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XXIII DISCOURS.

SUITE de la Conftitution d'Angleterre, de la Formation de fon Parlement, de la Prérogative royale & du Jury.

Nous venons de voir que les trois parties conftituantes du parlement d'Angleterre, font le roi, les fairs eccléfiaftiques, les pairs de l'Angleterre, les scize pairs élus par l'Ecoffe, & cinq cent cinquante-huit membres de la chambre des communes députés par les comtés, les bourgs & les villes.

Elles font toutes fi effentielles à la fouveraineté qu'aucun projet de loi ne peut se réalifer, fi une de ces parties s'y oppose, à moins qu'il ne s'agiffe des priviléges refpectifs des chambres où chacune doit juger pour elle

même.

C'eft en conféquence de cette exception, que les lords ne permettent pas que les communes s'oppofent à l'admiffion d'un pair de l'Ecoffe, & que les communes, de leur côté, ne souffrent pas que les lords puiffent juger de la validité de l'élection d'un membre de la chambre basse.

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Le pouvoir & la jurisdiction du parlement font fans bornes; c'est en lui que la conftitution a placé cette autorité abfolue qui, dans tous les gouvernemens, doit résider quelque part. «Il peut, dit » Blacftone, régler ou intervertir l'ordre de la » fucceffion à la couronne; il peut changer la religion établie, il peut créer de nouveau la conf»titution du royaume & celle du parlement

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même; l'acte d'union avec l'Ecoffe le prouve, » ainfi que plufieurs ftatuts qui ont rendu les » élections tantôt triennales, tantôt feptenaires ». L'Angleterre, difoit fouvent le grand tréforier Burleigh, ne pourra jamais être renversée que par un parlement.

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Hall obferve « que comme cette affemblée suprême ne peut être arrêtée par aucune autre jurisdiction, fi jamais elle adopte des principes » contraires à la liberté, les fujets de ce royaume » feront abfolument privés de tout fecours & de >> toute reffource ». Le fameux Locke eft d'un avis contraire: il prétend qu'il y a toujours un pouvoir fuprême inhérent dans le peuple, lequel peut changer la légiflature, lorfque cette législature trahit la confiance qu'on a placée en elle, car, dit-il

abufant de fon dépôt, elle le perd, & il revient à ceux qui l'ont confié. Cette idée grande appartient à un très-bon efprit, mais elle n'eft que théorique. Certainement fi un corps législatif ren

doit un décret tellement abfurde, tellement contraire à la nature, que l'opinion générale lui fût oppofée, le peuple renverferoit bientôt ce coloffe de puiffance qu'il auroit élevé; mais comme on ne peut pas fuppofer que trois autorités fe combinent & se concertent pour donner force de loi à une inftitution évidemment infensée, il y a lieu de croire qu'il ne se trouvera jamais une telle oppofition entre l'opinion du parlement & celle de la nation, que l'infurrection devienne tout-àcoup univerfelle, & que la puiffance paffive anéantiffe fes légiflateurs & s'élève fur leurs débris; ainfi le raifonnement de Locke eft celui d'un grand métaphysicien qui parcoure la vaste sphère de l'imagination. Nous ne le fuivrons pas dans fa courfe, & nous ne nous attacherons qu'aux réalités. Commençons par examiner les loix & les priviléges de la cour des pairs; en voici un qui ne paroît pas mériter une grande attention; mais qui prouve que les membres de cette chambre ont voulu fe montrer les rivaux du monarque, & marquer leur indépendance. Suivant la charte des forêts, & qui fut confirmée par Henri III, tout lord, fpirituel ou temporel, lorfqu'il a été convoqué, soit en fe rendant au parlement, foit en retournant dans fes terres, peut tuer un ou deux cerfs du roi à la vue des gardes-chaffe, s'ils font prè ›fens, & s'ils font absens, donner du cor, afin, pour

ainsi dire, de faire retentir les forêts de fon droit, & prouver qu'il n'a pas eu l'intention de s'approprier clandeftinement le gibier du roi.

Un fecond privilége moins vain & plus utile aux pairs, c'est celui qu'ils ont de se faire affister, dans leurs affemblées, par les juges de la cour du ban du roi, & de celle des plaids communs, & par les premiers barons de l'échiquier, afin qu'ils puiffent donner leur avis fur les matières de jurifprudence, & affurer aux procédures de leur chambre une forme plus légale & plus digne de leur féance.

Tout lord, avec l'agrément du Roi, peut donner fa procuration à un autre lord, pour qu'il difpofe de fon fuffrage en fon abfence; ce privilége, qui eft refufé aux communes, ne devroit pas être accordé aux lords, par la raifon qu'il réunit deux opinions dans une même tête, & parce que l'agrément du roi étant néceffaire, il eft à craindre qu'il ne l'accorde qu'autant que le fuffrage que l'on communiquera fera conforme à fa volonté.

Chaque pair a le droit, lorfque quelque chofe de contraire à fon avis a été déterminé dans l'affemblée, de faire inférer dans les journaux de la chambre fes proteftations avec les raifons qui les

mot vent,

Tous les bills qui, par leur conféquence, pourroient affecter les droits de la paitie, doivent,

fuivant l'usage du parlement, prendre naissance dans la chambre des pairs, & ne peuvent effuyer aucun changement dans celle des communes.

Voilà quelques priviléges particuliers à la chambre haute, mais la chambre basse en a un bien plus important, c'est celui que tous les dons, subsides, ou aides parlementaires y foient d'abord propofés, que ce foit elle qui les accorde la mière, quoiqu'ils ne puiffent avoir leur effet qu'a près qu'ils font revêtus de l'approbation des deux autres parties du parlement.

pre

La chambre des communes fonde ce privilégè fur un motif qui n'eft pas exact dans toute fon étendue; elle prétend que les fubfides étant levés sur le peuple, il est juste que par ses représentans, il ait le droit de fe taxer lui-même; on pourroit répliquer à la chambre des communes que les lords ont auffi des terres confidérables qui fupportent les mêmes taxes que celles des autres propriétaires représentés par les députés du peuple, mais là véritable raison, & qui eft prife dans l'efprit de la conftitution, c'est celle-ci: que les pairs étant un corps permanent, héréditaire, dont une partie eft créée par la volonté du Roi, ils font cenfés être plus fujets à l'influence de la couronne que les communes qui font un corps électif formé par le choix du peuple, & qui n'ont qu'une existence limitée.

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