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et les paraphernaux. Le mari a la pleine administration de ceux-là, mais il n'a régulièrement, sur ceux-ci aucune espèce de droit. V. les articles Dot et Paraphernal.

Dans les pays coutumiers, tous les biens personnels de la femme, c'est-à-dire, tous ses propres, sont réputés dotaux; et, par cette raison, c'est au mari qu'en appartiennent le gouvernement, l'administration et la jouissance.

Voyons quels sont les droits qui résultent de là pour ou contre lui.

II. Le premier effet du droit de gouvernement qui réside dans la personne du mari pendant le mariage, est [[ dans les pays étrangers où existe encore le régime féodal ]], de lui donner tout ce qu'il y a d'honorifique attaché aux biens propres de la femme.

Ainsi, point de doute que, [[dans ces pays]], le mari ne puisse prendre le titre des seigneuries dont sa femme est propriétaire.

Point de doute qu'il n'y puisse, même à son exclusion, présenter aux bénéfices dont elle a le patronage, instituer ou destituer les officiers des justices qu'elle possède, recevoir la foi de ses vassaux, saisir féodalement leurs fiefs, leur accorder souffrance, etc.

Mais il est, [[dans les mêmes pays]], certains droits honorifiques que la femme partage avec son mari. Tels sont, dans une église dont elle a le patronage ou la seigneurie, les prières nominales, l'eau-bénite, l'encens, etc.

III. Le second effet du droit de gouvernement qui appartient au mari sur les biens de la femme, est la perception qu'il fait à son profit de tous les fruits que produisent ces biens pendant le mariage. Les articles Dot et Usufruit renferment le détail des règles qu'il importe de connaître à ce sujet.

IV. Un autre effet bien intéressant du droit dont il s'agit, est l'obligation où est la femme, même après la dissolution du mariage, d'entretenir les baux faits par son mari.

Ce n'est pas dans la qualité qu'a le mari, d'usufruitier des biens de sa femme, qu'il faut chercher le principe de cette obligation; c'est dans celle d'administrateur. Comme usu fruitier, le mari ne pourrait louer les biens que pour le temps de sa jouissance; et les baux qu'il aurait faits, prendraient fin avec le mariage. [[ Telle est du moins la règle que les lois romaines ont établie, et qui a subsisté jusqu'au Code civil. ]] Mais, comme adminis trateur, il oblige sa femme c'est elle qui contracte par son ministère, avec le preneur, Il faut donc qu'elle entretienne le bail, comme

si elle l'avait fait elle-même. V. les articles Bail et Usufruit.

S. II. Pouvoir du mari concernant l'aliénation des biens de sa femme.

Il règne sur ce point la plus grande variété dans notre jurisprudence.

Distinguons d'abord les pays de droit écrit d'avec les pays coutumiers.

Nous dirons ensuite quelque chose sur une question mixte qui peut naître fréquemment du choc des lois et des coutumes sur cette matière.

ART. I. De l'aliénation des biens dotaux de la femme, dans les pays de droit écrit.

On a vu, à l'article Dot, que, suivant le droit commun de ces contrées, le mari ne peut pas aliener les biens dotaux de sa femme, même en vertu du consentement qu'ellé y donne; mais que, par une déclaration de 1664, particulière aux pays de Forez, Beaujolais, Lyonnais et Maconnais, les alienations que le mari et la femme font conjointement de ces sortes de biens, sont valables et doivent avoir tout leur effet.

L'aliénation que ferait un mari des fonds dotaux de son épouse, sans son consentement, dans les lieux régis par la déclaration de 1664, et même avec son consentement dans les autres pays de droit écrit, serait tellement nulle, que, non-seulement l'héritier de la femme, mais la femme elle-même, pourrait, après la dissolution du mariage, revendiquer son bien, comme s'il n'en avait pas été disposé. Heredi quoque mulieris idem auxilium præles termes de la loi 13, §. 3, D. de fundo stabitur, quod mulieri præstabatur. (Ce sont dotali). Mulierem in his vindicandis omnem habere, post dissolutum matrimonium, prærogativam volumus. (Ce sont ceux de la loi 30, C. de jure dotium).

Nous disons, après la dissolution du mariage, et nous le disons avec la dernière des lois qui viennent d'être citées.

La femme ne peut donc pas agir pour cet objet, tant que le mariage dure; et c'est ce qu'établit clairement la loi 9, C. de rei vindicatione. C'est aussi ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Bordeaux, que Salviat, page 503, rapporte en ces termes:

« Quelques docteurs ont prétendu que, lorsqu'elle était entrée dans le contrat de vente, elle avait la faculté, durante matrimonio, de revenir, avec le consentement de son mari, contre ladite vente. Mais le con.

traire a été jugé, le 5 mai 1736, au rapport de M. Leblanc de Mauvesin. L'arrêt déclare la dame de Lalanne non-recevable, quant à présent, dans les lettres de restitution par elle obtenues, et n'y avoir lieu de prononcer, tant sur ses conclusions, que sur celles en adhésion prises par son mari....

>> Toute action est déniée à la femme jusqu'au décès du mari, qui seul a la faculté de révoquer les biens dotaux pendant sa vie ». En serait-il de même, si la femme était séparée de biens d'avec son mari?

Vedel, sur Catellan, liv. 4, chap. 45, nous retrace un arrêt du parlement de Toulouse, du 4 juillet 1722, qui juge pour l'affirmative. Mais il est à remarquer que, dans l'espèce de cet arrêt, la femme qui réclamait du vivant de son mari, n'était séparée de biens d'avec lui que par un acte volontaire.

A la vérité, la raison qu'en donne Védel, s'applique aussi à la femme séparée judiciaire ment. «Elle peut (dit-il) être prise de ce que » la separation qui se fait, marito ad inopiam » vergente, ne donne aucune espèce de fa»culté à la femme de commercer, ni de trai>>ter sur la propriété du fonds dotal; mais » elle lui acquiert seulement le maniement » des fruits et revenus, pour être employés » à l'entretien commun de son mari, d'elle et » de leurs enfans (loi ubi adhuc, C. de jure do»tium). Le mari n'est même pas absolument » dépouillé de la propriété du fonds dotal, quoi. » que séparé en biens d'avec sa femme. Cette » propriété est alors dans une espèce de sé»questration qui ne le dépouille point, de » même que la saisie ne dépouille point le » saisi; ainsi, la femme ne peut avoir de droit » sur cette propriété, avec d'autant plus de » raison qu'elle peut rentrer libre dans les » mains du mari, par un retour de fortune » et par un rétablissement de ses affaires. Or, » le mari, étant maître des fonds dotaux, a pu » en faire l'aliénation interim; et la femme » n'a point droit d'en demander la révocation » pendant le mariage, puisqu'elle n'a point » d'action en main, et qu'elle n'est point per» sonne légitime pour cela ».

Mais cette raison doit céder au texte de la loi 30, C. de jure dotium, qui, par cela seul qu'elle fait courir la prescription contre la femme, du moment que son mari est en déconfiture ouverte, suppose nécessairement que, dès ce moment, la femme peut agir; car il est évident que, si la femme ne pouvait pas dès-lors exercer son action, la prescription ne pourrait pas courir contre elle.

[[ Au surplus, V. l'article Dot, §. 8. ]]

ART. II. De l'aliénation des biens do. taux ou propres de la femme, dans les Pays coutumiers.

I. Les coutumes de France peuvent, sur cette matière, être partagées en quatre classes différentes.

II. Dans la plupart des coutumes, le mari peut aliener les fonds dotaux ou propres de sa femme, lorsqu'elle y consent; mais quand elle n'y a pas consenti, l'alienation est nulle; en sorte qu'après le décès de son mari, elle peut rentrer de plein droit dans ses biens alienés, sans qu'elle ait besoin de lettres de rescision. Telles sont Paris, art. 266; Nivernais, chap. 23, art. 1; Poitou, art. 230; Sens, art. 274; Auxerre, art. 194; Péronne, art. 125; Tournai, tit. 11, art. 21; Chatellenie de Lille, tit. 12, art. 3; Artois, art. 134, etc.

III. Il y a des coutumes qui permettent aux femmes de rentrer, apres la mort de leurs maris, dans leurs propres aliénés, quoiqu'elles aient donné leur consentement à l'alienation. Ce sont Auvergne, la Marche et Normandie. Mais ces lois ont entre elles quelques différences qui sont expliquées à l'article Dot, §. 8.

Il a été jugé au parlement de Rouen, que, dans la troisième de ces coutumes, une femme ne peut pas, du vivant de son mari, révoquer l'aliénation qu'il a faite de ses biens dotaux.

« Un mari (dit Houard, Dictionnaire du droit normand, au mot Femme, sect. 1) ayant clame, au nom de sa femme, un héritage, l'acquéreur obeit à la clameur, et fit délai; mais lorsqu'il fut question de passer l'acte de ce délai devant notaire, le clamant offrit les deniers, et demanda un remplacement; le clamé obéit, offrit de faire intervenir ses créanciers pour recevoir la somme offerte, et protesta contre la consignation qui en serait faite.

» Malgré cela, le clamant consigna; mais il ne fit pas préalablement sommer le clamé d'assister à la consignation. Cependant, sur la reprise que ce dernier en fit au clamant, il representa une sommation datée du jour où les deniers avaient été consignés.

» Il y eut inscription defaux contre cette diligence; elle n'avait été faite que le lendemain du jour de la date qu'elle portait; la fausseté fut prononcée. Dans le cours de la procédure sur l'inscription de faux, le clamant, pour en éviter les suites, avait déclaré au clamé qu'il se desistait de sa clameur, et qu'il consentait qu'il rentrat en possession du fonds dont il avait fait délai.

» Le désistement détermina le juge à con

damner le sergent en 10 livres d'amende, en 1000 livres d'intérêts envers le clamé, et le priva de ses fonctions pour six semaines; au sur. plus, il renvoya le clamé en possession de l'hé. ritage, et lui accorda la restitution des fruits.

» Mais le clamant et sa femme obtinrent des lettres de rescision contre le désistement. Ils prétendirent qu'un mari n'avait pas pu, par un désistement, anéantir les droits acquis à son épouse: qu'elle était devenue propriétaire des l'instant du délai fait par le clamé, et de l'acceptation de ce délai par le clamant; que le mari n'avait pas pu lui ravir cette propriété, sous le prétexte d'une consignation qui était inutile, puisque le clamé avait déclaré l'en dispenser. » On leur répondit que, pour qu'une clameur fût consommée, trois choses étaient requises: la sommation, les offres acceptées et la réception des deniers; que les deux premières formalités avaient été remplies, que la dernière ne l'avait point été, et que, tant que les deniers n'avaient pas été reçus, la clameur était si peu effectuée que le clamant était resté maître de persister à offrir son argent ou de le refuser.

» Le juge de première instance debouta le clamant et son épouse de leurs lettres de rescision et sur l'appel, le 12 juin 1722, la cour confirma leur jugement, par le motif que la femme, en renonçant, avait, après le décès de son mari, un recours sur ses biens, s'il lui avait fait dommage; mais que, tant qu'il vivait, et tant que conséquemment elle ne renonçait pas à lui succéder, elle était tenue de ses faits ».

Un autre arrêt de la même cour juge que la révocation n'est pas même permise à la femme, lorsqu'elle est héritière de son mari.

« L'acquéreur d'une terre (c'est encore Houard qui parle) s'était, lors de l'acquisition, constitué une rente. Quelques années après, ayant, un matin, fait un contrat de racquit de la rente devant notaires, l'aprèsmidi du même jour, il passa devant un autre notaire un acte par lequel il déclara que le contrat du matin n'avait été fait par le créancier que par condescendance pour lui; et en effet, quoique son créancier lui eût remis aux mains le contrat de constitution de la rente, il continua de lui en payer les arrérages.

» Le créancier étant décédé, l'acquéreur donna procuration à sa femme pour obliger les héritiers du défunt à faire émarger du racquit le contrat; mais le débiteur de la rente mourut; et les assignés au nom du vendear, soutinrent que le contrat de racquit qu'on leur opposait, était un contrat simulé; ils présenterent la contre-lettre. La veuve du debiteur de la rente répliquait qu'un pareil

acte ne pouvait nuire aux droits que, par racquit fait par son mari, elle avait obtenus sur les fonds; qu'il y avait eu, par l'acte de racquit, novation dans la rente racquittée ; que le contrat d'amortissement l'avait éteinte; qu'en la recréant par la contre-lettre, l'hypothèque de cette rente se trouvait postérieure à celle de sa dot.

» Mais la veuve était héritière de son mari, et elle fut condamnée à la faisance de la rente, et aux dépens ».

IV. Il y a d'autres coutumes qui donnent au mari un pouvoir absolu sur tous les biens dre, les donner, en un mot les aliener comme de la femme, de manière qu'il peut les venles siens propres. Telles sont Douai, chap. 3, art. 3, et Bapaume, art. 17; tel est aussi l'usage de la Hollande, comme l'atteste Voët, sur les Pandectes, liv. 3, tit. 5, no. 7.

V. Nous rangeons dans la quatrième classe les différentes lois qui régissent la province de Hainaut.

Ce n'est pas néanmoins qu'elles aient entre elles beaucoup de connexité. On peut dire, au contraire, qu'elles différent autant les unes des autres que des coutumes étrangères; chacun de ceux qui les ont rédigées, s'est livré à ses propres idées, sans consulter celles de ses voisins; et de là est née cette bigarrure qui embarrasse le jurisconsulte et fait gémir le philosophe.

VI. Comme les chartes générales font loi dans tout le Hainaut, en matière de fiefs et de francs-alleux, la jurisprudence qu'elles ont introduite à cet égard, est uniforme dans toute la province.

ces lois : « Homme allié par mariage ne pourra Voici ce que porte l'art. 3 du chap. 94 de » vendre ni assujetir l'alloet ou fief venant » du côté de sa femme, sans enfans d'elle, » plus avant que durant le mariage, soit que » le fief vienne à ladite femme de son patri» moine en ligne collatérale, ou de son acquêt » auparavant mariage: mais ayant enfans, le » pourra faire pour toujours, moyennant le » consentement d'icelle ».

Ce texte nous présente trois dispositions. Premièrement, il résulte des mots, plus avant que durant le mariage, qu'un mari peut toujours, soit qu'il ait des enfans, soit qu'il n'en ait pas, aliener de lui-même les biens de sa femme, pour le temps du mariage.

Cette disposition est de droit commun, et elle est fondée sur une raison très-simple. C'est au mari qu'appartient la jouissance des propres de sa femme : le droit d'en recueillir et

de s'en approprier les fruits, est attaché à sa qualité de chef de la communauté; et la femme ayant abdiqué ce droit en se mariant, il est bien indifférent qu'elle consente ou qu'elle ne consente pas à l'aliénation que le mari voudrait en faire.

Aussi est-il de principe que la disposition faite par un mari, de la propriété même des biens de sa femme, subsiste au moins pendant le mariage, et donne à l'acquéreur le droit d'en jouir tout ce temps.

Je dis pendant le mariage, et je le dis d'après le texte même des chartes générales : il ne faut cependant pas prendre ces termes à la lettre; car si la communauté venait à se dissoudre avant la fin du mariage, soit par une séparation de biens, soit par la mort civile de l'un des époux, la femme pourrait dèslors rentrer dans la jouissance de ses biens aliénés, parceque son mari n'a pas pu transmettre à un tiers le droit d'en jouir plus longtemps qu'il n'aurait pu le faire lui-même ; c'est vraiment le cas de la maxime, resoluto jure dantis, resolvitur ejus accipientis. Pour soutenir le contraire, il faudrait aller jusqu'à dire que, par la séparation des biens, la femme n'acquiert pas le droit de demander la mainlevée des saisies pratiquées sur ses propres par les créanciers de son mari. Or, bien sûrement ce serait une erreur. V. l'article Séparation de biens, sect. 2, §. 5.

La seconde disposition de l'art. 3 du chap. 94, est qu'un mari ne peut pas, même avec le consentement de sa femme, aliéner les biens de celle-ci, lorsqu'il n'en a pas d'enfant vivant. Ainsi, dans ce cas, la jurisprudence du Hainaut se rapproche de celle des provinces d'Au vergne, de la Marche et des pays de droit écrit qui ne sont pas du ressort du parlement de Paris.

Enfin, le même article porte qu'un mari peut aliéner pour toujours les biens de sa femme, lorsqu'il existe des enfans de leur mariage, et qu'elle y consent.

Les chartes du Hainaut adaptent donc au cas où il se trouve des enfans, la disposition indefinie que renferme à cet égard la coutume de Paris et la plupart des autres.

On demandera sans doute pourquoi les législateurs du Hainaut ont accordé plus de pouvoir aux maris qui ont des enfans, qu'à ceux qui n'en ont pas ?

Deux raisons peuvent avoir motivé cette différence. Peut-être a-t-on voulu récompenser les premiers d'avoir donné des citoyens à l'État, à l'exemple des anciens Romains, qui, pour encourager la population, faisaient dépendre de la qualité de père, la capacité de

recevoir par testament ou par codicille. Peutêtre aussi, et c'est le plus probable, a-t-on cru qu'on ne risquait rien d'accorder à deux époux un droit dont la piété paternelle les empêcherait d'abuser, et qu'il convenait d'ailleurs de leur faciliter les moyens de soutenir leur famille et de procurer des établissemens à leurs enfans.

Quoi qu'il en soit, les dispositions que nous venons d'analyser, ne comprennent, comme on l'a dit, que les fiefs et les francs-alleux. Voyons ce qui concerne les mainfermes. C'est principalement sur les biens de cette nature que tombe, en Hainaut, la discordance de lois dont on a parlé ci-dessus.

VII. Pour juger, en Hainaut, de l'étendue de la Puissance maritale par rapport à l'aliénation des main fermes de la femme, il faut distinguer sous quel chef-lieu ces biens sont

situés.

VIII. Les main fermes du chef-lieu de la cour suivent, à cet égard, la règle établie pour les fiefs et les francs-alleux.

IX. Ceux des chefs-lieux de Mons et de Valenciennes sont régis par des principes tout différens

Les coutumes de ces deux arrondissemens s'accordent à interdire au mari tout acte d'aliénation relatif aux biens de sa femme, tant qu'il en a lui-même dans leur ressort,

« Nul, quel qu'il soit (porte le chap. 12 de » celle de Mons) possessant heritages ou ren»tes de par sa femme, ayant néanmoins » enfant d'elle, ne puisse vendre, déshériter, » charger, conditionner, aliener, fourfaire » par possession ni autrement, l'héritage ve»nant par sadite femme, tant qu'il ait rente » ou héritage de main ferme, dont il soit » jouissant et possessant, venant de son pa» trimoine ou d'acquêt, és métes du chef» lieu de Mons...... ».

Les art. 54 et 55 de la coutume de Valen. ciennes renferment la même disposition :

« Un mari ne peut vendre les héritages de sadite femme, si longuement qu'il ait héritage ou rente immeubiliaire à lui appartenant.

» Le mari ne pourra pareillement charger ni rapporter les héritages et rentes de sa femme, ne fut qu'au préalable il eût chargé ou rapporté tous ceux qu'il aura tant en ladite ville, banlieue, que chef-lieu d'icelle ».

Quelque singulières que nous paraissent aujourd'hui ces dispositions, elles ne laissent pas d'être formées sur le modèle d'un usage qui se pratiquait autrefois dans plusieurs con

trées de la France. Le pape Honoré III nous apprend, par une de ses décrétales, rapportée dans la collection de Grégoire IX, au titre de Consuetudine, qu'on en usait ainsi à la Rochelle (1). Mais, en même temps, il anathématise cet usage; et il dispense formellement de l'obligation de s'y conformer, les personnes qui le regardaient comme une loi.

Nous ne nous arrêterons pas à faire remarquer l'étrange abus de pouvoir que commet en cela le souverain pontife. Nous observerons seulement que les reproches qu'il fait à cette coutume, ne peuvent pas s'appliquer aux lois municipales de Mons et de Valen. ciennes. Les dispositions que l'on vient de rapporter, exigent, il est vrai, qu'un mari n'ait plus de biens de son côté, pour pouvoir aliener ceux de sa femme; mais il ne suit point de là qu'il suffise à un mari d'être ruiné pour être en droit de ruiner sa compagne : la condition de n'avoir plus de mainferme dans le ressort de ces deux coutumes, est bien la condition première, fondamentale et sine quả non, du pouvoir qu'elles lui accordent ; mais ce n'est point la seule, comme on le verra ci-après, et elle ne sert de rien si elle ne concourt avec les autres.

X. On peut cependant éluder la rigueur de cette condition; et ce qu'il y a de singulier, c'est que les coutumes dont nous parlons, en ont elles-mêmes indiqué un moyen fort simple, à la vérité, mais bien peu légitime : c'est de jurer, dans les devoirs de loi, qu'on n'a plus d'immeubles dans le chef-lieu où la femme possède l'héritage qu'on veut aliener; ce serment, quoique faux, rend l'alienation valable, sans néanmoins mettre le mari parjure à l'abri des peines décernées contre ces sortes de crimes.

(1) Voici ce qu'il écrit aux officiers municipaux de cette ville: Ex parte vestrá fuit propositum coram nobis, quod in terrâ vestra sunt hactenus dua consuetudines abusive: una siquidem hæc est, quòd si fortè indigena vel extraneus, prodigalitatis vitio, vel incuria, seu quocunque casu alio, dissipaverit vel amiserit omnia bona sua, bona uxoris suæ quantocunquè laudabilis et honestæ vitæ, tam mobilia quàm immobilia, pro voluntatis suæ arbitrio, alienat: quare fit interdùm ut, viro defuncto, uxor remaneat indotata, et superstites filii extremæ subjaceant incommodis paupertatis.... quare super his providere vobis per sedem apostolicam supplicanter postulatis. Nos itaque saluti et utilitati vestræ provide consulere cupientes tenore præsentium declaramus vos non teneri ad hujusmodi consuetudines, tanquam juri contrarias, observanda's.

C'est la disposition précise du chap. 12 de la coutume de Mons. Après avoir établi qu'un mari doit avoir aliéné tout ce qu'il possède dans le chef-lieu, avant de pouvoir toucher au patrimoine de sa femme, il ajoute : « et » qu'ès œuvres de loi qui s'en devront faire, » les sermens des vendeurs, acheteurs et loi » soient faits, gardes et observés comme par » cy-devant, mesme ainsi escrit ès lettria»ges de ce faisant mention, ou autrement » ne seront de valeur; et moyennant les cho»ses ainsi conduites et faites, devront telles » œuvres de la loi valoir à toujours, supposé » qu'en temps advenir fust trouvé du con» traire ».

L'art. 56 de la coutume de Valenciennes n'est pas moins précis : « si le mari vendant, » chargeant ou rapportant le bien de sa » femme, affirme par serment solennel n'avoir >> héritage ou rente immeubiliaire de son lez et » costé en notredite ville, banlieue et chef» lieu d'icelle, et qu'en après le contraire >> soit trouvé variable, la vente, charge et » rapport seront vaillables, et sortiront ef» fet; mais icelui sera puni comme faussaire, » et poursuivable pour l'équivalent en son » bien ».

Cette disposition paraît tirée de ce principe du droit romain, que, quand il s'agit de serment prêté, la seule question à examiner est de savoir si vraiment la prestation en a été faite (1). Mais il est évident que les rédacteurs ont fait de ce principe une application tres vicieuse. Il n'y a que le serment déféré en justice par un plaideur à son adversaire, qui puisse terminer irrévocablement une affaire; celui qui est déféré d'office par le juge, n'a pas la même force; quand on peut en démontrer la fausseté, l'effet qu'il avait produit, tombe et s'évanouit de lui-même. La loi 51, D. de jurejurando, en contient une décision expresse; et elle s'applique naturellement à celui dont la prestation est ordonnée par une loi. C'est donc mal à propos que les coutumes de Mons et de Valenciennes attribuent au parjure d'un mari la vertu de valider l'aliénation qu'elles lui défendent. Donner un tel prix au crime, c'est inviter bien efficacement à le commettre. L'intérêt des tiers- acquéreurs l'a emporté, dans l'esprit de ces lois, sur l'intérêt de la femme; de manière que celle-ci devient souvent, par la perte de son patrimoine, la victime malheureuse de l'atta

(1) Delato jurejurando, non aliud quæritur quàm an juratum sit. Loi 5, §. a, D de jurejurando.

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