ce n'eft pas encore parmi ces infulaires qu'il faut chercher la véritable liberté, cette fage égalité des droits de l'homme, cette participation réelle de tous les citoyens à la puiffance législative, cette faculté de s'élever par fon feul mérite, par fes feules vertus, à tous les grades, à toutes les dignités, cette légiflation protectrice de tous les individus, fans acception des titres & des perfonnes, cette fécurité abfolue dans fes propriétés, à l'aide d'une police furveillante, fans être oppreffive, cette tolérance éclairée qui autorise tous les hommes à rendre à la divinité le culte qu'ils croyent le plus digne d'elle, cet efprit public qui fait de tous les citoyens autant d'agens de l'administration, autant de confédérés pour la profpérité de l'état.

Où le trouverons-nous ce peuple qui préfente une auffi belle image, un accord auffi parfait ? On nous a fait efpérer que nous pourrions le rencontrer dans une contrée séparée de l'europe par la vafte étendue des mers, chez une nation que nous avons aidée à brifer fes chaînes. Nous nous en approcherons, nous la contemplerons fans prévention; mais afin d'arrêter fur elle un œil plus calme, plus attentif, nous laifferons écouler des jours que la patrie nous demande pour confolider l'ouvrage de nos légiflateurs, pour raffembler fous les yeux de fon auguste chef, fa double milice, pour lier tous ses enfans à la caufe commune par un ferment folemnel. Puiffe-t-il ferment être

prononcé par toutes les bouches, fortir du fond de tous les cœurs, diffiper pour jamais toutes les hai nes, bannir toutes les terreurs, nous conduire à l'indulgence pour les erreurs paffagères, rappeler parmi nous d'illuftres fugitifs, en leur montrant un féjour heureux & paisible où ils pourront venit fe reconcilier avec des idées qui bientôt ne leur paroîtront plus étrangères!

Nota. Depuis que nous avons expofé le tableau de la conftitution d'Angleterre, la chambre des communes prenant exemple fur l'Irlande, a effacé en partie une des taches dont le fanatifmie avoit fouillé cette conftitution.

Les catholiques, moins heureux, en Angleterre que ne le font les proteftans en France, puifqu'ils font encore exclus des emplois civils & militaires, ont obtenu de n'être plus regardés comme étran gers à leur patrie; l'exercice de leur religion ne ferá plus un crime, & les miniftres de leur culte ne feront plus expofés à la févérité de l'intolérance. Un jour viendra, fans doute, où l'on abolira ce trop fameux bill du Teft, & où l'on n'exigera d'un Anglois que le choix de fes concitoyens, ou la faveur du roi élevera à l'honneur de fiéger au parlement, d'autre ferment que celui de fervir avec probité la chofe publique, de défendre, aur péril de fa vie, la liberté & la propriété des atteintes de l'autorité arbitraire.

XXVIC DISCOURS

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XXVIe DISCOURS.

DES Etats-Unis de l'Amérique, de leur Origine & des Evénemens qui ont précédé leur Conftitution.

Qu

UE ne puis-je dans ce moment m'élever à la hauteur de mon fujet! Je vais parler d'une conftitution créée par le fentiment de l'indépendance, par le defir de l'égalité.

Une grande expérience de malheurs, d'iniquité, l'a précédée; des vertus énergiques en ont conftitué toutes les parties. Elle eft l'œuvre d'un fècle de lumières. Avant d'examiner fi elle mérite toute fa renommée, voyons par quelle chaîne d'événemens elle a été produite fur la vafte étendue du pays foumis à fa domination.

Ce qui forme aujourd'hui les Etats-Unis, eft le rapprochement, l'unité d'intérêt des treize colonies, qui fe font fucceffivement établies dans la partie feptentrionale de l'Amérique.

Le chevalier Walter Raleigh fut, à cette partie de l'Amérique, ce qu'avoit été Colomb à la partie méridionale, le véritable fondateur des établiffemens européens; il a effuyé des perfécutions

comme fon rival; il a langui plufieurs années dans les prifons d'Angleterre, & a fini par perdre la tête fur un échafaud.

Ce navigateur obtint de la reine Élisabeth, le 25 Mars 1584, une charte qui lui affuroit, à lui & à fes fucceffeurs, la fouveraineté des pays dont il prendroit poffeffion, avec la faculté d'établir un gouvernement femblable, autant qu'il feroit poffible, à celui d'Angleterre, & fous la convention d'unir le pays à celui de la GrandeBretagne, par les nauds d'une alliance & d'une amitié parfaites.

Muni de ce titre, le chevalier Raleigh s'embarqua avec deux vaiffeaux, prit poffeffion de tout le pays, qui eft fitué entre le vingt-cinquième dégré de latitude & le golfe de Saint-Laurent.

Voulant faire fa cour à une reine qui montroit de l'averfion pour le mariage, il donna à cette terre, dont il fe rendoit fouverain, le nom de Virginie.

Après que Charles Ier eut été décapité, l'ufurpateur Cromwel envoya une efcadre de vaiffeaux contre la colonie qui vouloit reconnoître, pour chef de fon gouvernement, Charles II.

Cette colonie fit une grande faute en politique, en ne profitant pas d'une circonftance si favorable pour rendre toute fa force à la première charte, qui établiffoit fa fouveraineté & fon indépendance abfolues.

Cette démarche jufte & hardie n'auroit point effarouché Cromwel; il auroit été moins alarmé de voir la Virginie fe déclarer indépendante, que d'apprendre qu'elle offroit un afyle à Charles II, & reconnoiffoit fon hérédité au trône.

N'étant pas affez forte pour repouffer les forces de Cromwel, elle fit une capitulation dont voici les articles les plus importans:

» La Virginie & fes habitans feront fous la dé» pendance de la république d'Angleterre, non comme pays de conquête, mais comme tout pays qui fe rend volontairement, & ils jouiront » des mêmes priviléges & franchises que le peuple libre d'Angleterre.

» L'assemblée générale s'affemblera comme atiparavant, & dirigera les affaires de la colonie. » La Virginie aura la poffeffion & jouiffance de » l'étendue de territoire marquée par les anciennes. » limites & fpécifiée dans les chartes des rois pré

cédens. Les habitans de la Virginie auront par» tout & avec toutes les nations, la même li»berté de commerce que les Anglois.

ونو

» La Virginie fera exempte de taxè, droits ¿

impofitions de toute efpèce, & l'on ne pourra, » fans le confentement de l'affemblée générale, la → grever d'aucune charge, y conftruire des forts » ou châteaux, ni enfin y tenir des troupes fur » pied: