défaut d'autorisation paternelle ne saurait y annuler un contrat fait par un majeur, qui, à raison de son domicile séparé de celui de son père, passe, dans l'esprit de tout le monde, pour émancipé, et capable de s'obliger. C'est d'ailleurs la décision expresse de la loi 3, D. ad senatus-consultum Macedo nianum. En second lieu, il est indubitable que le défaut d'émancipation judiciaire ne peut pas empêcher un enfant qui tient ménage à part, de disposer à cause de mort, des biens dont il a la pleine propriété. L'art. 5 du chap. 32 des chartes generales le prouve clairement, par la faculté qu'il donne aux majeurs de dix-huit ans seulement, quoiqu'en Puissance de père et de mère, de tester de tout ce qu'ils gagnent par leur art, services ou industrie, en se nourrissant et s'entretenant à leurs propres frais. Le même texte défend aux créanciers des péres et des mères de toucher aux acquisitions faites par les enfans que ceux-ci tiennent sous leur Puissance, sans les nourrir et entretenir; ce qui doit, à plus forte raison, s'appliquer à un enfant majeur qui a une habitation séparée de son père. On peut donc assurer que la séparation de demeure opére, en Hainaut, la même émancipation tacite que dans les autres provinces. Aussi trouvons-nous, dans un manuscrit qui nous a été communiqué par un magistrat du conseil souverain de Mons, un arrêt de cette cour, de 1705, qui, par ce motif, a déclaré le sieur du Maisnil capable d'ester en jugement, quoique son père vécût encore, et qu'il ne rapportát point d'acte d'émancipation. II. Mais combien faut-il de temps au fils de famille qui a un domicile séparé de celui de son père, pour être réputé affranchi de sa Puissance? Il y a là-dessus quatre avis différens : le premier fixe le temps de cette séparation à un seul instant; le deuxième à l'an et jour; le troisième à dix ans, et le quatrième à vingt ans. La première de ces opinions n'a pour partisan que l'auteur d'une consultation insérée à la suite des œuvres posthumes de Duplessis (Consult. 7, pages 33 et 34). Il prétend qu'il n'y a aucune raison pour exiger, en cette matière, une séparation de dix ans, ou d'un plus long terme; qu'à la vérité, quelques auteurs ont cru qu'il fallait an et jour; mais que l'opinion la plus régulière est qu'il n'y a point de temps fatal: parceque, dit-il, dès que le père permet à son fils de vivre libre, qu'il a connaissance de la possession où est son fils de son état, et qu'il ne s'y oppose point, il est présumé l'avoir affranchi de sa Puissance, ce qui peut se faire en un instant. Mais cet avis suppose que le consentement du père suffit seul pour opérer l'émancipation du fils, tandis que, suivant les lois les plus formelles, il ne peut avoir cet effet que lorsqu'il est, ou donné expressément devant le juge, ou suivi, pendant quelque temps, d'une habitation séparée. << D'ailleurs (comme le dit le président Bouhier) il est de règle que le père ne peut perdre, malgré lui, un avantage aussi considerable que celui de la Puissance paternelle, dont le prix, suivant les lois, est inestimable. Il est vrai que le père est présumé avoir consenti à l'émancipation de son fils, en souffrant qu'il ait tenu en son chef un domicile séparé du sien; mais cette présomption ne peut s'induire que par un certain progrès de temps. Car, quand on supposerait qu'il a eu d'abord connaissance de ce domicile séparé, il faut bien lui donner du loisir pour se consulter, aussi bien que pour s'informer des mœurs et de la capacité de son fils, s'il s'est établi dans un autre lieu que celui de sa patrie, et pour l'avertir même, s'il le juge à propos, de retourner à la maison paternelle. Il n'est donc pas possible qu'un instant suffise pour opérer cette émancipation. >> Que l'on consulte les lois qui ont établi de pareilles présomptions, on verra que, pour les produire, elles ont exigé un certain intervalle de temps. Par exemple, pour savoir si le fils de famille, lequel s'est mis en possession d'une succession qui lui a été déférée, est présumée l'avoir fait de l'agrément de son père, afin de lui acquérir, il a été décidé qu'il faut que cette possession ait duré per longum tempus. >> Et, sur le fait même dont il s'agit, les lois n'ont admis la présomption contre le père, que quand il a souffert pendant long-temps, cùm diù passus sit, que son fils vécût en père de famille. Sur quoi Godefroi remarque que c'est par une espèce de prescription que le fils de famille, en ce cas, acquiert l'affranchissement de la Puissance paternelle. Or, toute prescription suppose un certain temps de possession, et par conséquent ne peut s'acquérir en un instant ». La deuxième opinion est soutenue par Taisand, sur la coutume de Bourgogne. L'art. 5 du tit. 6 de cette loi porte en général, que << le fils ou fille étant hors d'áge de pupillarité, >> tenant feu et lieu en son chef ou séparé> ment de son père, est réputé émancipé de >> sondit père ». Le commentateur demande combien doit durer cette séparation pour produire un pareil effet; et il répond qu'il suffit qu'elle dure un an et un jour. C'est en effet će que déclarent les coutumes de Poitou, art. 312; de Bordeaux, art. 2; d'Angoumois, art. 120; et de Saintonge, art. 2. Mais la jurisprudence qu'elles se sont faite, ne peut être considérée comme un droit commun, ni même être appliquée à la coutume de Bour gogne. C'est ce qu'établit parfaitement le président Boubier. « 10 (Dit-il) puisque notre coutume nous renvoie au droit écrit pour ce qu'elle ne décide pas, c'est ce droit, et non celui de quelques communes éloignées, que nous devons consulter sur cette matière, d'autant plus que, pour la rédaction de cet article, les lois romaines paraissent avoir servi de modèle à nos législateurs, lesquels ne connaissaient guère les autres coutumes, qui n'étaient pas encore rédigées par écrit. Or, les lois romaines se servent, à cette occasion, du terme diù, auquel on donne communément plus d'étendue, comme on le verra dans la suite. > 2o Il n'y a aucune des coutumes ci-dessus dont la disposition puisse convenir à la notre; car presque toutes celles qui se contentent de la séparation par an et jour, comme celles de Poitou, 'd'Angoumois et de Saintonge, parlent de l'enfant marié; ce qui fait une différence essentielle, et même moins favorable à l'enfant, que notre statut par lequel le mariage seul émancipe. Il n'y a que la coutume de Bordeaux qui accorde l'émancipation au fils séparé par an et jour, quoiqu'il ne soit point marié; mais aussi exige-t-elle qu'il ait ingt-cinq ans, circonstance qui rend l'émancipation plus favorable qu'au cas de notre coutume, où il s'agit de l'accorder à des enfans de douze et de quatorze ans : ce que nos commentateurs trouvent assez étrange, et le serait fort en effet, si l'on suivait le sentiment de ceux qui se contentent du silence du père pendant un temps aussi court que l'an et jour, pour opérer l'émancipation tacite ». Cette doctrine a été confirmée par un arrêt bien formel du parlement de Paris. Le sieur Mille, avocat, fils de M. Mille, conseiller au parlement de Dijon, vint à Paris à l'âge de vingt-six ans, pour y suivre quelque temps le barreau. Il loua un apparte ment, le garnit de meubles, y tint son mé nage, paya la capitation comme les autres bourgeois, exerça publiquement la profession d'avocat, et fut même inscrit sur le tableau. Dans cette position, il contracta, dans l'espace de moins d'une année, pour près de 60,000 livres d'engagemens. M. Mille père en demanda la nullité. Il se fondait sur les principes reçus dans les pays de droit écrit, lieu de son domicile, qui déclarent nulles, non comme le dit erronément Varicourt, dans ses additions à Denisart, toutes dettes contractées par un fils de famille, sans la participation de son père, mais toutes les obligations créées pour prêts d'argent faits aux enfans non émancipés. Les sieurs Lebois et Petitot, porteurs d'une lettre de change, valeur reçue comptant, que le sieur Mille fils avait créée pour prétendues fournitures de vins, se fondaient, au contraire, sur l'art. 3 du tit. 6 de la coutume de Bourgogne; ils soutenaient, d'après ce texte, que le sieur Mille fils devait être regardé comme émancipé; qu'il réunissait publiquement toutes les qualités et les circonstances dont l'habitation séparée fait résulter la dissolution de la Puissance paternelle; que par conséquent il avait pu s'obliger, et qu'on avait pu contracter avec lui. M. Mille répondait que le seul fait de la séparation n'émancipait pas un fils; que ce privilége n'était attaché qu'à la séparation à perpétuelle demeure; qu'elle seule pouvait faire présumer que le père avait affranchi son fils de sa Puissance; que cette présomption ne pouvait, aux termes des lois romaines, s'établir que par un long espace de temps, cùm diù habitavit filius seorsim à patre; que le sieur Mille fils ne s'etait jamais trouvé dans une telle position; qu'il devait même d'après les arrangemens pris avec son père, retourner à Dijon, pour y fixer irrévocablement son domicile; qu'ainsi, il n'était point émancipé, et n'avait pu contracter des engagemens de la nature de ceux dont il s'agissait; qu'en vain les sieurs Lebois et Petitot invoquaientils la faveur des alimens; qu'il envoyait tous les ans du vin à son fils, comme il le justifiait par factures et bordereaux; que par conséquent les prétendus vins avaient été fournis plutót pour être vendus et convertis en ar gent, que pour la consommation de son fils. Par arrêt du 2 juin 1767, rendu à la grand'chambre, conformément aux conclusions de M. l'avocat général Joly de Fleury, la sentence des consuls, qui ordonnait le paiement de la lettre de change, a été infirmée; le sieur Mille fils a été déclaré être et avoir toujours été sous la Puissance de son père; en conséquence, tous ses billets et lettres de change ont été anéantis, sauf quelques fournitures légitimement faites pour son usage et sa consommation, dont le paiement a été ordonné. La troisième opinion est la plus régulière. La loi 1, C. de patria Potestate, décide qu'un fils de famille est émancipé par cela seul que son père a souffert long-temps qu'on le considérât dans le public comme père de famille : cùm diù passus sit ut patrisfamiliás res ejus agi. L'interprétation du mot diù a partagé les opinions des jurisconsultes. Les uns l'ont entendu d'un espace de dix ans, et les autres d'un terme de vingt. Ceux-ci se sont fondés sur la loi 2, C. de longi temporis præscriptione quæ pro libertate, qui déclare affranchi, par la force de la prescription, l'esclave que son maître a laissé en possession de la liberté pendant vingt annees. << Mais (dit le président Bouhier) je ne comprends pas qu'on ait pu mettre en com>> paraison l'affranchissement de l'esclavage >> avec celui de la Puissance paternelle, comme » s'il était à présumer que le maître eût con>> senti aussi facilement à l'avantage de son >> esclave, que le père à celui de son fils, et >> comme si la manumission tacite trouvait >> autant de faveur dans les lois, que l'éman>> cipation ». L'opinion de ceux qui n'exigent que dix ans, est appuyée sur des lois décisives. Tous les interprètes du droit romain conviennent que, dans le doute, le mot diù n'y présente point d'autre sens. On peut voir, entre autres, Alexandre, liv. 4, cons. 17, no 4, et la note qu'y a mise Dumoulin. C'est ce qu'on remarque, surtout dans les cas où il est question de l'effet d'un long silence, diuturni silentii. Nos ordonnances elles-mêmes se sont fixées à cet espace de temps, lorsqu'elles ont voulu prescrire un terme qui induisit, ou une ratification tacite des actes passés en minorité, ou un acquiescement présumé aux sentences sujettes à l'appel. C'est sur le même principe que la coutume de Bourgogne, art. 126, parlant de la mainmise du seigneur censier sur l'assignat du cens délaissé pendant dix ans par le censitaire, en a tiré la conséquence, qu'après cet inter. valle, le propriétaire avait tacitement renoncé à son héritage. On a vu, au mot Nantissement, S. 1, que les coutumes de Liége, de Vermandois, de Reims, de Chauny et de Péronne, ont interprété de même le terme diù, employé dans la loi 2, C. de acquirendá possessione. On en a pareillement usé de même dans une contestation élevée sur l'art. 8 du tit. 10 de la cou ume de Courtrai. Cet article porte qu'un fi TOME XXVI. déjusseur ayant été long-temps caution, peut obliger le débiteur principal à le faire décharger de son cautionnement. « Les termes ayant » été long-temps caution (dit Degewiet) ont >> donné lieu à une instance au parlement de >> Flandre, entre les gens de loi de War>> chem, châtellenie de Courtrai, et François >> Van-Doorn, qui soutenait que dix ans suffi>> saient pour se faire décharger du caution>> nement qu'il avait prêté pour lesdits gens >> de loi, au sujet d'une obligation courante » à intérêts, ou pour avoir une caution qu'il >> ne serait point intéressé. Il obtint gain de >> cause par arrêt du 22 octobre 1674 ». (Institutions au droit belgique, page 328 de l'édition in-4°). Ajoutons avec le président Bouhier, que « le terme de dix ans, tenant en quelque >> manière le milieu entre les différens temps >> des prescriptions, a été marqué par les >> jurisconsultes, comme celui qu'on devait >> choisir dans les cas où le terme n'est point >> spécifié. Il y en a un bel exemple dans la » loi 23, D. de pænis, qui porte que sine >> præfinito tempore in metallum dato, de» cennii tempora præfinita videntur ». Enfin, pour revenir à notre sujet direct, telle est, par rapport à l'émancipation tacite, la jurisprudence constante des parlemens de droit écrit. Celui de Toulouse a jugé, le 29 mars 1580, qu'une fille séparée de son père, était, après dix ans, censée émancipée, et avait pu tester. Cet arrêt est rapporté par La Roche-Flavin, tit. 34, art. 1. Vedel, sur Catellan, liv. 4, chap. 51, nous en fournit un autre plus récent et mieux circonstancié. « Le sieur Maynard (dit-il) qui avait deux fils, s'absenta du royaume volontairement, et s'en alla en Espagne, pour les affaires de son commerce. Cinq ans après son départ, l'une de ses deux filles se maria et eut un fils. Plus de dix ans après le départ de son père, elle fit un testament par lequel elle institua AnneMarie Maynard, sa sœur, au préjudice de son propre fils, lequel étant décédé à l'âge de trois ans, André Bassagin, un de ses héritiers ab intestat, demanda sa portion de sa succession, et de celle de sa mère, qu'il avait recueillie. Anne-Marie Maynard, héritière testamentaire, opposa le testament. Bassagin répondit que la testatrice, étant fille de famille, n'avait pas le droit de faire testament, suivant la loi 6, D. qui testamenta facere possint, et autres textes qui déclarent les enfans de famille incapables de faire testament, mème par la permission de leur père. L'héritière répliqua 17 >> trons: la cour, sur les conclusions de M. l'a » vocat général Dudon, débouta le sieur Fé» ger père de sa demande ». que son père s'étant absenté volontairement >> Meyère, négociant, demeurant aux Charpendant plus de dix ans, et la séparation se trouvant volontaire de la part du père, cela produisait une émancipation tacite; comme lorsque le père a permis à son fils d'habiter séparément de lui, cette séparation opére l'émancipation tacite, suivant la loi 1, C. de patria Potestate, et la loi 28, D. de adoptionibus; et c'est ainsi que la cour l'a jugé, par arrêt rendu à la première chambre des enquêtes, au rapport de M. Catellan-Lamasquère, le 7 août 1730. >> Cet arrêt débouta Bassagin de l'appel par lui interjeté de la sentence du sénéchal de Carcassonne, qui avait confirmé le testament, à la charge, par l'héritière instituée, de bailler caution de restituer le tout à Maynard père, en cas qu'il revînt, la cour n'ayant pas réformé la sentence pour ce dernier chef con cernant la caution, parcequ'Anne-Marie Maynard n'était pas appelante ». Dunod, Traité des prescriptions, part. 2, chap. 8, assure que cette opinion est aussi adoptée au parlement de Besançon, et que, « par deux arrêts rendus les 9 août 1641 et >> 21 janvier 1647, le premier entre Pierre >> Huguené et Jeanne Millet, cette cour dé. >> clara valable le testament d'un fils, parce» qu'il avait demeuré plus de dix ans séparé >> de son père, et faisant ses affaires à part ». On a parlé, à l'article Emancipation, de deux arrêts semblables du parlement de Provence; et leur décision est confirmée par l'acte de notoriété, du 7 janvier 1697, qui est rapporté à la fin du paragraphe précédent. Boucher d'Argis, sur les Questions alphabétiques de Bretonnier, dit, d'après la Peyrère et l'auteur des Maximes journalières, << qu'au parlement de Bordeaux, lorsque le >> fils de famille a demeuré dix ans séparé de >> son père, ou même en sa compagnie, tan» quàm paterfamilias, il est censé éman>> cipé »; et c'est ce qu'ont jugé deux arrêts de cette cour, l'un du 26 janvier 1708, l'autre du 13 avril 1762. Le premier, rapporté par la Peyrère, lettre F, no 7, a déclaré habile à ester en jugement et à poursuivre ses droits, un fils de famille qui, depuis plus de dix ans, demeurait séparément de son père. Le second a précisément décidé la même chose, s'il faut en croire MM. de La Mothe, sur l'art. 2 du tit. I de la coutume de Bordeaux : « Le sieur >> Féger père (disent-ils) demandait la nullité >> d'une procédure en retrait lignager, ins>> truite contre son fils majeur et négociant à » part depuis dix ans, à la requête du sieur III. Il ne faut cependant pas étendre cette jurisprudence à toutes les coutumes qui parlent de l'habitation séparée, sans fixer le temps qu'elle doit durer pour émanciper un fils de famille; il y en quelques-unes qui paraissent faire dépendre la chose des circonstances de la séparation, et par conséquent la laisser à l'arbitrage du juge. a Celle de Reims, par exemple, déclare, art. 7, que « les enfans sont censés et réputés » émancipés, quand, aux vu et su de leurs >> père et mère, ils font et exercent à part > une négociation ou charge publique ». Les mots quand ils font et exercent, annoncent clairement que le fait seul de l'habitation séparée suffit, lorsqu'il est constant, pour faire réputer le fils de famille émancipé, sans qu'il soit question, dans cette coutume, de limiter à cet effet un espace quelconque de temps. C'est la remarque de Buridan, dans son commentaire. « Il semble (dit-il), sans >> attendre un si long-temps de dix ans, que, >> pour induire cette présomption, il suffit >> que le temps soit tel, comme aussi le trafic >> ou négoce, que l'on puisse notoirement re> connaitre, ou du moins présumer par une >> présomption violente, la volonté du père >> être telle que de tenir son fils pour éman» cipé, voire même pour le réputer pour tel >> par une telle science et tolérance du père. >> Ce que le juge, arbitrio boni viri, pourra >> juger, s'étant dûment informé des circons» tances et dépendances du fait, comme de >> l'age, qualité des parties, et de l'espèce de >> trafic dont il sera question ». Nous pouvons ajouter que la coutume de Reims faisant cesser de plein droit la Puissance paternelle dès que le fils a atteint l'âge de vingt ans, il y aurait de l'absurdité à exiger que la séparation durát long-temps pour opérer le même effet, puisqu'il est très-rare qu'un enfant puisse former le moindre établissement avant sa dix-huitième ou dix-neuvième année. Cette observation reçoit encore une application exacte aux coutumes de Chalons et de Sédan. Suivant l'art. 7 de la première, « les enfans >> sont en la Puissance des pères, et n'en sor>> tent qu'ils ne soient âgés de vingt ans, ou » mariés, ou tenant maison et faisant fait à >> part, aux su et vu du père, sinon qu'ils >> soient émancipés par leurdit père ». « Il faut remarquer que cette émancipation tacite, qu'opère la séparation des enfans mariés pendant dix ans, a un effet rétroactif, et rend bonnes et valables les obligations consenties par tels enfans envers leurs pères, pendant ces dix années. » Ainsi, Pierre Subrevies, fils d'autre Pierre, ayant vécu séparé de son père pendant plus de dix ans, et ayant consenti plusieurs obligations en faveur de son père, pendant les premières années de cette sépa ration, et les enfans et héritiers de ce Pierre Subrevies fils ayant demandé la cassation de ces obligations, comme étant consenties en faveur d'un père par un fils non encore émancipé, et qui ne l'avait été que postérieurement par le laps de dix ans; il y eut arrêt qui débouta ces héritiers du fils de la cassation par eux demandée, et les condamna à payer aux héritiers du père les sommes contenues aux obligations. >> On erut que, quoique ces obligations fussent consenties dans les premières années de la séparation, et avant le laps de dix ans, et que, dans les obligations, on regarde le temps auquel elles sont contractées, néanmoins ces obligations étaient bonnes et valables, parceque l'émancipation tacite, qui s'accomplit par le laps de la dixième année, a un effet rétroactif, le père étant présumé avoir eu intention d'emanciper son fils dès le commencement, et ayant ratifié cette émancipation tacite par le laps de dix ans. » On ajoutait que, comme le père, dans l'émancipation expresse, étant présumé donner à son fils le pécule qu'il ne lui óte pas, est néanmoins présumé vouloir être payé de ce qui lui est dû par ce fils, ex causá peculiari, il en doit être de même dans l'émancipation tacite, par la séparation et le laps de dix ans, et que le fils, devenu par-là le maitre de son pécule, doit payer tout ce qu'il se trouve devoir alors à son père ». Le président de Bézieux, liv. 8, chap. 4, $. 9, établit la même chose, mais sur un autre principe. Il considère l'émancipation tacite dont nous parlons, comme l'ouvrage d'une prescription proprement dite; il argumente de la règle qui donne à toutes les prescriptions un effet rétroactif au commencement de la possession qui en est la base, et il rapporte un arrêt du parlement de Provence, du 5 avril 1664, conforme à celui du parlement de Toulouse, que Catellan vient de nous retracer. V. On a dit, à l'article Emancipation, que l'habitation séparée n'émancipe le fils que lorsqu'elle est entièrement libre de sa part, et que le père ne s'y oppose point. Cette maxime a servi de fondement à deux arrêts du parlement de Toulouse, que Catellan rapporte en ces termes : « Un curé, attaché nécessairement à sa cure et à la maison du seigneur, pour laquelle il doit quitter celle de son père, n'est point émancipé par cette séparation pendant l'espace de dix ans, comme il fut jugé par arrêt du 27 avril 1657, après partage porté en la première chambre des enquêtes, de la se conde. 4 |