conditions apposées par la coutume de Vitry à la faculté qu'elle accorde d'y déroger, doivent plutót être étendues que restreintes. « Mais >> ici (dit Ricard) où il est question de la res>>triction d'un droit doublement rigoureux, >> puisqu'il ne se contente pas de rejeter la >> représentation en un cas admis par le droit >> commun, mais même lie la volonté de celui >> de la succession duquel il s'agit, en sorte >> qu'il la fait dépendre de celle de ses héritiers, >> on doit restreindre cette coutume tant que >> l'on peut, et prendre pour consentement >> le silence de celui dont il est requis ». V. Lorsque ce consentement est donné par une femme mariée, faut-il qu'elle y soit autorisée par son mari? Chopin, sur la coutume de Paris, liv. 2, tit. 1, no 18, et après lui l'Hoste et Ricard, soutiennent que l'autorisation n'est pas né cessaire. Mais ils se fondent sur un faux principe. Ils prétendent que la femme est d'ellemême habile à contracter, et qu'elle n'a besoin d'autorisation qu'à cause de l'intérêt de son mari dans les actes qu'elle passe. Il n'est personne aujourd'hui qui doute du contraire. V. l'article Autorisation maritale. VI. A l'égard du Rappel extrà terminos juris, c'est une question s'il peut être fait par un simple acte, comme le Rappel intrà terminos juris, ou s'il exige essentiellement les mêmes formalités que les dispositions à cause de mort. On trouve dans les observations de Brodeau sur Louet, lettre R, $. 9, un arrêt du 28 février 1634, rendu par la coutume de Blois, qui a adopté le premier parti, en jugeant valable par forme de legs, un Rappel consigné dans une simple déclaration passée devant notaires. Ricard suppose, à la vérité, que cette déclaration était revêtue de toutes les formalités requises pour un testament. «Mais il est difficile (dit Guyne) d'admettre cette conjecture. >> 1o On ne presume pas volontiers contre l'usage, et dans l'usage on ne met pas dans les déclarations qui se font devant notaires, les termes ni les formalités requises pour la validité des testamens. » 2o Cette présomption serait contraire à ce qu'en rapporte Brodeau : il dit qu'il s'agissait d'un Rappel fait, non par testament, mais par un simple acte de déclaration passée devant notaires. Une déclaration revêtue des formalités d'un testament, ne passerait pas pour un simple acte; ce serait un véritable testament ». TOME XXVI. Mais cet arrêt peut-il former une régle générale, et doit-on s'en tenir à sa décision? Guyné soutient l'affirmative; et, pour la justifier, il tache d'établir que le Rappel extrà terminos juris n'est pas moins favorable que le Rappel intrà terminos juris. On trouvera ses raisons très-ingénieuses. « La faveur (dit-il) qu'on a donnée au Rappel dans notre usage, n'est pas seulement fondée sur ce que c'est un moyen pour remettre les choses au droit commun; car s'il n'y avait pas d'autre raison, le Rappel ne devrait point être admis dans les coutumes qui ont exclu, par une disposition expresse, la représentation de la ligne collatérale: nam in his quæ contrà juris rationem introducta sunt, non debemus sequi rationem juris. Le droit commun, dans ces coutumes, étant d'exclure la représentation, on ne l'y devrait pas admettre, si ce n'était par un acte authentique qui pút lui-même contenir une juste et régulière disposition. Ce qui rend le Rappel favorable dans notre usage, c'est qu'il est introduit en faveur du sang et de la génération, comme a dit Duplessis; il est introduit en faveur de l'égalité que la plus grande partie de nos coutumes affectent de conserver entre les lignes; et cette faveur n'est pas moins grande pour les arrière-neveux que pour les neveux. Nous n'avons point en France, comme dans le droit civil, de loi générale qui ait borné l'effet de la représentation aux enfans des frères; anciennement on ne l'admettait point du tout; en plusieurs pays, elle n'est point encore reçue en collatérale; il est vrai que la plus grande partie la restreignent aux enfans des frères; mais cependant il y a qui l'étendent jusqu'aux arrière neveux; et un grand nombre l'admettent infiniment. >>Ainsi, il me paraît que la même raison du sang et de l'inclination naturelle qu'on a pour tous les proches sans distinction de degré, et la faveur de l'égalité entre les lignes, qui a fait recevoir favorablement le Rappel, par quelque acte qu'il soit fait, dans les coutumes qui rejettent expressément la représentation de la ligne collatérale, le doivent faire recevoir avec la même faveur, non-seulement pour les arrière-neveux, mais aussi pour ceux qui sont dans des degrés plus éloignes, sans distinction; et qu'on n'y peut pas admettre cette différence, sans introduire dans notre usage des principes différens dans une même matière, et ce d'autant plus, que nos coutumes n'ont requis les formalités et les termes fataux qu'elles ont introduits pour la validité des testamens, que dans la crainte de la surprise, odio suggestionum; ce qui en a 53 arrive souvent aux personnes mourantes, et qui n'est pas à craindre à l'égard des personnes qui ont une pleine capacité de contracter, et qui veulent, par des actes de cette qualité, établir une loi et un réglement dans leur famille ». Il faut convenir qu'il règne dans cette opi nion une dialectique solide et lumineuse. Cependant on ne pourrait pas l'admettre, surtout depuis l'ordonnance de 1731, sans renverser un point de jurisprudence trèsconstant, et auquel Guyné lui-même rend hommage. On verra ci-après que le rappel extră terminos juris ne vaut que par forme de legs, qu'il est regardé comme une vraie donation à cause de mort, et qu'on ne lui donne d'effet qu'en substituant par fiction les termes, je lègue ou je donne, aux mots je rappelle, ou autres équivalens, dont le défunt s'est servi. Or, on ne peut ni léguer, ni don. ner à cause de mort, ni disposer d'une succession future, si ce n'est par un testament er bonne forme, ou par un contrat de mariage. Donc il est impossible de rappeler sans l'une ou l'autre voie. C'est l'avis de Ricard, de Lebrun et de Pothier. [[VII. Avant le Code civil, des enfans pou. vaient-ils, en partageant les successions de leur père et mère dans les coutumes exclusives de représentation en ligne collatérale, stipuler yalablement le rappel de leurs enfans respectifs aux successions de ceux d'entre eux qui viendraient à mourir sans postérité? Pourquoi ne l'auraient-ils pas pu? Une pa reille convention rentrait visiblement dans le cas de la loi 30, C. de pactis, qui déclarait obligatoires, entre les héritiers présomptifs, les pactes qu'ils avaient faits sur la manière de partager une succession non encore ouverte, à laquelle ils étaient appelés, lorsque celui à qui il s'agissait de succéder, y avait donné son consentement exprès, et qu'il n'avait pas révoqué ce consentement avant sa mort. Et c'est ce qu'a jugé un arrêt du conseil souverain de Mons, du 16 avril 1791, dont voici l'espèce telle que je l'ai extraite des pièces de la procédure. Le 6 novembre 1763, partage de la succession de Pierre-Joseph Pitteurs entre ses quatre enfans, Léopold, Jean, Jean-Joseph et Jeanne-Catherine (celle-ci stipulant par l'organe de Jean-François Leclere, son mari), avec la clause expresse « que, s'il leur surve»nait quelque succession collatérale, et que > l'un ou l'autre desdits co-partageans vint à » décéder avant l'ouverture de telle succes. représentation aurait lieu; à quoi lesdits >> co-partageans ont expressément et nommé» ment obligé leurs personnes et biens ». Deux des co-partageans, Jean et Jean-Joseph, meurent quelque temps après, laissant chacun des enfans. En 1787, décès de Léopold, qui n'avait pas été marié. Sa sœur Jeanne-Catherine se met en pos. session de tous les immeubles de la succession, et prétend se les approprier à l'exclusion de ses neveux, enfans de Jean et de Jean-Joseph, attendu que, dans le chef-lieu de Mons dont la coutume régit ces biens, la représentation n'a pas lieu en ligne collatérale (1). En 1788, les enfans de Jean et de JeanJoseph la font assigner devant le conseil souverain de Mons, pour voir dire que, d'après la convention insérée dans le partage de 1763, ils seront admis à représenter respectivement leurs pères; et qu'en conséquence, elle sera condamnée à leur délaisser les quatre cinquièmes des immeubles provenans de leur oncle Léopold. Jeanne-Catherine répond que la convention de laquelle excipent ses neveux, est nulle comme ayant trait à des successions futures; et elle compte tellement sur ce moyen, qu'elle ne prend pas même le soin de faire observer que, si la demande formée contre elle par ses neveux, était fondée, ce ne serait pas les quatre cinquièmes, mais seulement les deux tiers des biens qu'elle devrait leur abandonner. Mais par l'arrêt cité, le conseil souverain de Mons <<conclud de déclarer les demandeurs » non plus avant fondés dans leurs fins et » conclusions qu'à représenter Jean Pitteurs pour un tiers, et Jean-Joseph Pitteurs pour >> un autre tiers, dans la succession immobi>> lière de Léopold, Pitteurs; condamner la >> défenderesse à les leur laisser suivre avec >> fruits perçus depuis la mort dudit Léopold >> Pitteurs, et aux dépens, sauf un tiers de la >> consulte (des épices) à la charge des deman>>>> deurs ». ART. III. Le rappel en ligne collatérale se communique-t-il, comme en ligne directe, d'une personne ou d'une branche à une autre? La coutume de Blois est la seule qui ait prévu cette Question, et elle l'a décidée pour la négative: « Item (dit-elle, art. 140), doré (1) V. l'article Représentation (droit de), sect. a, >> navant, représentation accordée, en ligne >> collatérale, à un parent, profite à celui au>> quel elle aura été accordée seulement, et » non à autres qui sont en pareil degré », sion, laissant enfans vivans, en ce cas, la S. 7, no 40. Dumoulin trouve cette disposition singulière: Ista est mirabilis potestas uni soli et suá cellulá vel uni ex pluribus cellulis gratificandi. Mais doit-elle être étendue aux autres coutumes qui excluent pareillement la représentation en ligne collaterale? On cite, pour l'affirmative, l'arrêt 224 du recueil de Levest; mais Ricard prouve trèsclairement qu'il n'a rien jugé sur cette Question; et il la résoud lui-même par une distinction. Voici de quelle manière il s'explique, no 43: « L'oncle ayant déclaré que sa volonté n'est pas d'approuver la disposition de la coutume, mais de remettre la succession au droit com. mun, par le Rappel qu'il a fait d'un de ses neveux, ou de plusieurs dont le père était alors décédé, j'estime que, si quelques-uns de ses autres frères ou sœurs viennent à décéder depuis, leurs enfans doivent jouir de l'effet du rappel fait à l'égard des premiers, et qui en avaient besoin, lorsque leur oncle de la succession dont est question, a fait son testament ou autre acte portant le Rappel, par la pré. somption de la volonté de celui de la succession dont il s'agit, et en faveur de ce que les choses, par ce moyen, sont remises au droit commun. >> Mais lorsque la volonté paraît contraire, et qu'il se voit que l'intention de celui qui fait Rappel, a été de rappeler les uns et de délaisser les autres, j'estime que les non rappelés ne doivent point profiter du Rappel qui a été fait des autres: comme, par exemple, si le frére de celui qui dispose, étant décédé, a laissé plusieurs enfans, et que l'oncle rappelle les uns et ne fasse point mention des autres; de même s'il y a plusieurs frères décédés avant le Rappel, et que par icelui il n'y ait que les enfans de l'un rappelés, si celui qui le fait et qui dispose de sa succession, savait bien le décès de l'un aussi bien que de l'autre, et qu'il ait laissé les uns pour rappeler les autres, je ne vois pas qu'il y ait lieu d'étendre ce Rappel; car tant s'en faut qu'on puisse dire que sa volonté a été de rappeler tous ses neveux, qu'au contraire il parait qu'ayant eu le temps de le faire, y ayant songé, il a expressément rappelé les uns et négligé les autres; ce qui donne lieu de croire qu'il y a eu une prédilection particulière pour ceux qu'il a choisis, et qu'il n'a point entendu faire une disposition générale, puisqu'il lui eût été facile de rappeler ses neveux en général, ou bien de nommer les uns aussi bien que les autres ». C'est par la faveur du Rappel intrà terminos juris, c'est à cause du retour au droit commun qui en résulte, c'est enfin parcequ'on ne le considère pas comme une disposition proprement dite, qu'on s'est déterminé, dans le cas du premier membre de cette distinction, à l'étendre d'une personne ou d'une branche à une autre; car cette extension est, par ellemême, contraire aux vrais principes. Les dispositions de l'homme ne s'établissent point par conjectures; il faut qu'elles soient claires et formelles, surtout lorsqu'elles tendent à déroger à la loi municipale. Aussi ne porte-t-on pas cette extension jusqu'au Rappel qui ne vaut que par forme de legs. Il y en a deux arrêts, l'un du parlement de Paris, du 7 juillet 1565, rapporté par Levest, no 224, et expliqué par Ricard, no 44; l'autre du conseil souverain de Brabant, du 11 mars 1653, cité à l'article Legs, §. 7, no 3. ART. IV. Quels sont les effets du Rappel en ligne collatérale, lorsqu'il est fait dans les termes de droit? I. On a vu ci-devant, que le Rappel en ligne directe opère, à l'égard des petits-enfans, les mêmes effets que la représentation légale. Il en est de même du Rappel en ligne collaterale, par rapport aux neveux. Ainsi, les neveux rappelés succédent à leur oncle, en qualité d'héritiers, et prennent, à l'encontre de ses frères et de ses sœurs, la même portion qu'aurait prise leur père. C'est ce qu'a jugé un arrêt du 7 septembre 1564, rendu dans l'ancienne coutume de Paris, et dont voici l'espèce, telle qu'elle est rapportée par Papon, liv. 21, tit. 1, no 20. Le sieur de Merle de Beaubourg, ayant une sœur et des neveux, fils d'une autre sœur décédée, entre lesquels se trouvait le président de Thou, avait donné à ceux-ci, « par dona. >> tion simple et irrevocable, tout ce qu'il pou>> vait, par la coutume, nempè, tous ses meu>>> bles et conquêts immeubles, et le Quint des >> propres; plus, les avait rappelés à sa suc» cesssion, et avait voulu qu'ils vinssent à par>> tage par représentation de leur mère avec » sa sœur, à laquelle, pour cette cause, il >> voulut que tel contrat fut, signifié ; ce qui >>> avait été fait ». Depuis, il avait fait un testament par lequel il déclarait persister dans sa volonté, quant au Rappel, et il l'avait fait signer par sa sœur. Après sa mort, celle ci soutint que la donation était nulle, par la règle donner et retenir ne vaut; que la maxime institution d'héritier n'a point de lieu, empêchait le testament d'imprimer aux neveux la qualité d'héritiers; qu'elle ne l'avait signé que pour ne point encourir l'inimitié du défunt, et dans la persuasion que sa signature ne l'obligeait à rien; que, du reste, les lettres de rescision dont elle s'était munie à cet égard, devaient opérer en sa faveur une restitution pleine et entière. Par arrêt prononcé en robes rouges, et conséquemment rendu sur la question de droit dégagée de toute circonstance particulière, << la cour, en tant que touche lesdits moyens >> de nullité, ordonne..... et faisant droit au >> principal, et sans avoir égard auxdites re> quêtes et lettres présentées par la défende>>> resse, ordonne que inventaire, prisée et >> estimation et partage seront faits de tous » et chacun les biens demeurés par le décès >> de feu Louis de Merle de Beaubourg, et >> auxdits demandeurs baillé telle portion qui >> eût, en la succession dudit défunt, appartenu à feue demoiselle Claude de Merle, › mère desdits demandeurs, si elle eût sur>> vécu audit défunt son frère ». Trois ans aprés, la question se représenta dans la même coutume, et reçut, en apparence, une décision toute differente. Nicolas d'Harquembourg était décédé sans enfans: Jeanne d'Harquembourg, sa sœur, prétendait recueillir tous ses biens. Les enfans de son frère, mort avant lui, soutenaient au contraire, qu'ils devaient pren. dre, par representation de leur père, la même portion qu'il eût prise lui-même, s'il eût vécu, puisque leur oncle les avait rappelés, en ordonnant qu'ils viendraient par représentation à sa succession pour une tête. La sœur répliquait que le Rappel ne pouvait être d'aucun effet; qu'il était contraire à la coutume, qui rejetait la représentation en ligne collatérale; qu'à la vérité, le défunt avait pu disposer de ses acquêts par son testament, mais qu'il ne l'avait pas fait, que son testament était muet à cet égard, et qu'on pouvait dire de lui: quod voluit non potuit, quod potuit noluit. Sur ces raisons, arrêt prononcé en robes rouges, à Pâques 1567, par lequel la sœur fut condamnée à faire délivrance aux neveux et nièces du quint des propres, si aucuns y avait, ensemble de la part des meubles et conquêts qui eût pu appartenir à leur père, en cas de survie à son frère. Cet arrêt est-il vraiment contraire au précédent? Ecoutons ce qu'en dit Renusson, Traité des propres, chap. 2, sect. 8, no 31: » Il ne doit pas être considéré, en ce qu'il n'a pas donné aux neveux et aux nièces qui avaient été rappelés, droit de représenter purement et simplement leur père en la succession de leur oncle. >> Premièrement, il y avait cette circonstance particulière, que les neveux et nièces avaient, en quelque façon, témoigné vouloir se contenter de la part qu'avait pu avoir leur père dans les meubles et conquêts de leur oncle; ils avaient même soutenu que le défunt n'avait que des meubles et acquets. > Il ne paraissait pas de propres; c'est pourquoi ils ne se mirent pas beaucoup en peine de soutenir leur qualité d'héritiers, trouvant en celle de légataires les mêmes avantages pour les meubles et acquèts ». Et sans doute l'arrêt n'a point été prononcé en robes rouges, pour établir que le Rappeł intrà terminos juris n'est qu'un titre de pure libéralité, mais uniquement pour rendre plus solennelle la faculté de remédier, par cette voie, au défaut de représentation légale. Cela parait d'autant plus vraisemblable, que la question de savoir si cette faculté avait lieu ou non, faisait toute la matière du procès. << Quoiqu'il en soit (c'est encore Renusson qui parle), l'usage et la régle est que le Rappel donne droit de représentation et la qualité d'héritier, quand il est fait intrà terminos juris communis, et les personnes rappelées prennent la même part que leur père aurait prise s'il eût été vivant. >> En effet, la question s'en étant présentée depuis dans la coutume de Senlis, laquelle n'admet point de représentation en ligne collatérale, on a jugé que le Rappel opérait la représentation ». L'arrêt dont veut parler ici Renusson, a été rendu au rapport de M. Bouguier, le 30 août 1614; et il a été prononcé en robes rouges, le 23 décembre suivant. En voici le dispositif, tel qu'on le trouve dans le recueil de M. Bouguier même: << Notredite cour, sans s'arrê>> ter auxdites lettres, a mis et met l'appella>>tion et sentence de laquelle a été appelé au >> néant, sans amende: en émendant, a main> tenu et gardé, maintient et garde lesdits >> appelans, comme ayant été rappelés au lieu >> de leur mère, par le testament dudit Nico>> las Godin, pour lui succéder avec Jean Go>> din son frère, en possession et jouissance de >> la moitié des biens meubles, acquéts et con>> quêts immeubles et propres du côté pater>> nel délaissés par le trépas dudit Nicolas >> Godin, pour être lesdits biens partagés en>> tre eux par moitié, sans dommages et in» térêts, et sans dépens. Et sera le présent arrêt lu ès sièges de Senlis et Beauvais, pour avoir lieu ès cas semblables ». Il a été rendu un arrêt semblable, le 9 juin 1687, dans la coutume de Meaux. Charles Poulet, ancien avocat à Sézanne, avait, pour unique héritier de ses meubles et acquêts, Jacques Legrand, son frère utérin; Nicolas Legrand, son neveu, en était exclu par le défaut de représentation légale. Par un testament olographe, du 1er septembre 1668, il disposa de sa succession en ces termes : « Pour le surplus de mes biens, je le >> laisse à mon frère Legrand et à mon neveu >> Legrand, qui partageront également, et à >> leurs enfans, en cas qu'aucun d'eux soit >> décédé avant moi, pour les partager par >> représentation ». Ce testament eut son exécution tout entière; Nicolas Legrand recueillit la moitié des meubles et acquêts de son oncle. Il laissa, en décédant avant sa femme, deux enfans, savoir, un garçon nommé François, et une fille nommée Geneviève. Celle-ci épousa le sieur Colard, qui, après quelques années de mariage, poursuivit sa belle-mère en partage de la communauté qui avait existé entre elle et Nicolas Legrand. Sur cette demande, la veuve prétendit retenir, à titre de conquêts, la moitié de tous les immeubles qui étaient échus à son mari par la succession de Charles Poulet; et elle obtint gain de cause, par sentence du bailliage de Meaux, du 29 octobre 1680. Le sieur Colard interjeta appel de cette sentence, et soutint que les héritages dont il était question, avaient formé des propres dans la personne de Nicolas Legrand. Pour établir cette proposition, le sieur Colard la divisait en deux parties. Il prouvait d'abord que le testament de Charles Poulet contenait un véritable Rappel au profit de Nicolas Legrand; ce qui n'etait pas difficile (1). Il faisait voir ensuite que ce Rappel étant intrà terminos juris, il tenait lieu d'institution et non de legs; que Nicolas Legrand avait joui, en qualité d'héritier, de l'effet de cette disposition; que, par conséquent, les biens dont il s'agissait, lui avaient tenu nature de propres, et n'avaient pu entrer en communauté. On opposait plusieurs objections à cette conséquence. La principale était de dire qu'il n'y a que la loi et la coutume qui puissent faire un hé (1) V. ci-devant, art. 2. ritier; que la seule disposition de l'homme ne peut opérer cet effet; que c'est pour cela que la coutume de Meaux, art. 28, dit que « les >> institutions d'héritiers n'ont point lieu au >> préjudice des plus prochains habiles à suc>> céder»; qu'ainsi, il n'est pas même au pouvoir d'un testateur de se faire, par le Rappel, un autre héritier que celui que la coutume lui donne. Voici ce qu'on répondait à cette objection : « Le Rappel qui est fait intrà terminos juris, est fort different des autres dispositions. Il est vrai que les dispositions ordinaires de l'homme ne peuvent point faire un héritier; elles n'impriment régulièrement que la qualité de légataire dans ceux qui en sont l'objet, et leur étendue est limitée et bornée à ce dont il est permis de disposer par testament. Mais le Rappel qui est fait en faveur des neveux, n'est point, à vrai dire, une simple disposition de l'homme; il reçoit sa principale force de la loi; le testateur ne fait en cela que rétablir la disposition du droit écrit, et suppléer au silence de la coutume. >> Il ne fait que rendre à ses neveux le droit de représentation dejà introduit en leur faveur par le droit commun. Il n'est que l'interprète et le ministre de la loi. De là vient que cette disposition a son nom particulier, qui la distingue des autres dispositions testamentaires; de sorte que, quand un oncle rappelle son neveu, l'esset de sa disposition est de lui prêter, pour ainsi dire, la main pour le remettre à la place de son père ou de sa mère prédécédés, et recueillir les biens de la mème manière que les aurait recueillis ceux qu'il représente. >> Si la coutume de Meaux, à l'exemple de quelques autres, a retenu l'ancien droit, qui n'admettait pas la représentation, si elle appelle le plus proche au partage des biens, c'est une loi qui peut avoir lieu quand il ne se trouve point de testament qui rappelle les neveux; mais cette loi n'empêche point le Rappel,ni ses effets. Il faudrait pour cela qu'elle l'eût exclu précisément et expressément, et que même sa disposition fût conçue en termes prohibitifs. C'est ce qui se juge tous les jours en matière de douaire. Il y a plusieurs coutumes dans le royaume qui ne le donnent que viager à la femme; et cependant on peut, dans ces mêmes coutumes, le rendre propre aux enfans par une disposition expresse. Ainsi, tout ce qu'on peut dire sur les neveux dans la coutume de Meaux, est que d'ellemême elle n'empêche pas qu'un oncle ne leur donne cette capacité par la voie du Rappel, qu'elle n'a point prohibé, |