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TROISIÈME ÉTUDE

SUPPRESSIONS & CRÉATIONS DE COMMUNES; STATISTIQUE DES
PETITES COMMUNES EN FRANCE & EN ITALIE ;
UNIONS DE PAROISSES DE L'ANGLETERRE NON APPLICABLES
AUX COMMUNES DE FRANCE.

Comme l'auteur de la communication au cours de laquelle j'ai eu l'honneur de demander la parole 1, je crois qu'il existe en France un nombre trop considérable de petites communes. J'estime comme lui que cette extrême division de l'unité communale est pleine d'inconvénients administratifs et financiers. Elle dissémine les ressources; elle augmente les dépenses; elle disperse les intelligences; elle émiette la vie communale; elle amène une regrettable déperdition de forces.

Mais en partant du même point de départ et de cette idée commune, j'ai le regret de ne pouvoir suivre l'honorable auteur

1. Réponse faite, dans la séance de la Société de Statistique de Paris du 17 février 1886, à une communication relative aux petites communes en France et en Italie.

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de la communication 1 dans les conséquences qu'il croit devoir en tirer, et de différer entièrement de manière de voir sur les trois points essentiels qui ont fait l'objet de ses développements.

La question des petites communes soulève, en effet, deux questions préalables et nécessaires, celle de leur diminution par voie de suppression, et celle de la convenance de ne point créer de petites communes nouvelles. A ces deux questions, qui n'ont jamais cessé d'être à l'ordre du jour dans le pays, suppression et création de communes, l'honorable auteur de la communication a ajouté une troisième question, celle de l'association des communes, qui lui paraît un remède souverain aux inconvénients de l'émiettement communal.

Tout d'abord, il nous est difficile de trouver un enchaînement logique entre le point de départ et les deux premières des trois propositions suivantes qui résultent de la communication: 1o que, malgré les inconvénients résultant de la multiplicité des petites communes, il ne convient pas d'en diminuer le nombre par voie de suppression; 2° qu'il peut être même de bonne administration d'en créer de nouvelles; 3° que l'association des communes, saura remédier à tous les inconvénients.

Nous croyons à la fois plus logique et plus exact de dire que, puisque les petites communes sont trop nombreuses en France, il est de bonne administration : 1° de ne pas renoncer à en diminuer le nombre par voie de suppression; 2o de renoncer au contraire à en créer de nouvelles ; et 3° de ne pas modifier une loi municipale qui date d'hier pour y introduire des dispositions relatives aux associations de communes que le législateur a déjà discutées et rejetées comme dangereuses et destructives de l'unité communale.

Nous devons nous expliquer sur chacun de ces trois points.

1. M. de Crisenoy, ancien directeur des affaires départementales et communales au Ministère de l'Intérieur (Journal de la Société de Statistique de Paris, 1886, nos 4 et 6).

I

Suppressions de communes; statistique des petites communes
en France et en Italie.

Nous ne méconnaissons point les ménagements qu'il convient de garder en cette matière. Mais nous n'admettons pas qu'il n'y ait plus rien à faire dans le sens des suppressions de communes; nous ne croyons pas à l'impossibilité alléguée.

Au point de vue exclusivement pratique, nous tenons pour constant que la création des associations de communes jetterait dans l'administration locale un trouble autrement grand que des suppressions de petites communes faites prudemment, en profitant des occasions, en tenant compte des circonstances de temps, de lieux et de personnes, comme c'est le devoir et le talent de l'administrateur. Il ne s'agit nullement d'ordonner des suppressions en masses, ni de communes de moins de 300, ni même de communes de moins de 100 habitants. Il s'agit seulement d'orienter dans le sens des suppressions favorables l'administration du pays; et cela est pratique et possible, aujourd'hui comme avant 1865, sans secousse politique et ministérielle.

Les suppressions faites en Italie sur une importante échelle prouvent que ces suppressions n'apportent pas les bouleversements redoutés; et si le mouvement s'y est ralenti, rien n'autorise à dire qu'il n'y doive pas reprendre sa marche, bien que l'émiettement communal n'existe nullement dans ce pays où les communes sont grandes en règle générale.

Chez nous, les 44,000 communes créées par l'Assemblé constituante laissaient à la pratique utile des suppressions une marge singulière. Il y a eu, à ce point de vue, deux périodes principales, correspondantes à deux courants en sens contraire.

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Les faits eux-mêmes donnent la preuve qu'il est possible de supprimer des communes sans bouleverser l'administration locale. De 1805 à 1865, en effet, 8,000 communes ont été supprimées en France. Sans doute, pendant la seconde partie de cette longue période, le mouvement s'est ralenti ; cependant, de 1830 à 1865 il y a eu encore 1,108 suppressions de communes.

A partir de 1865, les créations de communes nouvelles l'emportent sur les suppressions. Il n'y a plus, de 1865 à 1872, que 23 suppressions, et de 1872 à 1881, que 4 seulement.

Est-ce à dire qu'il n'y ait plus de suppressions à faire en France? Ce n'est pas seulement la théorie qui va répondre à cette question; c'est la statistique, et vous savez qu'il n'y a pas de science plus pratique que celle-là.

C'est elle qui va nous dire s'il est vrai de prétendre que toutes les suppressions possibles ont été faites. La statistique montre au contraire qu'il y a de nos jours les mêmes raisons, sans violence et sans brusquerie, de faire des suppressions nouvelles et toujours désirables.

Sur nos 36,097 communes, il y en a 31,505 qui ont moins de 1,500 habitants; et sur ces 31,505 communes de moins de 1,500 habitants, il y en a 16, 870 de moins de 500 habitants.

Vous voyez comme la différence est grande entre la situation de la France et celle de l'Italie. En Italie, sur 8,259 communes il n'y a que 693 communes dont la population soit inférieure à 500 habitants. En France, nous en avons 16,870. En Italie, c'est une exception; en France c'est la catégorie de communes la plus nombreuse; elle n'est pas loin de former à elle seule la moitié des communes de France.

Voici comment elle se décompose :

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