se bornait point à un simple avis de prudence, fut faite le mercredi matin, époque à laquelle tout était encore en question : aussi son Altesse Royale pensa tout bas, et dit peu de choses. Cependant le duc d'Orléans fut sensible à la tendre sollicitude de M. Laffitte, et, par pure condescendance pour son banquier, il se condamna à passer une nuit tout entière dans un kiosque perdu au milieu de son parc, et autour duquel veillaient des amis vigi

(1) Cette pensée remontait à plusieurs années. On se rappelle encore le discours que le député de la Seine prononça le 10 février 1817, à propos du projet de loi relatif aux finances, et dans lequel il établit que les Anglais sont redevables de leur liberté à la révolution qui déféra la couronne à Guillaume III. Non-seulement cette opinion hardie servit, alors, de texte aux attaques les plus violentes contre M. Laffitte, de la part des journaux de la Restauration, mais elle donna lieu aussi au premier ministre, le duc de Richelieu, de demander à l'honorable député si son intention avait été, oui ou non, de provoquer un mouvement en faveur du duc d'Orléans.

lans et fidèles. Le jeudi matin, M. Laffitte envoya de nouveau M. Oudart à Neuilly; ses instances étaient plus pressantes; il instruisait le prince de ce qui s'était passé dans les réunions de la veille, de l'exaspération des esprits contre la branche aînée, du développement des événemens, de la gravité de la situation et de la nécessité, pour le duc d'Orléans, de choisir, dans les vingt-quatre heures, entre une couronne et un passeport. On dit que le choix n'était déjà plus douteux, et que son Altesse Royale s'expliqua, cette fois, de manière à rassurer ses partisans sur le bien cruel sacrifice qu'ils exigeaient de son patriotisme; enfin, le sort en fut jeté, et le duc d'Orléans se condamna à placer, sur sa tête citoyenne, cette couronne d'épines jusqu'à laquelle, comme chacun sait, il n'avait jamais élevé son ambition. Ainsi donc, M. Laffitte, qui avait échangé plusieurs messages avec le duc d'Orléans, dans la journée du mercredi et dans la matinée du jeudi, avait déjà préparé adroitement l'esprit des députés et de quelques membres du gouvernement provisoire, en faveur de la lieutenance-générale du duc d'Orléans, lorsque Lafayette et la commission municipale s'installèrent à l'Hôtel-de-Ville.

Tandis que les chefs militaires prenaient des mesures pour consolider la victoire remportée par le peuple tout seul, et que la commission municipale et les commissaires chargés des divers départemens réorganisaient le service général, une fraction de la Chambre des députés, réunie chez M. Laffitte, s'occupait de régler le nouvel ordre de cho

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ses. Une députation, composée de MM. d'Argout, Sémonville et Vitrolles, s'était présentée à l'Hồtel-de-Ville, pour traiter au nom de Charles X, et annoncer à la commission le retrait des ordonnances et la nomination d'un nouveau ministère, dont MM. Casimir Périer et Gérard faisaient partie. Ces envoyés furent introduits à la commission municipale au sein de laquelle Lafayette fut prié de se rendre. La réponse ne se fit point attendre le peuple avait combattu au cri de: A bas les Bourbons; il était il était trop tard; ces Bourbons avaient cessé de régner. C'est ce que MM. Lafayette, Audry de Puyraveau et Mauguin déclarèrent formellement aux ambassadeurs de St-Cloud, en présence de M. Périer, qui garda le silence. Les commissaires royaux allaient se retirer lorsque, M. de Sémonville s'étant adressé à Lafayette, celui-ci lui demanda si les Bourbons avaient pris la cocarde tricolore; et, sur sa réponse que c'était une grande affaire, le général répliqua que pour peu que cela leur coutàt, ils pouvaient s'en dispenser; car, il était déjà trop tard: tout était fini.

Le lendemain, M. de Sussy, porteur d'une lettre de M. de Mortemart, nouveau premier ministre de Charles X, et d'un pli renfermant le rappel des ordonnances, trouva Lafayette entouré de ses officiers et d'une foule de citoyens. « Nous n'avons pas à nous gêner, dit-il à M. de Sussy, je suis ici avec mes amis, pour qui je n'ai point de secrets; »et, ouvrant le paquet dont il lut le contenu à haute voix : «< Eh bien ! dit-il au peuple, que répondrons-nous? Plus de trans

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