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légataire universel, mais ayant seulement usé du mot de Rappel, il vint partager par moitié tous les meubles et tous les acquêts, et le quint des propres, avec une personne que le testateur a nommée son seul légataire universel. L'un serait contre la disposition de la coutume, et l'autre contre l'intention du testateur; au lieu que notre décision s'accommode à l'une et à l'autre, en considérant l'arrière-neveu comme légataire d'une part héréditaire à prendre sur le legs universel ».

IV. De ce que le Rappel d'un petit-neveu ne peut valoir que comme legs, peut-on conelure que le rappelé doit jouir, envers le neveu avec lequel le testateur a voulu le faire concourir, de tous les avantages qui résultent d'une pareille disposition, et par suite, que celui-ci est obligé de se restreindre aux réserves coutumières?

Cette question vient d'être jugée à la grand'chambre du parlement de Paris, entre M. de Souchon-Despréaux, conseiller au parlement de Provence, et la comtesse du Chey, tutrice de sa fille mineure. Voici le fait tel qu'il est rapporté dans la Gazette des tribunaux.

<<< Louis-Joseph Lemaître, marquis de Ferrières; mort à Paris au mois d'octobre 1781, ágé de quatre-vingts ans, était fils de Gilles Lemaître, marquis de Ferrières, décédé en 1716. Celui-ci avait eu sept enfans, trois garçons et quatre filles. Deux de ces filles seulement ont laissé de la postérité. L'aînée des deux filles a été mère de M. Despréaux, qui, neveu du dernier mort (de cujus), était seul héritier collatéral plus proche; l'autre fille de Gilles Lemaître, avait eu un fils, le comte du Chey, décédé il y a quelques années, laissant une seule fille qui, petite-nièce du défunt, était exclue de sa succession.

>> C'est dans cette position que le marquis de Ferrières, qui avait conservé une égale affection pour les deux branches de sa famille, fait, pardevant notaires, le 8 août 1781, un testament ainsi conçu: Je reconnais pour mes héritiers M. Despréaux, conseiller au parlement de Provence, mon neveu, et mademoiselle du Chey, ma petite-nièce, que je rappelle à ma succession, pour y prendre tout ce que les coutumes de la situation de mes biens me permettent de leur donner.

>> Une contestation s'élève entre M. Despréaux et la demoiselle du Chey, sur l'exécution de ce testament.

>> La demoiselle du Chey, sous prétexte que le Rappel extrà terminos juris ne fait pas d'héritier, et ne peut faire qu'un l'égataire,

prétend avoir, dans cette disposition, un legs universel en sa faveur, de tout ce que les coutumes de la situation des biens permettaient au testateur de donner, ce qui rédui sait M. Despréaux aux quatre quints des propres.

>> M. Despréaux, au contraire, soutient que la véritable intention du testateur, également attaché aux deux branches de sa famille, n'avait été que de faire un Rappel, dont l'effet était de relever la personne de la déchéance du degré, et de la remettre à la place où son père avait été, pour lui faire prendre, dans la succession, tout ce que son père, vivant, aurait pris lui-même.

>>> La cause portée aux requêtes du palais, et plaidée contradictoirement par M. de Bonnières, pour M. Despréaux, et M. Target, pour la demoiselle du Chey, il est intervenu, le 24 juillet 1782, sentence qui ordonne que le testament du marquis de Ferrières sera exécuté selon sa forme et teneur; en conséquence, qu'il sera procédé au partage des biens de la succession, conformément aux dispositions des coutumes où sont situés ces biens, dépens entre les parties compensés.

>> La demoiselle du Chey, toujours attachée å son système, quoique rejeté par la sentence, en a interjeté appel en la cour. La cause a été plaidée de nouveau par les mêmes avocats; des mémoires et des consultations savantes ont paru de part et d'autre sur l'étendue et l'effet du Rappel intrà vel extrà terminos juris.

>> Enfin, les juges se sont déterminés par l'intention apparente du testateur: il n'aurait pas (se sont-ils dit à eux-mêmes) manqué de déclarer purement et simplement qu'il instituait la demoiselle du Chey, sa pitite-nièce, så légataire universelle, si telle eût été sa volonté; en déclarant, au contraire, qu'il la rappelait à sa succession, il n'a vraisemblablement voulu lui donner qu'une part égale à celle de son neveu, la même que le père de la demoiselle du Chey aurait prise, s'il eût vécu.

Par arrêt du 30 janvier 1783, la sentence, a été confirmée, et l'appelante condamnée aux dépens ».

ART. VI. 1o Le Rappel en ligne collatérale est-il révocable au gré de celui qui l'a accordé ?

2o La révocation en est-elle opérée de plein droit par le prédécès de ceux avec qui elle tendait à faire concourir les rappelés?

Les principes, sur la première de ces

questious, sont les mêmes pour la ligne collatérale que pour la ligne directe.

Ainsi, on doit tenir pour constant que le Rappel est irrévocable, lorsqu'il est fait par contrat de mariage; et qu'il peut toujours être révoqué, quand il est établi par un acte ordinaire. Ce dernier point a été confirmé par un arrêt du 27 mai 1582, rapporté dans le recueil de Robert, liv. 3, chap. 16; quoique, dans l'espèce dont il s'agissait, le Rappel eût été revêtu de toutes les formalités d'une donation entre-vifs et stipulée irrévocable.

II. On a vu ci-devant que la coutume de Montargis ne permet le Rappel que du consentement des héritiers présomptifs. Lorsque ce consentement est une fois donné par une personne majeure, est-il au pouvoir de celleci de le révoquer, et par ce moyen d'anéantir le rappel?

Non: la révocation ne peut plus alors être faite que par celui à qui il s'agit de succéder; c'est la remarque de Dumoulin sur l'art. 249 de l'ancienne coutume d'Orléans, qui était conforme à celle de Montargis: Qui semel consenserunt, non possunt ampliùs pænitere, nisi eum de cujus successione agitur pœniteat. La raison en est que ce consentement étant accepté par le testateur, forme une espèce de pacte entre lui et son héritier.

De là vient, dit Dumoulin sur la coutume de Montargis même, queles héritiers de celui qui, après avoir consenti au Rappel, est mort avant le testateur, sont liés comme l'était leur auteur : sed heredes qui consenserunt, et posted præmoriuntur, ligantur pacto.

eorum

Guyné fait, sur cette note, une observation qui mérite d'être examinée : « Elle est bonne >>> (dit-il), mais elle me paraît inutile; car ce >> Rappel ne pourrait être valable en colla>> térale, que dans les degrés de représenta. >> tion, c'est-à-dire, jusqu'aux enfans des > frères : or, les héritiers de ceux qui au>> raient donné leur consentement au Rappel, >> ne pourraient être eux-mêmes que les enfans des frères qui se trouvaient au même >> degré que les rappelés; et par conséquent >> ils ne pourraient pas confondre leur droit ». Cela suppose que le Rappel des neveux s'éteint par le décès des frères; et que, dans ce cas, les enfans de ceux-ci et les rappelés doivent tous venir à la succession, non par souches, mais par têtes. « La raison en est >> (dit Pothier) que le Rappel n'est fait que >> pour suppléer la représentation que la cou>> tume n'a pas admise; d'où il suit que le >> neveu, fils du frère prédécédé, n'ayant

>> plus besoin de représentation par le décés >> arrivé du frère qui restait, il ne doit plus » y avoir lieu au Rappel ».

Pothier convient cependant que la question n'est pas sans difficulté; il parait même, par le ligantur pacto de Dumoulin, que ce grand homme pensait tout autrement. Mais son opinion n'est, à cet égard, qu'une suite de celle qu'il avait embrassée pour le partage par souches entre les neveux, qui, dans les coutumes de représentation, succèdent sans concours de frères ni d'oncles du défunt. Aussi n'a-t-on pas plus suivi l'une que l'autre.

Écoutons Lebrun raisonnant sur une espece où des neveux rappelés voulaient exclure d'autres neveux non rappelés, quoique les frères ne succédassent point:

« Il est bien vrai que l'effet de la représentation, et par conséquent du Rappel qui vient au défaut de la représentation, est de faire monter d'un degré celui qui représente; mais cet effet cesse en collatérale entre cousins-germains, où il n'y a plus sujet de réprésentation, ni par conséquent de Rappel. Ce serait étendre la fiction au-delà de ses bornes, et la faire survivre au sujet pour lequel elle est faite, que de vouloir qu'un oncle ayant rappelé ses neveux d'une branche, pour les faire succéder avec ses frères qui les auraient exclus faute de représentation, selon la coutume (de Senlis), ce Rappel eût lieu lorsque les frères ne sont plus en état d'exclure les neveux. Cependant il est de règle que la fiction ne survit point à sa cause et à son objet: ce qui se vérifie dans les stipulations de propres, où les deniers réalisés étant parvenus aux dernières personnes en faveur de qui les réalisations ont été faites, reprennent leur ancienne nature de deniers mobiliers.

>> En un mot, le Rappel n'a pas plus d'effet que la faculté de représenter; or, il n'y a plus de représentation en collatérale, dės qu'il ne reste que des cousins-germains, n'y ayant point en cette ligne d'autre représentation actuelle.

>> Il est vrai que le défunt avait préféré en cette espèce une branche à l'autre; mais on peut dire qu'il n'avait pas tant préféré cette branche, qu'il avait affecté que cette branche ne fût pas exclue par ses deux frères. Et cette interprétation de sa volonté doit prévaloir, parcequ'elle produit l'égalité entre les cousins que la nature a égalés ».

Il faut cependant convenir qu'il y a dans le Journal des audiences, tome 1, liv. 4, chap. 31, édition de 1733, un arrêt qui pa

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rait ne pas s'accorder avec ces principes. Voici les termes dans lesquels il est rapporté: << Un chanoine d'Amiens, nommé Devérité, ayant deux sœurs et cinq neveux d'un sien frère décédé, avait ordonné, par son testament, qu'il voulait que ses neveux vinssent à sa succession par souches avec ses deux

SECTION II. Du Rappel considéré comme un remède à l'exhérédation.

I. La révocation d'un acte qui prononce l'exhérédation, peut se faire expressément ou tacitement. On a établi à ce sujet, sous le mot Exhérédation, des principes et des maximes qu'il est inutile de répéter ici.

sœurs.

>> Depuis, les deux sœurs ayant prédécédé le testateur, les neveux ont prétendu, contre les enfans de leurs tantes qui n'étaient que deux en chaque souche, qu'il fallait partager la succession de leur oncle par têtes, et non par souches, d'autant plus que le cas de la disposition du défunt, selon laquelle il échéait de partager par souches, n'étant pas arrivé, il fallait suivre l'ordre des suc. cessions ab intestat, et partager les biens du défunt par têtes.

» Les enfans des deux sœurs, qui emportaient à deux autant que les cinq neveux, soutinrent la disposition de leur oncle bonne et valable; que ce n'était point un partage qu'il avait voulu faire par son testament, mais donner et léguer à chaque souche une quote part, et que disposition devait avoir lieu per modum legati; et ainsi jugé en 1612 par arrêt donné au rôle d'Amiens ».

sa

Le seul moyen de concilier cet arrêt avec

les maximes établies par Lebrun et Guyne, serait de dire que la coutume d'Amiens admet la représentation en ligne collatérale; qu'ainsi, les neveux du sieur Devérité n'avaient pas besoin du Rappel pour venir à sa succession; que, dans le fait, il ne les avait point rappelés; qu'il avait seulement ordonné qu'ils partageraient par souches avec ses deux sœurs; que, par là, il les avait rendus légataires de leur portion afférente; qu'on ne pouvait supposer ce legs anéanti par la mort. des deux sœurs; que c'eût été faire dire au testateur une chose à laquelle il avait pu ne point penser; qu'il était même permis de croire qu'il eût disposé comme il l'avait fait, s'il eût su que ses deux sœurs devaient mourir avant lui; qu'enfin, ce n'est point par des conjectures qu'on peut détruire une disposition claire; et que, dans le doute, il faut toujours s'en tenir à la lettre d'un tes

tament.

[[ §. III. État actuel de la législation sur le Rappel, tant en ligne directe qu'en ligne collatérale.

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« La raison de douter (dit Lebrun) est que, dès que le père rappelle, il est dû à son fils une légitime, laquelle ne peut être grevée d'aucune condition, suivant la loi 32, C. de inofficioso testamento, et la novelle 118, chap. 3. Aussi le fils n'est pas encore exclu par l'exheredation, parceque le père peut toujours la révoquer; et, même après sa mort, l'exhérédé est saisi de sa part afférente, jusqu'à ce que l'exhérédation soit confirmée; au moins la coutume de Berry, tit. 18, art. 4, le dit ainsi.

>> A quoi l'on peut ajouter que le Rappel est un acte légitime qui n'est point susceptible de condition, comme il est dit de l'exhérédation dans la loi 3, §. 1, D. de liberis et posthumis ».

Malgré ces raisons, Lebrun décide que le Rappel est susceptible de toutes les conditions qu'y veut apposer le père, « parcequ'il fait >> venir à la succession celui qui en serait >> exclu par son exhérédation, laquelle étant >> supposée juste et bien méritée, il faut que >> le fils qui ne pourrait pas se plaindre de >> l'exhérédation, se soumette aux conditions >> du Rappel; et en ce cas, le père n'est point >> réputé grever sa légitime, puisqu'il n'en >> est dû aucune au fils qui a été justement >> déshérité ».

Sur quoi, en effet, est fondée la défense de grever la légitime? Sur le principe, que ce n'est point de la main de son père, mais de celle de la loi, que le fils reçoit cette portion. Or, dans le cas d'une exhérédation prononcée pour l'une des causes de droit, la loi ne donne point de légitime au fils: il tient tout de l'indulgence de son père, et il ne peut pas diviser le Rappel sans le détruire.

Lebrun ajoute que sa décision est conforme à un arrêt du 20 juillet 1611, dont il rapporte ainsi l'espèce:

<< Jacques Bonel ayant déshérité Louis son fils, pour un mariage qu'il avait contracté contre son avis, avait fait depuis un acte de V. l'article Institution contractuelle, S. 6, révocation, par lequel il rappelait son fils, à la charge et condition qu'il ne pourrait ven

no 8, à la fin.]]

dre ni atiéner les biens qui lui viendraient de sa succession, lesquels seraient partagés, après son décès, entre ses enfans, en la manière ordinaire; nonobstant laquelle clause, les créanciers du fils ayant saisi les effets de Ia succession, les enfans du même fils appellent de la saisie.

>> D'un côté, les créanciers disent qu'il leur faut donner la légitinte du fils exempte de toutes conditions, parcequ'on la doit telle aux créanciers du fils à qui on l'a substitué......

>> D'autre part, les enfans du fils disent que leur aieul a pu apposer au Rappel telles conditions que bon lui a semblé....

» Et par l'arrêt, la cour déclara la propriété des biens en question appartenir aux petits-enfans, sauf aux créanciers du fils de se pourvoir sur son usufruit ».

III. Le rappel tacite ne résulte pas toujours du pardon que le père accorde à son fils; on l'a prouvé clairement au mot Exhérédation, et il y a un arrêt, du 27 avril 1650, qui le juge ainsi :

<< Riolan fils (dit Lebrun) ayant mérité, par un mariage indigne, d'être déshérité par son père et sa mère, et ayant été présenté à son père mourant par le curé de sa paroisse, qui demanda pour lui la bénédiction paternelle, on jugea, par cet arrêt, que cette réconciliation ne suffisait pas pour révoquer l'exhérédation du père. Au contraire, le même Riolan ayant assisté depuis sa mère pendant trois semaines de maladie, on jugea par le même arrêt, que ses services assidus avaient déraciné du cœur de la mère toutes sortes de ressentimens, et qu'elle lui avait donné en mourant une bénédiction pleine et absolue, qui le rendait capable de venir à sa succession.

» Il y a un semblable arrêt dans Peleus, question 24 ».

On a vu à l'article déjà cité, que M. d'Aguesseau regardait comme certaine l'opinion qui autorise un père à laisser subsister l'exhérédation, tandis qu'il remet à son fils l'injure qu'il lui a faite. Cette opinion a été singulièrement discutée et enfin confirmée dans une cause jugée au parlement de Bretagne le 2 août 1763.

M. Huchet de La Bedoyère, premier avocat général de la cour des aides de Paris, fils aine de M. de La Bedoyère, procureur général du parlement de Bretagne, épousa, le 21 janvier 1744, la demoiselle Sticoti, fille d'un acteur de la comédie italienne. Il avaittrentecinq ans accomplis lorsqu'il contracta ce mariage. Il ne fit point de sommations respec.

tueuses, et d'ailleurs il n'avait ni demandé ni obtenu le consentement de ses parens.

Le 2 mars suivant, M. et madame de La Bedoyère, père et mère, prononcèrent, par un acte mutuel passé devant notaires, une exheredation contre leur fils aîné. Ils y « dé>> clarent qu'ils le déshéritent et sa postérité, » pour avoir contracté mariage, ainsi qu'ils >> l'ont appris par des tierces personnes, sans » avoir en aucune façon requis leur consen> tement, voulant même et entendant qu'ou >> il arriverait que ledit mariage fût déclaré > nul et abusif, soit à leur poursuite, soit » à celle de leurdit fils lui-même, soit par >> quelqu'autre voie, la présente exhérédation >> ait toujours son plein et entier effet».

En 1745, le père et la mère attaquerent le mariage de leur fils aîné et demandérent qu'il lui fût fait défenses de le réhabiliter : des vices de forme dans ce mariage, donnèrent lieu à un arrêt qui le déclara abusif, mais qui, sur la demande à fin de défenses de le réhabiliter, mit les parties hors de cour.

Le 9 janvier 1754, M. de La Bedoyère réhabilita son mariage après avoir obtenu, le 20 novembre précédent, main-levée des oppositions de son père et de sa mère. Plu

sieurs lettres de la comtesse de Grego, sa

cousine-germaine, de la dame de La Bedoyere, religieuse à Saint-Georges, sa tante, du sieur Dumoutiers, ami de son père, lui annonçaient que son père et sa mère faisaient dépendre sa reconciliation avec eux de cette rehabilitation canonique, mais qu'ils ne voulaient pas paraître y donner les mains; que la voie qu'il avait à prendre, était d'obtenir une sentence de main-levée de leur opposition, et qu'ils s'engageaient à n'en point interjeter appel.

Cependant il s'est trouvé deux actes, l'un du 20 août 1753, l'autre du 18 février 1754, par lesquels le père ratifiait l'exhérédation, et donnait pour cause, dans le premier, l'intention de son fils de réhabiliter son mariage, et dans le second, le fait même de la réhabilitation.

M. de La Bedoyère fils partit, à la fin de 1758, pour aller trouver son père en Bretagne et se réconcilier avec lui; il amena ses deux enfans, garçon et fille. Son père les reçut tous trois avec bonté, les conduisit à la campagne, et proposa un acte qui assurat à cette famille un sort honnête, mais sans se départir de l'exhérédation.

Enfin, le 28 janvier 1759, M. de La Bedoyère fils consentit à signer un autre acte, par lequel son père et sa mère assuraient à ses enfans nés et à naitre, par donation entre

vifs, une somme de 250,000 livres, que le comte de la Bedoyère, leur fils puiné et seul héritier, serait, en cette qualité, chargé de placer, après leur mort, en fonds de terre en Bretagne, au denier de la coutume. Ils déclaraient en même temps que tous les témoignages dè bonté et d'affection qu'ils donneraient ou pourraient dans la suite donner à leur fils, à sa femme et à ses enfans, ne pour raient anéantir ni modifier l'exhérédation, si ce n'est qu'ils en eussent fait la révocation expressément et par acte en forme.

A la suite de cet acte, M. de La Bedoyère fut reçu chez son père et sa mère avec toutes les marques de la plus tendre amitié; ils lui dirent même que tout était oublié, que tout était pardonné.

Il reçut d'eux le même accueil dans un second voyage qu'il fit en 1759, mais toujours en protestant de la part du père, par des actes, qu'il n'entendait pas déroger à l'exhérédation.

Après la mort de son père, M. de La Bedoyère attaqua l'acte du 28 janvier 1759, prit subsidiairement des lettres pour le faire rescinder, et demanda à faire preuve que son père lui avait fait écrire de réhabiliter son mariage, ainsi que de tous les faits de réconciliation dont on vient de parler.

Mais par sentence du présidial de Rennes, M. de La Bedoyère a été débouté de toutes ses demandes, et il a été ordonné que l'acte de 1759, et tous ceux qui établissaient l'exhéredation, seraient exécutés suivant leur

forme et teneur.

M. de La Bedoyère s'est rendu appelant de cette sentence; mais elle a été confirmée par arrêt rendu à la grand'chambre du parlement de Bretagne, le 2 août 1763.

[[ IV. Tout cela est aujourd'hui sans objet, parcequ'un père ne peut plus, en aucun cas, déshériter ses enfans. V. l'article Exhéréda

tion. ]]

mules de Maculphe, liv. 2, chap. 12, un père qui les traite d'impies, et y déroge par le Rappel. Voici la traduction littérale de cette formule : « C'est parmi nous une >> coutume ancienne, mais impie, que les >> sœurs sont exclues par leurs frères des >> biens paternels: pour moi, frappé de cette >> impiété, comme vous m'avez tous été éga>> lement donnés par le souverain être, je >>> veux que vous ressentiez aussi tous égale>> lement les effets de mon affection, et qu'a>> près ma mort, vous partagiez entre vous >> par portions égales les biens que je laisserai. >> C'est pourquoi, ma chère fille, je veux, par >> ces présentes, que vous soyez mon héritière >> égale et légitime à l'encontre de vos frères, >>> mes fils; en sorte que vous preniez une >> part virile dans tout ce qui se trouvera >> après mon décès, tant en alleux paternels » qu'acquêts, esclaves, argent comptant et >> autres effets quelconques »....

L'exclusion légale des filles n'est plus aujourd'hui de droit commun. Les seules coutumes qui l'admettent, sont celles de Normandie, d'Auvergne, de la Marche, de Bourbonnais, de Poitou, de Touraine, de Lodunois, du Maine, d'Anjou, de Toulouse, de Nivernais, de Bretagne, de Bourgogne, et quelques autres.

Ces coutumes ne sont pas uniformes dans leurs dispositions. Celle de Normandie porte, art. 248, qu'en « succession de propres, tant » qu'il y a máles ou descendans de máles, les >> femelles ou descendans de femelles, ne peu>> vent succéder ». Ce texte ne parle, comme l'on voit, que des propres; à l'égard des meubles et acquêts, la coutume n'en exclud les filles que quand elles sont mariées: Et si rien ne lui fut promis lors de son mariage, rien n'aura. Ce sont les termes de l'art. 250. (V. l'article Mariage avenant).

Les autres coutumes ne distinguent pas les propres des meubles et acquêts, et n'en différent dans un point essentiel.

SECTION III. Du Rappel considéré éxcluent que les filles mariées. Mais elles

comme un remède à l'exclusion coutumière des filles.

L'usage du Rappel est aussi ancien que celui de regarder les filles comme inhabiles à succéder tant qu'il y a des males. La loi salique portait que de terrá salicá nulla portio venit mulieri, sed ad sexum virilem tota terræ hereditas pervenit. La loi ripuaire con tenait la même disposition: Sed dùm virilis sexus exstiterit, fæmina in hereditatem non succedat. Des lois aussi rigoureuses ne pou vaient manquer d'exciter la réclamation de la nature; aussi voyons-nous dans les for

Les unes, telles qu'Auvergne, confondent le cas où la fille n'a rien reçu en se mariant, avec celui où elle a été dotée convenablement, et, dans l'un comme dans l'autre, la privent, comme celle de Normandie, de tout droit de succession: les autres, telles que Bourbonnais et Bretagne, ne prononcent l'exclusion que quand la fille a été dotée et suffisamment apanagée.

Ces notions supposées, entrons dans le détail des principes et des règles qui concernent l'espèce de Rappel dont il s'agit ici, et examinons

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