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rien pour multiplier les charmes de la vie, pour faire concourir au bonheur public les productions du génie, & celles de la fageffe, pour confolider la gloire nationale.

Que la liberté plus féconde que la tête qui donna le jour à Minerve, enfante tout à la fois & la force qui repouffe les ennemis, & la grace qui attire les alliés.

XVII DISCOURS.

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XVIIe DISCOURS.

JE

De la Conftitution de Venise.

E continuerai d'unir l'hiftoire de Venife à fa constitution, & de faire observer les événemens qui ont amené des changemens dans la forme de fon gouvernement; c'eft-là le feul moyen de bien connoître la caufe des inftitutions qui femblent bizarres ou contraires aux règles de la justice, lorsqu'on en ignore l'origine.

Nous avons laiffé Venife fous la domination du doge Participatio; ce chef qui avoit conquis les fuffrages de fes concitoyens par la victoire qu'il avoit remportée fur la florte de Pépin, gouverna la république pendant dix-huit ans, avec autant de fageffe que de fermeté; ce fut sous lui que la ville de Venife acquit l'étendue qu'elle a aujourd'hui, en faifant embraffer, par une même enceinte les foixante petites îles qui étoient au-tour de Rialte, & en établissant leur communication par des ponts jetés fur les canaux qui les féparoient.

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Les meilleurs princes ne font point à l'abri des haines, des confpirations; il en découvrit une tramée contre fa vie; il prévint les coupables, & Tome II. C

les fit condamner à mort. Ce grand exemple im prima affez de terreur pour que nul autre n'ofât attenter à ses jours, & du moins, il eut le bonheur, ce qui étoit rare alors, de ne fentir fermer fes yeux que par la main de la nature.

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Ses deux fils lui fuccédèrent, ce qui prouve que les Vénitiens n'avoient pas alors de l'éloigne

ment pour rendre la couronne ducale héréditaire. Le premier mourut, après avoir régné deux ans fans trouble & fans éclat. L'autre, après avoir donné des preuves de valeur, & avoir triomphé d'Obélerio, qui étoit revenu de Constantinople, lui difputer fa dignité, fut investi par des rebelles, dans une églife, enlevé & renfermé dans une prifon où il mourut peu de tems après fa captivité.

Sous le doge Tradénigo, la république effuya de grands malheurs & des pertes qui annoncent dans le huitième fiècle, elle étoit déjà parveque nue à un haut degré de puiffance; lâchement abandonnée par les Grecs, auxquels elle s'étoit réunie avec foixante vaiffeaux, pour aller attaquer celle des Sarafins, elle ne put foutenir, feule, les efforts de fes ennemis, & fa flotte fut prefque détruite.

Lorfque les Narentins & les Pirates de la Dalma tie eurent appris cette défaite, la foibleffe de Venife les enhardit, & ils fondirent, de concert, fur

fon pavillon; mais la république ne se laissa point abattre, & fe mit bientôt en état de faire la loi à ces brigands.

Le doge Tradénigo gouverna pendant trente ans; il devoit espérer de terminer heureusement fa carrière, mais il fut affaffiné en allant à l'église, malgré le zèle de fon cortége, qui ne put le fau ver des furieux qui fe précipitèrent fur lui.

La république qui, jufqu'alors, avoit laissé impunis les coupables dont les mains s'étoient trem+ pées dans le fang de fes chefs, parce qu'elle voyoit en eux des citoyens qui n'avoient attaqué que la tyrannie, fut fi indignée de l'attentat qui lui enlevoit un chef vénérable, qu'elle nomma trois commiffaires, auxquels elle donna plein pouvoir d'informer contre les coupables, & de les punir.

Ces triumvirs s'acquittèrent avec fermeté d'une commiffion fi importante; foutenus du zèle de tout les bons citoyens, ils parvinrent à découvrir les affaffins, qui furent arrachés de leurs retraites, traînés fur le lieu du fupplice, où le peuple, impatient & animé par la fureur, les mir lui-même en pièces.

Urfe Participatio, élu après cette fatisfaction rendue à la mémoire de fon prédéceffeur, forma une alliance avec Charles-le-Chauve, & fut le premier qui unit les armes de la république à celles des François. Son fils, en repouffant les Sarafins

qui avoient fait une attaque contre Grado, excita une fi vive reconnoiffance dans l'ame des Vénitiens, qu'ils l'affocièrent à la dignité de fon père.

A la mort de Charles-le-Chauve, l'empire d'Italie échappa à la couronne de France; plufieurs princes fe le difputèrent, entr'autres, Berenger, duc de Frioul, & Guy, duc de Spolète. Cette guerre ramena, fur cette belle contrée, tous les malheurs dont elle avoit été délivrée depuis le règne de Charlemagne.

Tandis que les deux principaux concurrens s'épuifoient pour régner fur des hommes qui ne favoient, ni fe gouverner, ni repouffer l'ufurpation, une nouvelle horde de barbares fe difpofoit à fondre fur eux. La froide & ftérile Scythie renfermoit encore dans fes glaces une colonie de monftres prêts à fe déchaîner, & à répandre la terreur & la mort fur les provinces du midi.

Ce fut au commencement du neuvième siècle, que parut tout-à-coup cette nation fauvage, que l'on appeloit Hungre, dont le nom s'eft depuis adouci avec les mœurs. A fon approche Berenger voulut lui difputer l'entrée du Frioul, mais fon armée ne put foutenir le choc de ces barbares, qui portèrent le fer & le feu fur leur paffage. Ils avoient appris, dans leur retraite, que les Vénitiens s'étoient enrichis par le commerce; & comme l'ardeur du butin étoit toujours le motif de leur

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