1790, non-seulement les biens qui, avant la révolution, étaient reconnus pour allodiaux, mais encore ceux qui avaient alors, soit le caractère de fiefs, soit celui de mainfermes. V. l'article Franc-Alleu, S. 32. XVIII. Quel est donc aujourd'hui, soit dans le Hainaut, soit dans les autres pays que l'on appelait autrefois coutumiers, le pouvoir du mari en ce qui concerne l'aliénation des biens de sa femme? Il faut distinguer: ou la femme a été mariée sous le régime dotal, ou elle a été mariée sous le régime de la communauté. Au premier cas, la règle générale est que le mari ne peut, même avec le consentement de sa femme, aliéner ceux des propres de celle-ci qui lui tiennent nature de dot; mais qu'il peut, avec son consentement, aliéner les biens qu'elle possède comme paraphernaux. V. les articles Dot, S. 3, et Paraphernal. Au second cas, le mari peut, avec le consentement de sa femme, aliéner tous les biens qu'elle possède comme propres. C'est ce qui résulte de l'art. 1428 du Code civil. XIX. Mais ces règles sont-elles applicables aux femmes qui étaient mariées avant que le Code civil eût abrogé les anciennes lois et les anciennes coutumes? Voici une espèce dans laquelle j'ai traité cette question. Le 13 septembre 1791, contrat de mariage devant notaire à Caudebec, entre le sieur Sombret, domicilié à Abbeville, et la demoiselle Guillebert, née et domiciliée en Normandie. Par cet acte, les futurs époux stipulent « qu'ils seront communs en tous biens, >>> meubles et conquêts immeubles, suivant >> la coutume de Ponthieu, qui régit la ville >>> d'Abbeville où ils vont établir leur domi>>>> cile >». En 1806 et 1807, la dame Sombret souscrit, solidairement avec son mari, divers billets à ordre, au profit du sieur Leullier, agent de change à Abbeville. A l'échéance de ces billets, le sieur Leullier obtient, au tribunal de commerce d'Abbeville, des jugemens qui condamnent les sieur et dame Sombret à lui en payer le montant. Peu de temps après, la dame Sombret recueille la succession de son frère, consistant en immeubles situés dans la ci-devant Normandie. Le 20 août 1808, le sieur Leullier prend au bureau des hypothèques d'Yvetot, en vertu des jugemens du tribunal d'Abbeville, des inscriptions hypothécaires sur ces immeubles. Et le 13 juin 1809, il fait un commandement à la dame Sombret de lui payer le montant de ses condamnations; à défaut de quoi, il lui déclare qu'il poursuivra la saisie immobilière des biens dont il s'agit. La dame Sombret demande la nullité des inscriptions hypothécaires. Le 17 août de la même année, jugement contradictoire par lequel, « Considérant que la dame Sombret a été mariée sous la coutume de la province de Normandie où elle demeurait; que cette coutume était un statut réel auquel il n'était pas permis de déroger par rapport aux biens de son art. 389, la communauté de biens qu'elle régissait; que, d'après les dispositions entre époux ne pouvait pas être établie; que la stipulation de la communauté qui se trouve dans le contrat de mariage de la dame Sombret, doit conséquemment être envisagée comme nulle; >> Considérant que les droits des époux sont assurés par la loi existante lors de leur union, et que les lois postérieures qui l'abrogent, ne peuvent lui porter atteinte; que, si, d'un côté, dans le cas prévu par l'art. 538 de la coutume de Normandie, une femme mariée lorsque cette coutume était encore dans toute sa vigueur, pouvait valablement consentir, de l'autorité de son mari, ou des ventions; de l'autre côté, les art. 539, 540 et tes ou des hypothèques qui sont des aliéna542 de la même coutume la préservaient, durant son mariage, non-seulement de la perte de ses biens immeubles dotaux, mais encore de ses autres biens immeubles à elle échus constant ce mariage, soit à droit de succession, donation, acquisition, soit autrement; que le lien qu'elle a formé, ne l'a été que sous cette garantie, et qu'elle ne doit pas être trompée; >> Considérant qu'en ce cas, le droit d'exercer sa récompense du prix de ces ventes ou du montant de ces hypothèques, sur la fortune de son mari, ou, s'il en était dépourvu, de les révoquer, sauf aux acquéreurs à lui payer le juste prix de ses biens aliénés, a été irrevocablement acquis lors de la célébration de son mariage; que, par une juste application de ces principes certains à l'espèce particulière, les jugemens que le sieur Leullier a obtenus contre la dame Sombret, en conséquence des obligations qu'elle a contractées à son profit, solidairement avec son mari, depuis leur mariage, ne pourraient avoir d'effet sur les biens de la dame Sombret, qu'autant qu'elle pourrait, sur ceux de son mari, recouvrer la valeur des condamnations que prononcent ces jugemens; >> Considérant que le sieur Sombret est en état de faillite; qu'il est constant qu'il n'a aucuns biens qui puissent fournir cette valeur à son épouse; que les biens de celle-ci ne doivent donc pas être passibles de l'exécution des jugemens dont il s'agit; qu'il suffit que l'autorité de la loi régnante à l'époque du mariage de la dame Sombret, l'ait investie, au moment même de sa célébration, du droit de réclamer, après sa dissolution ou après sa séparation civile, la totalité, ou de ses biens immeubles, tant dotaux que non dotaux, ou de leur valeur, ainsi que cette loi le déter minait, pour que le Code civil, survenu nombre d'années après ce mariage, n'ait pu l'en dépouiller; > Considérant que ce Code n'a point et qu'on ne doit pas lui donner d'effet rétroactif; qu'il est vrai qu'à l'égard des droits des époux mariés avant sa publication, il restera un certain temps assez long sans exécution, mais que cet inconvénient est moindre que celui de violer la foi des pactions légales, sans l'existence desquelles ces époux n'eussent peut-être pas contracté; >> Le tribunal......, faisant droit aux parties, condamne le sieur Leullier, sous la contrainte de 5000 francs, à donner à la dame Sombret main-levée des inscriptions par lui prises au bureau de la conservation des hypothèques établi à Yvetot, le 20 août 1808, vol. 27, nos. 39, 40 et 41, et condamne ledit Leullier aux dépens ». Mais le sieur Leullier appelle de ce juge. ment; et par arrêt du 10 août 1810, << Vu le contrat de mariage passé devant le notaire de Caudebec, le 13 septembre 1791, duquel il résulte que les époux se sont mariés suivant le régime de la communauté, aux termes de la coutume de Ponthieu, sous l'empire de laquelle ils allaient habiter, et ont dérogé, par une clause expresse, à toute autre coutume; » Attendu que la liberté des conventions matrimoniales est du droit naturel et des gens, et que le Code civil qui l'a consacrée, n'a fait que proclamer un principe préexistant, contre lequel viennent se briser toutes jurisprudences contraires; et que ce principe est surtout applicable à l'espèce de la cause, où il s'agit de biens échus à la femme Som bret, d'une succession collatérale, postérieurement à la promulgation du Code civil; > La cour (d'appel de Rouen) met l'appellation et ce dont cst appel au néant; emen dant, déclare la dame Sombret non-recevable dans sa demande en main-levée des inscriptions prises sur ses biens par les sieur Leullier ». Recours en cassation de la part de la dame Sombret. « La dame Sombret (ai-je dit à l'audience de la section civile, le 19 août 1812) était-elle en communauté de biens avec son mari, lorsqu'elle a contracté, envers le sieur Leullier,. les obligations par suite desquelles celui-ci a pris des inscriptions hypothécaires sur les immeubles dont il s'agit ? C'est la première et presque la seule question qui, dans cette affaire, a occupé la cour de Rouen. » Examinons d'abord si la cour de Rouen l'a jugée conformément aux vrais principes. Nous verrons ensuite si de la solution qu'elle lui a donnée elle a tiré une conséquence avouée par les lois. » L'art. 389 de la coutume de Normandie déclarait que les personnes mariées n'étaient pas communes en biens. >> Les art. 331 et 393 donnaient à la femme, au décès de son mari, tantôt le tiers et tantôt la moitié de ses meubles, tantót la moitié, tantôt le tiers en propriété, et tantôt le tiers en usufruit, de ses conquêts. >> Et l'art. 330 ajoutait: Quelqu'accord ou convention qui ait été fait par le contrat de mariage et en faveur d'icelui, les femmes ne peuvent avoir plus grande part aux conquêts faits par le mari, que ce qui leur appartient par la coutume à laquelle les contractans ne peuvent déroger. >> Cette disposition avait paru à tous les commentateurs de la coutume de Normandie, équipoller à une prohibition absolue de la stipulation de communauté; et il n'y avait jamais eula moindre difficulté l'à-dessus entre époux normands. >> Mais la prohibition de la communauté entre époux normands, empêchait-elle que la communauté n'eût lieu, même pour les conquêts situés en Normandie, entre un mari et une femmedont le domicile matrimonial était hors de cette contrée? >> Les jurisconsultes normands soutenaient que, même en ce cas, les biens conquêts de Normandie n'entraient pas dans la communauté: mais ils convenaient, ce quirevenait à peu près au même, que, si alors la femme ne prenait point part aux conquêts de Normandie, en qualité de commune, du moins il lui en appartenait la moitié à titre de dommages-intérêts. >> Mais les jurisconsultes parisiens soutenaient, et le parlement de Paris jugeait cons tamment, qu'en ce cas, la femme était, de plein droit, commune en Normandie comme ailleurs. Consultant une pareille difficulté (dit Tronçon, sur l'art. 230 de la coutume de Paris) avec Marie-Anne Robert, il me donna avis que la coutume de Normandie, bien que prohibitive, n'avait lieu et ne se doit entendre sinon contre ceux du pays qui y demeurent et y contractent; mais quant à ceux dudit pays qui se marient à Paris, et y passent leur contrat de mariage avec filles ou femmes veuves qui n'y sont demeurantes, peuvent stipuler communauté de biens qui seront acquis en Normandie, en renonçant expressément à la coutume, avec déclaration expresse qu'ils entendent régler leurs conventions selon la coutume de la prévôté et vicomté de Paris, sous la juridiction et scel de laquelle prévóté sera passé le contrat de mariage, avec élection de domicile perpétuel et irrévocable en ladite ville, pour l'exécution du contrat. En ce cas, la coutume de Normandie, bien que réelle, contraire à cette convention, sera contrainte et nécessitée de suivre la loi de convention personnelle, qui emporte la réelle comme la plus noble. Car les coutumes sont réputées réelles, en ce qui dépend de la simple disposition de la coutume; secùs, quand il s'y rencontre de la disposition de l'homme, auquel cas elle empéche la réalité, faisant prévaloir sa disposition par-dessus celle de la coutume. En pareille stipulation et conven. tion de communauté par contrat de mariage passé à Paris, ainsi qu'il a été dit, la cour a jugé que l'on ne considère pas les coutumes où sont les choses acquises, mais le lieu où le contrat de mariage a été passé, qui a réglé la communauté et le domicile actuel des contractans. Arrêts du parlement de Paris, le premier, du 11 juin 1572, donné au profit du sieur Villebon, de la maison Destouteville ; l'autre, prononcé en robes rouges, le 12 mai 1595, au profit de la veuve de Larchen. » Et de là il suit nécessairement qu'il en cût été de même si, comme dans notre espèce, une femme née et domiciliée en Normandie, cût épousé un homme domicilié dans une coutume qui admettait la communauté, soit légale, soit conventionnelle, quoique d'ailleurs, comme dans notre espèce, le contrat de mariage eût été passé dans le lieu du do. micile de la femme. Car, en quelque lieu que se contracte le mariage, il est toujours censé, relativement aux droits des époux, se contracter dans le lieu où ils vont s'établir immédiatement après la cérémonie nuptiale; et c'est toujours ce lieu qui constitue ce qu'on appelle le domicile matrimonial. La loi 65, D. de judiciis, en contient une disposition expresse (1). >> Ainsi, nul doute que la cour de Rouen n'ait bien juge, en déclarant que la dame Sombret avait été commune avec son mari, par l'effet de la stipulation de communauté qu'ils avaient insérée dans leur contrat de mariage; et que, quoiqu'ils se fussent mariés en Normandie, il suffisait qu'ils l'eussent fait avec l'intention d'aller demeurer dans la coutume de Ponthieu, pour qu'ils fussent censés mariés dans la coutume de Ponthieu elle même. >> Mais est-ce à dire pour cela que la cour de Rouen a également bien jugé? Est-ce à dire pour cela qu'elle n'a violé aucune loi, en décidant que la dame Sombret avait pu hypothéquer ses immeubles normands, ou, ce qui est la même chose, que les immeubles normands de la dame Sombret avaient pu être frappés d'hypothèques en vertu de jugemens rendus contre elle ? >> L'affirmative serait incontestable, si, avant le Code civil, de ce qu'une femme était en communauté de meubles et de conquêts avec son mari, il se fût nécessaire ment ensuivi qu'elle pouvait, l'autorisation de son mari, aliéner irrévocablement ses propres. avec >> Mais qu'avait alors de commun le statut qui admettait, excluait ou prohibait la communauté, avec le statut qui déterminait l'habileté ou l'inhabileté de la femme à hypothéquer ou aliéner ses propres? Et où a-t-on vu qu'il fût alors conséquent de dire: telle femme est ou a pu être commune: donc ses propres sont alienables; telle femme n'a pas pu stipuler de communauté : donc elle ne peut pas aliener ses propres? >> Sans doute, dans la coutume de Paris et dans un grand nombre d'autres qui admettaient la communauté, la femme pouvait, avec l'autorisation de son mari, aliéner incommutablement ceux de ses biens qui n'entraient pas dans la communauté même; mais ce pouvoir, elle ne le tenait, ni de sa qualité de commune, ni de son habileté à le devenir, si elle l'eút voulu, si elle n'eût pas dérogé, par son contrat de mariage, à la communauté légale; elle ne le tenait que de la manière dont la loi avait pourvu à la conservation de ses biens; et la loi, en y pourvoyant, n'avait pas considéré sa qualité de femme commune, elle n'avait considéré que sa qualité de femme mariée. (1) V. l'article Conventions matrimoniales, §. 2. » Les chartes générales de Hainaut admettaient bien constamment la communauté. Cependant, lorsqu'une femme avait des enfans, elle ne pouvait, même avec l'autorisation de son mari, aliéner les fiefs ni les biens allodiaux qu'elle possédait sous l'empire de ces lois. C'est ce que ces lois déclaraient ellesmêmes, chap. 94, art. 3. >>> La coutume de Valenciennes admettait bien constamment la communauté. Cepen. dant elle ne permettait à la femme d'aliéner les mainfermes qui lui tenaient nature de propres, qu'après l'entier épuisement du patrimoine de son mari. Telle était la disposition expresse des art. 54, 55 et 57 de cette coutume. >> La coutume de Mons admettait bien constamment la communauté. Cependant, Jorsqu'un homme avait, suivant l'expression de cette coutume, femme première et enfans vivans d'elle, il pouvait aliener les propres de cette femme, et même en disposer à son profit personnel, sans qu'elle y consentit et à son insçu. Cela était ainsi réglé par un célébre décret des archiducs Albert et Isabelle, du 20 mars 1606. la qualité des statuts, page 1014, rend le même témoignage de la jurisprudence du parlement de Paris. » On a demandé (dit-il) une infinité de fois, si la femme domiciliée à Paris, qui pouvait engager, par des contrats par elle faits conjointement avec son mari, les immeubles qu'elle avait sous la coutume de Paris et autres semblables, avait la méme faculté par rapport à ceux qu'elle possédait en Normandie ; et le parlement de Paris, s'ap. puyant sur les art. 539 et 540 de la coutume de cette province, qu'il a regardée comme des statuts réels, a perpétuellement jugé qu'elle ne l'avait pas. C'est la décision précise des arrêts de Fisque, dc Flavacourt, de Béthume-d'Orval et d'une infinité d'autres, qui n'ont point eu égard à la loi du domicile et, qui, au contraire, ont fait valoir celle de la situation des biens. >> Le même auteur, pages 1047 et suivantes, rend un compte fort détaillé d'une conférence, tenue à la bibliothèque des avocats au parlement de Paris, en présence de M. l'avocat général Lamoignon, le 31 décembre 1718, dont le résultat fut que la femme domiciliée en Normandie, ne pouvait inquiéter les acquéreurs des biens aliénés par elle et son époux, sous la coutume de Paris, et que la femme qui avait son domicile à Paris était bien fondée à exercer l'action subsidiaire que la coutume de Normandie lui déferait pour les biens situés dans son ressort, quand ceux de son mari n'étaient pas suffisans pour lui donner sa récompense. >> Enfin, nous l'avons déjà dit, lorsque deux époux s'étaient mariés dans une coutume qui admettait la communauté, ils étaient communs, non-seulement quant aux meubles qui leur échéaient respectivement, et quant aux conquêts qu'ils faisaient dans cette coutume et dans toutes celles où la communauté était de droit ou permise; mais encore quant aux meubles qui leur échéaient et quant aux conquêts qu'ils pouvaient faire dans la coutume de Normandie, quoique d'ailleurs celle-ci exclût et même prohibát la communauté. Cependant si une femme mariée dans la coutume de Paris, possédait des biens propres dans la coutume de Nor-bre 1685, 13 août 1686, 4 septembre 1688, mandie, son mari avait beau l'autoriser à les vendre ou à les hypothéquer, elle ne pouvait pas les vendre ou les hypothéquer incommutablement; elle ne pouvait les vendre ou les hypothéquer qu'avec la réserve toujours sous-entendue par le statut normand, de son recours contre les tiers-acquéreurs, en cas que son mari se trouvát, par le mauvais état de ses affaires, hors d'état de l'en récompenser. >> C'est ce qu'avaient jugé une foule d'ar rêts. >>> Basnage, sur l'art. 539 de la coutume de Normandie, en rapporte trois du parlement de Rouen, des 20 décembre 1617, 9 mars 1679 et 18 juin 1680. >>> Froland, dans ses mémoires concernant >> Il revient encore sur la question dans ses mémoires sur le sénatus-consulte Velleïen, part. 2, chap. 3; et il rapporte, dans le plus grand détail, six arrêts du parlement de Paris, des 6 septembre 1664, 7 septem 20 juin 1689 et 26 août 1700, qui jugent uniformément pour la réalité du statut résultant des art. 539 et 540 de la coutume de Normandie. » Ainsi, rien à conclure de la théorie de la communauté à la théorie de l'aliénation des propres de la femme. Le statut de la communauté est purement personnel; il ne dépend que du domicile matrimonial: le statut de l'aliénation des propres de la femme est absolument réel; il ne dépend que de la situation des biens. >> Mais d'après cela, il paraît, au premier coup d'œil, bien difficile de justifier l'arrêt qui vous est dénoncé par la dame Sombret. >> Pour l'apprécier avec justesse, plaçonsnous d'abord dans une hypothèse qui n'est pas celle de la cause: supposons qu'il soit ici question de biens échus à la dame Sombret, avant le Code civil. » Dans cette hypothèse l'arrêt viole-t-il l'art. 542 de la coutume de Normandie ? >> Vous savez, messieurs, que cet article, ajoutant aux dispositions des art. 539 et 540, relatives aux biens dotaux de la femme, dé. clarait, à l'égard des biens non dotaux échus à la femme pendant le mariage, par succession, donation, acquisition ou autrement, (que) s'ils étaient aliénés par la femme et le mari ensemble ou par la femme du consentement et autorité de son mari, et que l'argent provenant de la vente, n'eût été converti au profit de la femme, elle devait avoir récompense sur les biens de son mari; et où le mari serait non-solvable, subsidiairement contre les détenteurs desdits biens, lesquels en seraient quittes en payant le juste prix d'iceux, eu égard à ce qu'ils valaient lors du contrat. >> Il résulte bien nettement de cet article, que la femme ne pouvait aliéner ses immeubles, même non dotaux, qu'à la charge d'un remplacement valable, que les acquéreurs étaient subsidiairement tenus de lui fournir. >> Or, comment aurait-elle pu hypothéquer des immeubles qu'elle ne pouvait aliéner que sous cette charge ? >> L'hypothèque n'est qu'un vain mot, elle n'est rien si elle ne confère au créancier à qui elle est accordée, le droit de faire vendre judiciairement l'immeuble qu'elle affecte, pour en appliquer le prix au paiement de sa créance; et assurément le créancier à qui une femme aurait accordé une hypothèque sur ses immeubles normands, n'aurait pas pu les faire vendre pour s'en approprier le prix, puisqu'il aurait été lui-même obligé de remployer ce prix ou profit de la femme, et qu'à défaut de remploi, la femme aurait pu reprendre ses immeubles en nature dans les mains des acquéreurs. >> La dame Sombret était donc incapable d'hypothéquer ses immeubles normands, par cela seul qu'elle était incapable de les vendre sans charge de remploi, et sans recours subsidiaire contre les acquéreurs pour l'accomplissement de cette charge. Et par conséquent, s'il est ici question de vrais immeubles normands, la cour d'appel de Rouen a violé, en jugeant que la dame Sombref avait pu les hypothéquer, l'article de la coutume qui lui en interdisait la vente incommutable. >> De quel prétexte pourrait-on chercher à couvrir une contravention aussi manifeste? >> Dira-t-on que la dame Sombret n'a souscrit les billets et subi les condamnations en vertu desquels ont été prises les inscriptions hypothécaires maintenues par la cour d'appel de Rouen, que postérieurement à la mise en activité du Code civil, et par conséquent à une époque où la coutume de Normandie n'existait plus? >> Mais raisonner ainsi, ce serait donner au Code civil un effet rétroactif; ce serait contrevenir formellement à l'art. 2 de ce Code. >> La dame Sombret s'est mariée avant le Code civil; elle s'est mariée dans un temps où l'art. 542 de la coutume de Normandie était encore dans toute sa vigueur; elle s'est donc mariée avec l'assurance que l'art. 542 de la coutume de Normandie la protégerait contre toute aliénation qu'elle pourrait faire de ses immeubles normands; elle s'est donc mariée sous la foi de la promesse que lui faisait cette coutume, de la faire rentrer dans ses biens, ou dans la valeur de ses biens normands, qu'elle aurait la faiblesse d'aliéner pendant son mariage. L'art. 542 de cette coutume a donc survécu, pour elle, à la mise en activité du Code civil. >> Telle est la conséquence du principe qui veut que les droits des époux, notamment en ce qui concerne la capacité ou l'incapacité d'aliéner, résultant de leur qualité même d'époux, se règlent, non par la loi du temps où se fait l'acte d'aliénation qu'il s'agit d'apprécier, mais par la loi du temps où a été célébré le mariage. >> Et ce principe mérite ici d'autant plus de considération, que la cour elle-même l'a formellement consacré, pour le ci-devant Roussillon et la ci-devant Normandie, par quatre arrêts également remarquables. » Le 15 décembre 1777, contrat de mariage entre le sieur Cavaller et la demoiselle Novira, tous deux domiciliés à Perpignan. La demoiselle Novira se constitue en dot tous ses biens présens et à venir. » En 1805, la dame Cavaller s'oblige solidairement avec son mari, envers le sieur Marquier, pour une somme de 21,103 francs, et elle affecte au paiement de cette somme, ses biens dotaux situés dans le ci-devant Roussillon. En conséquence, le sieur Marquier prend sur ses biens une inscription hypothécaire. >>> Le 13 juin 1806, la dame Cavaller fait as. signer le sieur Marquier au tribunal de première instance de Perpignan, pour voir dire que la clause de l'acte de 1805 par laquelle |