elle a hypothéqué ses biens dotaux, sera déclarée nulle, comme contraire à l'art. 1554 du Code civil, et ordonner en conséquence la radiation de l'inscription hypothécaire qu'il a prise. >> Le sieur Marquier répond qu'à l'époquedu mariage de la dame Cavaller, les statuts et les usages du Roussillon laissaient aux femmes mariées la liberté d'aliéner et d'hypothéquer leurs biens dotaux; et que la dame Cavaller ayant acquis cette liberté en se mariant, n'en avait pu être et n'en avait pas été dépouillée par le Code civil. » Jugement du tribunal de première instance de Perpignan qui, adoptant cette défense, déboute la dame Cavaller de sa demande. >> Mais sur l'appel, la cour de Montpellier, par arrêt du 12 janvier 1809, déclare que les statuts et usages du Roussillon ont été abolis par l'art. 1554 du Code civil, même à l'égard des femmes mariées antérieurement à ce Code; en conséquence, elle annulle l'inscription prise par le sieur Marquier, sur les biens dotaux de la dame Cavaller, et elle en ordonne la radiation. >>> Le sieur Marquier se pourvoit en cassation contre cet arrêt; et le 3 septembre de la même année, au rapport de M. Cassaigne, vu les art. 2 et 1554 du Code civil; attendu que la loi ne dispose que pour l'avenir, et n'a point d'effet rétroactif; que, si, dans certains pays de droit écrit, il existait des lois ou usages particuliers, suivant lesquels la femme avait le droit d'alliéner et hypothéquer le fonds dotal, cette faculté, formant une condition tacite des constitutions faites sous l'empire de cette jurisprudence, est un droit acquis qui n'a été aboli par aucune loi; qu'on ne peut en faire résulter l'abrogation de l'art. 1554 du Code civil, qui prohibe l'aliénation des biens dotaux, puisqu'il n'a pour objet que les biens placés par la volonté expresse des parties, sous le régime dotal établi parce Code; qu'il résulte au contraire de l'art. 1557, que, même sous ce régime, l'immeuble dotal peut être aliéné, lorsque l'aliénation en a été permise par le contrat de mariage; qu'en jugeant le contraire et en annulant par suite l'obligation dont il s'agit, l'arrét a faussement appliqué l'art. 1554 et violé l'art. 2 du Code précité; la cour casse et annulle.... » Le 13 mai 1807, la dame Sandret, épouse séparée, quant aux biens, du sieur Descalle, et de lui autorisée, fait donation entre-vifs à son unique fils et héritier présomptif, d'une ferme située dans l'arrondissement de Pontl'Evêque, qui lui avait tenu, sous la coutume de Normandie, nature de bien dotal. Le 26 TOME XXVI. du même mois, le sieur Descalle, fils, vend cette ferme au sieur Soumillon. >> Le 30 juillet suivant, la dame Descalle fait assigner son fils et le sieur Soumillon, devant le tribunal civil de cet arrondissement, pour voir dire que sa donation sera déclarée nulle, comme faite en contravention aux art. 1554, 1555 et 1556 du Code civil. >> Les assignés opposent l'art. 43a de la coutume de Normandie qui permettait à la femme mariée, lorsqu'elle était autorisée de son mari, de donner ses biens dotaux à ceux de ses enfans qui s'en trouvaient héritier présomptifs. >> La dame Descalle réplique qu'à l'époque de sa donation, la coutume de Norniandie était abrogée, et que le Code civil est la seule loi qui doit être consultée. >> Par arrêt du 3 mars 1809, considérant qu'il s'agit ici de l'effet de la capacité civile, et qu'il s'agit d'un droit personnel qui doit étre régi par la loi qui règle la capacité au moment où s'en fait l'exercice, la cour d'appel de Caen déclare nulle la donation du 13 mai 1807, et les actes qui s'en sont ensuivis. >> Recours en cassation contre cet arrêt de la part du sieur Soumillon. Et le 27 août 1810, au rapport de M. Boyer (1), vu l'art. 432 de la ci-devant coutume de Normandie et l'art. 1554 du Code civil; attendu que, suivant la disposition du statut normand cidevant citée, la donation faite par la dame Descalle à son fils, le 13 mai 1807, était valable et régulière; attendu qu'on ne peut pas faire résulter la nullité de cette donation, de la disposition des art. 1554 et suivans du Code civil qui prohibent l'aliénation des biens dotaux, parceque cette prohibition ne peut étre appliquée qu'aux biens placés, par la volonté expressé des parties, sous le régime dotal établi par ce méme Code, dans des contrats de mariage postérieurs à sa publication; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a fait, dans l'espèce, une fausse application des ar. ticles précités du Code civil; par ces motifs, la cour casse et annulle.... >> Comme vous le voyez, messieurs, cet arrêt et le précédent jugent, de la manière la plus positive, que la femme capable d'aliéner, d'après la loi sous laquelle a été contracté son mariage, n'en est pas devenue incapable par le Code civil, et qu'elle peut aliener sous le Code civil même, comme elle aurait pu le faire auparavant. (1) V. dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Régime dotal, §. 2, les conclusions que j'ai données sur cette affaire. 3 >> Par acte notarié, du 7 fructidor an 13, la femme Martin, mariée avant le Code civil, séparée de biens d'avec son mari, par un jugement antérieur au même Code, et marchande publique, reconnaît devoir à un fabricant de Bolbec, pour fourniture de marchandises de son commerce, une somme de 2572 francs, au paiement de laquelle, par le mème acte, elle hypothèque une maison située au Havre, provenant de la succession de son père, et lui tenant, à ce titre, nature de bien dotal. En vertu de cette obligation, le créancier de la dame Martin poursuit l'expropriation forcée de la maison hypothéquée à sa créance. La dame Martin s'oppose à ses pour suites, et se fonde d'abord sur des moyens insignifians. Le 15 janvier 1807, jugement du tribunal civil du Havre, qui la déboute de son opposition. Sur l'appel, la dame Martin se retranche dans l'inaliénabilité de la maison du Havre. Le 16 juillet suivant, arrêt de la cour de Rouen ainsi conçu : Vu l'art. 220 du Code civil qui s'explique en termes for. mels et sans aucune exception, lequel est ainsi conçu: la femme, si elle est marchande publique, peut, sans l'autorisation de son mari, s'obliger pour ce qui concerne son négoce; considérant que l'obligation contractée par l'appelante, est postérieure à la promulgation de cet article; qu'elle doit, par conséquent, avoir son effet sur l'immeuble qu'elle y a hypothéqué, d'après la faculté qu'elle en avait comme marchande publique; considérant que, d'après le méme article, on ne peut raisonnablement argumenter de l'ancienne jurisprudence consacrée par les art. 126 et 127 du réglement de 1666; que l'on ne peut pas davantage invoquer les dispositions du Code relatives au régime dotal, attendu qu'elles ne doivent avoir aucune application à l'égard des femmes marchandes publiques, dont la capacité est réglée par ledit art. 220; la cour, sans s'arrêter au nouveau moyen employé sur l'appel par l'appelante, statuant sur ledit appel, dit qu'il a été bien jugé. >> La femme Martin acquiesce à cet arrêt; mais frappés de l'atteinte qu'il porte aux lois et aux principes de la matière, nous en requé rons d'office la cassation; et par arrêt du 19 décembre 1810, au rapport de M. Boyer, vu les art. 538, 540, 541, 542, 543 et 544 de la coutume de Normandie, les art. 126 et 127 des placités de 1666, et l'art. a du Code civil; attendu que, suivant les articles précités de la ci-devant coutume de Normandie, ainsi que des placités de 1666, le bien dotal de la femme mariée sous l'empire de cette coutume, était inaliénable de sa nature; et que, d'après la jurisprudence locale attestée par les plus célèbres commentateurs de la même coutume, ce principe d'inaliénabilité ne souffrait pas d'exception, même en faveur de la femme marchande publique, laquelle ne pouvait affecter son bien dotal aux engagemens par elle souscrits à raison de son négoce; attendu que, dans l'espèce, la dame Martin, mariée sous l'empire du droit normand, et bien avant l'émission du Code civil, était nécessairement soumise aux prohibitions portées en ladite coutume, en ce qui concernait la disposition de ses biens dotaux, puisque c'est sur la foi de ces prohibitions qu'étaient intervenues les stipulations de son mariage; et qu'ainsi, l'arrêt dénoncé, en lui appliquant au contraire les dispositions du Code civil, a fait une fausse application des articles de ce Code qui y sont invoquées, et violé directement l'art. 2 du même Code qui porte que la loi n'a point d'effet rétroactif....; la cour casse et annulle... (1) >> Le 10 frimaire an 7, le sieur Leduc épouse à Evreux, sans contrat de mariage, MarieMarguerite Mesange. Le 4 avril 1806, la dame Leduc, autorisée de son mari, vend au sieur Cirette une pièce de terre qui fait partie de ses fonds dotaux. Le 26 décembre suivant, elle obtient un jugement qui la sépare de biens d'avec son mari. Le 23 mars 1808, se fondant sur les art. 539 et 540 de la coutume de Normandie, elle fait assigner le sieur Cirette en délaissement de l'immeuble qu'elle lui a vendu, si mieux il n'aime lui en payer la valeur. Le sieur Cirette répond que les art. 539 et 540 de la coutume de Normandie ont été abrogés, soit par la loi du 17 nivose an 2, sous l'empire de laquelle la dame Leduc s'est mariée, soit par le Code civil qui était en pleine vigueur à l'époque de la vente dont il s'agit. Le 24 décembre 1808, jugement du tribunal civil d'Evreux qui accueille la demande de la dame Leduc, attendu que les lois existantes à l'époque du mariage, stipulent pour la femme, règlent ses droits et sa capacité; que ces lois, qui sont pour elle une sauvegarde, la dispensent de toute stipulation, la garantissent de toute surprise, et la protègent contre l'influence maritale, particulièrement lorsqu'il s'agit de l'aliénation de (1) . l'article Dot, $. 8, no. 6. ses biens, qu'ainsi, la femme qui se marie sous l'empire du Code civil, étant avertie qu'elle sera admise au régime de la communauté légale, si elle n'a pas de contrat, prend la précaution d'en arrêter préalablement les articles, pour se lier et conserver intégrale. ment ses biens, en les déclarant soumis au régime dotal; et que la femme Leduc a été mariée avant la promulgation du Code civil et sous l'empire de la ci-devant coutume de Normandie. Le sieur Cirette appelle de ce jugement, et sans succes. Le 24 février 1810, la cour de Rouen met l'appellation au néant. Recours en cassation de la part du sieur Cirette. Mais par arrêt du 30 avril 1811, au rapport de M. Rupérou, et sur les conclusions de M. Daniels, attendu que les art. 13 et 61 de la loi du 17 nivose an 2, concernent exclusivement les libéralités entre époux et les transmissions de biens à titre gratuit; qu'ainsi, ils ne peuvent s'appliquer au droit de recours que les art. 539 et 540 de la cou tume de Normandie accordaient à la femme contre l'acquéreur de ses biens propres; attendu que ce droit n'était point, comme l'a soutenu le demandeur en cassation, une simple créance hypothécaire éventuelle, mais bien un droit réel un droit de revendication qui donnait lieu à une action équivalente à l'action en réintégrande (art. 537 de la coutume) au profit de la femme, laquelle par conséquent n'avait pas besoin, pour conserver son droit, de prendre inscription au bureau des hypothèques; attendu que la dame Leduc s'étant mariée sans stipulations contractuelles avant la publication du Code civil, et sous l'empire de la coutume de Normandie, cette coutume même avait stipulé pour elle le droit récursoire dont il s'agit; en telle sorte qu'il lui était acquis du jour de la célébration de son mariage, de la même manière qu'il avait été expressément convenu entre les parties; qu'il suit de là que, quelle que soit l'époque de l'aliénation, le Code civil, qui n'a pas d'effet rétroactif, n'a pu anéantir ce droit...; la cour rejette... , >> Voilà done quatre arrêts (1) qui décident, l'un par induction, les autres textuellement, que le sort des alienations de biens normands propres à des femmes mariées avant le Code civil, dépend absolument de la coutume de Normandie, quoique ces aliénations aient été faites depuis que la coutume de Normandie a fait place au Code civil. (1) On en trouvera dans l'instant un cinquième, en date du 21 avril 1813. >> Et il est à remarquer que ces arrêts ont paru au législateur tellement sages, tellement calqués sur l'art. 2 du Code civil lui-même, qu'il les a érigés en lois expresses pour les départemens anséatiques et les provinces illyriennes. Les droits civils résultant (porte l'art.. 149 du décret du 4 juillet 1811) des lois et usages en vigueur dans les départemens des Bouches de l'Elbe, des Bouches du Weser et de l'Ems supérieur, ainsi que ceux résultant des actes et conventions d'une date certaine, antérieure à la mise en activité du Code civil dans lesdits départemens, sont et demeurent assurés aux parties, même en ce qu'ils auraient de contraire aux dispositions dudit Code, et lors même que la jouissance de ces droits ne s'ouvrirait qu'après sa mise en activité... Les droits des époux mariés avant la mise en activité du Code civil (ajoute l'art. 150), encore que la dissolution des mariages n'arrive qu'après cette époque, seront réglés d'après les dispositions de leur contrat de mariage. S'il n'y a point de contrat, ils le seront conformément aux lois sous l'empire desquelles le mariage aura été célébré. Les art. 37 et 38 du décret du 30 septembre de la même année, concernant l'organisation des provinces illyriennes, disent littéralement la même chose. >> Que pourrait-on maintenant objecter à la dame Sombret, toujours en supposant qu'il soit ici question d'immeubles véritablement normands? Que pourrait-on dire dans cette hypothèse, pour justifier l'arrêt qu'elle attaque? >> On peut lui dire, et on lui dit en effet : Les trois arrêts de la cour de cassation, du 27 août 1810, du 19 décembre suivant et du 30 avril 1811, ont été rendus dans des espèces où les femmes dont il s'agissait, avaient été mariées sous la coutume de Normandie; et ce n'est pas sous cette coutume que vous avez été mariée. Il est vrai que votre contrat de mariage a été passé en Normandie; il est vrai que c'est en Normandie que votre mariage a été célébré; mais ce n'est, ni avec un Normand, ni dans l'intention de vous établir en Normandie, que vous avez contracté votre mariage. Vous avez épousé un habitant d'Abbeville; et c'est à Abbeville, c'est sous la coutume de Ponthieu, que vous avez fixé, avec lui, votre demeure. C'est donc par la coutume de Ponthieu, que vos droits matrimoniaux ont été réglés. Vous ne pouvez donc pas ici invoquer les dispositions de la coutume de Normandie. >> Ce raisonnement serait bon, s'il était ici question des droits matrimoniaux person nels. » Sans doute, à l'égard de ces droits, la dame Sombret ne peut invoquer que les dispositions de la coutume de Ponthieu; et voilà pourquoi nous avons établi, en commençant, que la dame Sombret a été, par la force de la coutume de Ponthieu, en communauté de biens meubles et de conquêts avec son mari, quoique la coutume de Normandie en dispo sat autrement. >> Mais il ne s'agit pas ici de droits personnels: il s'agit de droits dont la réalité est incontestable; il s'agit d'un statut qui a été invariablement jugé réel, et par les arrêts du parlement de Rouen et par les arrêts du parlement de Paris, et dont vous avez vous-mêmes proclamé la réalité par un arrêt du 27 août 1810, au rapport de M. Léger de Verdigny, et sur nos conclusions. Si notre question s'était présentée avant le Code civil, le parle ment de Rouen et le parlement de Paris auraient également donné gain de cause à la dame Sombret; ils auraient également jugé que la dame Sombret pouvait, quoique domiciliée dans la coutume de Ponthieu, réclamer, pour les biens normands qu'elle aurait aliénés ou hypothéqués pendant son mariage, la disposition de l'art. 542 de la coutume de Normandie. Ils auraient également jugé que l'art. 542 de la coutume de Normandie avait, quoique formant un statut réel, ou plutôt précisément parcequ'il formait un statut réel, investi la dame Sombret du droit de rétracter les aliénations qu'elle ferait, pendant le mariage, de ses propres normands; et ils l'auraient jugé par le même principe qui les eût déterminés, si le cas s'était offert, à décider, soit que la dame Sombret avait, sur les biens que son époux eût possédés en Normandie, les droits de douaire qui étaient attribués à la veuve par l'art. 367 de la coutume de Normandie même, soit que le sieur Sombret avait, sur les biens normands de sa femme, le droit de viduité qui était attribué au mari par l'art. 382 de la même coutume (1). >> Et pourquoi ne jugerait-on plus de même aujourd'hui? Très-certainement, si aujourd'hui une femme mariée, avant le Code civil, sous la coutume de Ponthieu, venait à perdre son mari, laissant des biens dans la ci-devant Normandie, elle jouirait, sur ces biens, du droit de douaire fixé par l'art. 361 du statut normand. Très-certainement si aujourd'hui un homme marié, avant le Code civil, sous la (1) V. l'article Viduité (droit de), S. 2, no. 5. coutume de Ponthieu, venait à perdre sa femme laissant des biens dans la ci-devant Normandie, il jouirait, sur ces biens, du droit de viduité fixé par l'art. 382. >> Et d'où cela viendrait-il ? De ce que, dans le mariage, les droits des futurs époux sont réglés par les statuts réels, ni plus ni moins que par les statuts personnels; de ce que, dans ce contrat important, les statuts réels stipulent, tout aussi bien que les statuts personnels, pour les futurs époux; de ce que les dispositions des statuts réels sont aussi bien que les dispositions des statuts personnels, sous-entendues dans ce contrat. >> Or, il en est du statut de l'aliénabilité des propres de la femme, comme du statut du douaire, comme du statut du droit de viduité: si ceux-ci sont purement réels, le premier l'est également. Il doit donc, comme le devraient ceux-ci, être sous-entendu dans le contrat de mariage de la dame Sombret. Il doit même l'être à fortiori; car, en Normandie, les futurs époux pouvaient, par des conventions expresses, déroger au droit de douaire et de viduité. Mais il ne leur était pas permis de déroger aux art. 539, 540, 541 et 542 de la coutume de Normandie; ces articles leur imposaient un joug auquel ils ne pouvaient se soustraire par aucune convention. Ainsi non-seulement ces articles ont assuré à la dame Sombret, au moment de son mariage, le droit de revenir contre les aliénations qu'elle pourrait faire de ses propres normands, mais la dame Sombret n'aurait pas pu renoncer à ce droit: fondé sur une loi prohibitive, il était, par cela seul, à l'abri de toutes les atteintes qu'on eût tenté de lui porter par des stipulations contraires. >> Inutile de dire que la réalité du statut de l'aliénabilité ou de l'inaliénabilité des propres de la femme mariée, n'était prononcée par aucune loi; que la jurisprudence seule l'avait établie; et que, dès-lors, la cour d'appel de Rouen aurait pu, sans exposer son arrêt à la cassation, juger que ce statut était personnel, et que, par suite, la dame Sombret avait été capable d'aliéner ses immeubles normands, par cela seul qu'elle avait été mariée dans une coutume où les propres des femmes étaient aliénables. » Oui, sans doute, la cour d'appel de Rouen aurait pu le juger; mais elle ne l'a point fait; et pouvons-nous, pour soustraire son arrêt à la cassation, y sous-entendre un motif qu'elle n'y a point placé, un motif qu'elle n'aurait pu y placer que par un mépris formel de la jurisprudence la plus constante, la plus conforme aux vrais principes? Déjà. : messieurs, dans une espèce où se présentait le cas inverse de celui qui nous occupe en ce moment, vous avez décidé que non. » En 1789, mariage entre Henri Lejeune et Marie-Anne Molle, tous deux domiciliés en Normandie. Le 29 frimaire an 13, la dame Lejeune se rend caution de son mari envers le sieur Levacher, et affecte à son cautionnement une ferme située dans la ci-devant coutume de Dreux. Quelque temps après, elle demande la nullité de l'acte par lequel elle a hypothéqué cet immeuble; et la cour d'appel de Rouen le déclare nul, non sous le prétexte que la dame Lejeune ayant été mariée en Normandie, ses immeubles même situés hors de la Normandie, devaient suivre la loi de son domicile, non sous le prétexte que le statut de l'inaliénabilité des biens des femmes mariées était personnel, mais sous le prétexte que la dame Lejeune ayant été mariée sous le régime dotal normand, tous ses biens, en quelque lieu qu'ils fussent situés, étaient devenus dotaux de plein droit; qu'à la vérité, ceux qui étaient situés sous la coutume de Dreux, avaient été aliénables avant le Code civil; mais que l'art. 1554 du Code civil les avait rendus inalienables. Le sieur Levacher s'est pourvu en cassation; et quoique l'arrêt eût pu être maintenu, s'il eût été motivé sur la prétendue personnalité du statut de l'aliénas bilité des biens des femmes, vous n'y avez pas suppléé ce motif; vous avez au contraire reconnu, en termes exprès, que le statut dont il s'agit, était précisément réel; vous avez en conséquence jugé l'arrêt tel qu'il était, et vous l'avez cassé, comme donnant à l'art. 1554 du Code civil un effet rétroactif (1). >> Répétons-le donc avec une pleine confiance: s'il était ici question d'immeubles normands, rien ne pourrait soustraire à la cassation l'arrêt que vous dénonce la dame Sombret. >> Mais il est temps d'arriver à la véritable espèce de la cause. Les immeubles dont la dame Sombret accuse cet arrêt d'avoir illégalement proclamé l'aliénabilité, ne lui étaient échus que postérieurement à la promulgation du Code civil, et par conséquent à l'abolition de la coutume de Normandie. Dès lors, à quel titre ces immeubles auraient-ils été inaliénables de la part de la dame Sombret? >> Ces immeubles sont sans doute des biens normands, en ce sens qu'ils sont situés dans la (1) V. mon Recueil de Questions de droit, au mot Velléren, §. 3. partie de la France que la coutume de Normandie régissait avant le Code civil. >> Mais ils ne sont pas et ils n'ont jamais été, par rapport à la dame Sombret, soumis à la coutume de Normandie. On ne peut donc pas, on n'a done jamais pu, par rapport à la dame Sombret, les considérer comme de vrais biens normands. On ne peut donc pas dire que la coutume de Normandie les ait jamais frappés d'inaliénabilité dans les mains de la dame Sombret. >> Que la dame Sombret ne puisse pas aujourd'hui aliéner les immeubles qui lui sont échus sous l'empire de la coutume de Normandie, que l'inalienabilité de ces immeubles survive dans les mains de la dame Sombret, à l'abrogation de cette coutume, on le conçoit facilement. Une fois la qualité d'inaliénable imprimée à ces immeubles par la coutume de Normandie, comme condition du mariage de la dame Sombert, ils ont dû la conserver, même après que la coutume de Normandie a eu fait place au Code civil; car le Code civil n'a point d'effet rétroactif, il n'en a point surtout en ce qui concerne les droits dérivant des mariages contractés avant sa promulga tion. >> Mais que des immeubles sur lesquels la coutume de Normandie n'a jamais eu d'autorité en ce qui concerne la dame Sombret, soient inalienables précisément parceque la dame Sombert a été mariée pendant que la coutume de Normandie était en vigueur, c'est ce que nous ne saurions concevoir. >> La coutume de Normandie a sans doute garanti à la dame Sombert, au moment de son mariage, l'inaliénabilité des biens qui lui échoiraient sous son empire; mais elle ne lui a garanti que cela: elle ne lui a pas garanti l'inaliénabilité des biens qui lui échoi raient sous la coutume de Ponthieu, sous la coutume de Paris, sous toute autre loi étrangère; elle ne lui a donc pas non plus garanti l'inaliénabilité des biens qui lui échoiraient sous une loi qui viendrait un jour l'abroger elle-même, et l'expulser en quelque sorte, de son propre territoire. >> Et non-seulement elle n'a pas voulu la lui garantir, mais elle n'aurait pas pu le vouloir sans inconséquence. » Pourquoi la coutume de Normandie déclarait-elle inalienables les biens des femmes mariées? Parceque, ne donnant presque rien aux filles, les excluant de presque toutes les suc cessions au profit des males, elle voulait empêcher qu'en se mariant, les filles ne cou |