viendra un tems où les vérités les plus importantes à publier perdront tout leur effet & s'écouleront comme le menfonge.

Ce que j'ai dit pourroit peut-être fuffire pour mettre à même de juger de la bonté & des imperfections de la conftitution d'Angleterre; cependant je me propose de faire un examen suivi des reproches qui s'élèvent contr'elle, depuis que nous avons l'idée d'un gouvernement plus parfait. Qu'il me foit permis de remarquer, d'après ce que j'ai dit dans le discours précédent, relativement à la manière dont on procède au parlement d'Angleterre à la création d'un bill, qu'elle eft préférable à celle que nous avons adoptée pour produire un décret, & d'obferver qu'il eft de la plus grande importance, dans les assemblées légiflatives, de fe défendre d'un premier enthousiasme, d'une vive impulfion de bien public, qui nous emportent, quelquefois, au-delà du but auquel nous nous propofions d'atteindre.

C'est par cette raison que je defirerois qu'il y eût, dans notre corps législatif, un pouvoir régulateur, qui, en fufpendant pour un inftant fes arrêtés, les ramenât à la propre cenfure de l'autorité qui les auroit créés, & ce ne feroit qu'après cette nouvelle révifion qu'ils acquerroient le titre & la force de décrets. Si l'on eût suivi cette marche, aucun repentir, aucun regret, ne

fe feroient mêlés à l'ouvrage de la fageffe & du patriotisme: ainsi, par exemple, fi après avoir aboli la dixme eccléfiaftique & tari une des grandes fources du revenu du clergé, un comité de révision avoit rapporté l'arrêté, huit jours après qu'il fut rendu, eût expofé qu'il feroit d'une fageffe plus éclairée de réduire cette dixme à la vingtième gerbe, de la rendre uniforme, de la convertir en une dixme nationale, & de l'affecter aux frais du culte; s'il eût terminé ces obfervations par demander à l'Affemblée fi elle perfiftoit dans fon arrêté, peut-être la nation auroit-elle un revenu de plus de quarante millions qu'elle a perdu dans une feule nuit.

Si, lorfqu'on a rendu le décret qui accorde fept cents livres de penfion à des religieux mendians ce decret n'eût été qu'un fimple arrêté, le comité de révision auroit pu faire fentir que des hommes qui s'étoient condamnés à la plus grande frugalité, qui s'étoient expofés à ne fubfifter que des dons de la charité, qui ne rendoient rien à la nation, pouvoient s'éteindre dans leurs afyles avec le même revenu que l'on accorde aux zèlés défenfeurs de la chofe publique, nos représentans feroient moins embarraffés de trouver un mode d'impofition qui pût fe concilier avec les facultés des contribuables. On m'objectera, fans doute, que cette forme eût retardé la marche du corps légifla

tif;

tif; je répondrois que vingt bons & immuables décrets honorent plus une légiflature que cent, dont une partie l'expose à voir son fon ouvrage détruit par l'injustice de la multitude & le reffentiment de l'intrigue.

Dans un inftant où le grand fyftême d'égalité échauffoit tous les efprits, quelques individus avoient, dit-on, projeté d'enlever à de braves guerriers la décoration à laquelle ils attachent le plus de prix; dont l'espoir de l'obtenir a prolongé les fervices; qu'ils ont reçue avec transport; pour laquelle plufieurs d'entr'eux ont tenu l'état quitte de toute récompenfe pécuniaire. Certainement, fi une pareille motion s'étoit faite & eût été fuivie d'un décret, il auroit été bien à defirer que l'enthousiasme qui l'auroit enfanté eût fubi le calme de la réflexion, & n'eût pas porté rapidement la douleur dans le fein de ceux qui se seroient vus dépouillés de la preuve oftenfible de leur courage, & du baume honorable qui a été appliqué fur leurs bleffures.

Il est deux jouiffances précieufes dans la vie qu'il faut conferver à l'homme de bien, celle de s'honorer de la vertu de fes ancêtres, & celle de fe complaire dans celle de fes defcendans. Qu'on ne dife plus, je fuis noble, parce qu'un de mes ayeux l'a été; mais qu'on puiffe dire du

Tome II.

T

moins, mon nom eft honorable, parce que l'état a toujours reçu des fervices de ceux qui l'ont porté; & il ne ceffera de l'être que du moment où ceux auxquels je le tranfmettrai fe rendront inutiles à la patrie.

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X XVe

DISCOURS.

SUITE de la Conftitution d'Angleterre, de fes Tribunaux & de fa Situation politique avec les autres Puiffances.

Nous connoiffons les formes de la juftice

criminelle en Angleterre; nous allons voir ce que font les tribunaux, & quelles font leurs attributions.

Le premier, après la chambre haute, fe nomme la cour des plaids communs; il faifoit autrefois partie de la cour du roi, & fuivoit fa personne. Mais un des articles de la grande charte porte: qu'il fera permanent; fa réfidence eft à Westminster; il est composé du lord, premier Juge des plaids, & de trois autres juges; certe cour statue, en première inftance, fur tous les procès entre particuliers: les appels font portés à la cour du

ban du roi.

Le fecond tribunal eft la cour de l'échiquier; il connoît de tout ce qui regarde les revenus de l'état.

Le troisième s'appelle le ban du roi, c'est le wibunal dont l'attribution eft la plus étendue; il