Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][ocr errors]

SUITE de la Conftitution d'Angleterre, de fes Réglemens civils, de fon Code pénal & de la Liberté de la Preffe.

APRÈS avoir obfervé, dans la conftitution d'Angleterre, les trois parties effentielles à la fouveraineté, nous avons examiné en quoi confiftoit la liberté individuelle; nous avons vu que le citoyen pouvoit difpofer de fa fortune, de fon in→ duftrie, de fa perfonne; qu'il ne pouvoit être arrêté qu'en vertu d'un décret de la loi.

Je crois avoir éclairci la marche de la procédure criminelle, & en avoir fait connoître les formes je n'ai point cependant encore épuifé cette matière, il me reste à parler de la fameufe loi, connue parmi nous fous le titre d'habeas corpus. Cet acte qui eft regardé, en Angleterre, comme une feconde grande charte, parce qu'il ne laiffe, ni au roi, ni à aucun individu, de moyens d'attenter injuftement & avec impunité à la liberté d'un citoyen, fut accordé aux Anglois la trente-deuxième année du règne de Charles II; il tire fa dénomination des premiers mots qui font, habeas corpus

Tome II.

R

ad fubjiciendum; mais la traduction littérale de fon titre eft celle-ci: acte pour mieux affurer la liberté des fujets & prévenir la transportation au-delà

des mers.

[ocr errors]

Il réfulte des principaux articles de cet acte que tout prifonnier doit avoir une captivité connue & notifiée à des époques proportionnées à la distance des lieux, & que la plus longue de ces époques ne peut excéder vingt jours.

Tout officier ou concierge de prifon qui ne produira pas le prifonnier dans le tems fixé, qui ne lui délivrera pas, à lui ou à fon agent, fix heures/ après la demande, une copie de l'ordre de fon emprisonnement, ou qui le transportera d'une prifon dans une autre, fans une des raifons exprimées dans l'acte, eft condamné, pour la première fois, à une amende de cent livres fterlings; pour la feconde fois, à une amende de deux cents, & déclaré en outre incapable d'exercer fon office.

Un prifonnier, mis en liberté par un habeas corpus, ne peut être emprifonné de nouveau pour la même offenfe, à peine de cinq cents livres sterlings d'amende. Si une perfonne emprisonnée, pour trahifon, ou félonie requiert, dans la première femaine d'un terme, ou dans les premiers jours d'une affife, d'être jugée à ce terme ou à cette affife, on doit fe conformer à fa demande, à moins les témoins ne puiffent arriver dans l'intervalle; fi

que

on ne juge pas cette perfonne au fecond terme.ou à la feconde affife, elle doit être mise en liberté.

Ceux des douze juges, ou le lord chancelier lui-même, qui, fur la préfentation de l'ordre d'emprisonnement, ou fur ferment que les offi ciers de la prifon l'ont refufé, différeroient de délivrer ce qu'on appelle un writ d'habeas corpus, feroient condamnés à une amende de cinq cents livres fterlings.

Enfin, aucun habitant d'Angleterre (excepté ceux qui, après avoir été convaincus & jugés de→→ mandent à être tranfportés ) ne peut-être envoyé prifonnier en Ecoffe, en Irlande, à Jersey, Gernefey, ou dans aucune autre place au-delà de la mer; ceux qui exécuteroient un pareil emprifonnement & ceux qui y contribueroient feroient condamnés à une amende de cinq cents livres Sterlings, payeroient des dommages & intérêts triples de ceux qu'on accorderoit dans une autre occafion, & ne pourroient, pour les peines qu'ils auroient encourues, recevoir le pardon du roi. Tel eft l'efprit de cette loi fi importante en Angleterre, & que nous avons fi longtems enviée à cette puif fance rivale de la nôtre.

[ocr errors]

La vraie base de la liberté civile, dit Fergu

»fon, c'est le ftatut qui force le fecret de toutes

» les prifons, qui ordonne de révéler le fujet de

tout emprisonnement & de produire la per

[ocr errors]

» fonne de l'accufé, pour qu'il puisse, dans un » tems préfix, obtenir fon élargiffement ou fon jugement. Jamais on n'imagina de formalité plus fage, pour prévenir les abus du pouvoir;

رو

"

mais pour que l'effet en foit affuré, il ne faut » pas moins qu'un édifice tel que l'ensemble de » la constitution britannique, & un efprit national » tel que l'amour inquiet & turbulent de ce peuple fortuné pour fa liberté ».

[ocr errors]

Il exifte cependant, en Angleterre, une exception; elle est relative à l'accufation de haute trahifon. Si un homme préfumé coupable de ce qu'on appelle un haut crime, ayoit trouvé le moyen d'écarter les témoins, de forte qu'il fût impossible de le faire condamner par la loi, on pourroit porter contre lui un bill particulier, que l'on appelle bill d'atteindre; c'eft-à-dire, faire une loi fingulière fur fa perfonne; mais on y procède comme pour tous les autres bills; il faut qu'il paffe dans. les deux chambres, & que le roi y donne fon confentement, fans quoi il n'y a point de jugement. L'accufé peut faite parler fes avocats contre le bill, & on ne peut parler dans la chambre pour qu'il foit admis.

Il faut entendre, fur ce fujet, Montesquieu, les réflexions que nous pourrions préfenter n'auroient, ni cette majesté du génie, ni ces beaux écarts, ni cette profondeur politique qui caractérifent l'auteur de l'Efprit des loix.

« Il y a, dit-il, dans les états où l'on fait le » plus de cas de la liberté, des loix qui la violent » contre un feul, pour la garder à tous; tels » font en Angleterre les bills appelés d'atteindre, » ils se rapportent à ces loix d'Athènes, qui fta» tuoient contre un particulier, pourvu qu'elles fuffent faites par le fuffrage de fix mille citoyens;

[ocr errors]
[ocr errors]

ils fe rapportent à ces loix qu'on faifoit à Rome contre des citoyens particuliers, & qu'on appeloit priviléges, elles ne fe faifoient que dans les » assemblées du peuple; mais de quelque manière » que le peuple les donne, Ciceron veut qu'on » les aboliffe, parce que la force de la loi ne con» siste qu'en ce qu'elle ftatue fur tout le monde; j'avoue pourtant, continue Montefquieu, que » l'ufage des peuples les plus libres qui ayent jamais été fur la terre, me fait croire qu'il y a » des cas où il faut mettre pour un moment un » voile fur la liberté, comme l'on cache les sta»tues des dieux ».

[ocr errors]
[ocr errors]

Je laiffe à juger entre les deux opinions de Ciceron & de Montefquieu, j'oferai cependant dire que la dernière, fi elle n'étoit foumise à des formes légales, comme en Angleterre, pourroit avoir fon danger, & autorifer ces exécutions populaires dont nous avons eu horreur. Lorfque tant de cris ont récemment dévoué à la mort & prononcé impérieusement le jugement fatal de trois

« PreviousContinue »