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à quoi ce dernier consentant a déclaré qu'il émancipait sondit fils et le mettait hors de sa Puissance; auquel effet ledit fils s'est mis à genoux, joignant les mains, lesquelles son père a disjointes, et icelui relevé, dont acte leur fut donné, et procès-verbal dressé.

>> Tel est à peu près l'usage de tous les pays de droit écrit, suivant nos jurisconsultes; et, bien que quelques-uns d'entre eux croient que cet acte puisse se faire pardevant notaire, je tiens qu'il doit être fait en jugement, à la forme ancienne; d'autant plus que, s'agissant de l'état d'un enfant et de l'intérêt de ceux qui peuvent avoir affaire à lui, il est à propos que l'acte en soit public et connu de tout le monde.

>> D'ailleurs, cela parait expressément décidé par un certificat donné par la cour, le 13 août 1677, au rapport de M. Ducie, sur la requête de M. Jacques Leclerc; car il porte que le père bailliste jouit des revenus de ses enfans, même après leur puberté, et ce jusqu'à ce qu'ils soient émancipés, soit par justice, soit par le mariage, ou par leur séparation d'avec leur père, ce qui exclud les émancipations pardevant notaire ».

Le parlement de Besançon reconnaît aussi la nécessité de la présence d'un juge à l'émancipation par acte; mais il en excepte celle qui se fait par contrat de mariage. C'est ce qu'atteste Dunod, Traité des prescriptions, part. 2, chap. 8:

« Les émancipations faites pardevant notaires, ne sont pas valables..... Cependant la faveur des contrats de mariage les a fait admettre en Franche-Comté.

>>> Nous en avons un arrêt, du 18 avril 1640, rendu entre les héritiers du procureur Boulard, depuis lequel on n'a plus guère fait de difficulté sur cette question. Elle s'est cependant encore présentée, il y a peu de temps, entre les nommés Goulard et Dubois. Goulard demandait que Dubois se fit autoriser par son père pour plaider. Dubois répondait qu'il était émancipé par son contrat de mariage; et la cour, par arrêt rendu aux enquêtes, à l'audience d'instruction, du 3 février 1725, déclara qu'ayant égard à l'émancipation portée au contrat de mariage de Dubois, daté du mois de janvier 1721, il n'échéait de prononcer sur la demande en autorisation ».

Basset, tome a, liv. 4, tit. 12, chap. 5, rapporte un arrêt du parlement de Grenoble, qui parait, au premier abord, étendre au Dauphiné la jurisprudence du parlement de Besançon, concernant l'émancipation par contrat de mariage.

Un père s'était engagé, par le contrat de

mariage de son fils, à l'émanciper. Sur son refus d'exécuter sa promesse, le fils se pourvut en justice, et par arrêt du 29 mars 1666, « la >> cour ordonna que le père, dans trois jours, >> après le commandement qui lui en serait >> fait, émanciperait son fils, à faute de quoi > il était déclaré dûment émancipé par la

cour ».

Il est cependant aisé de voir que cette décision ne va pas aussi loin que celles que rapporte Dunod, et qu'on pourrait, dans les pays où il n'existe point là-dessus d'usage particulier, admettre l'une et rejeter les autres. L'exemple du père qui a reçu un legs sous la condition d'émanciper son fils, prouve qu'on peut se mettre, par le quasi-contrat qui résulte d'une pareille acceptation, dans la nécessité de renoncer aux droits de la Puissance paternelle. Or, si un quasi-contrat a, selon le droit civil même, une vertu aussi efficace, pourquoi donnerait-on moins d'effet à un contrat de mariage, c'est-à-dire, à l'acte le plus solennel et le plus sacré de la société ? Ce n'est pas que l'un ni l'autre émancipe de plein droit, mais ils obligent tous deux d'émanciper; et comme l'émancipation est un fait auquel personne ne peut être contraint spécifiquement, il faut bien que le juge, sur le refus du père d'en passer l'acte dans les formes requises, la déclare opérée par la seule vertu de sa sentence. Il est même évident qu'en ce cas, ce n'est point d'un contrat notarié, mais du ministère du juge qu'elle reçoit l'être.

En Alsace, on admet l'émancipation pardevant notaires; mais il y est d'usage d'en faire homologuer les actes en justice, pour leur donner plus d'authenticité. C'est ce qui résulte d'un arrêt du conseil souverain de Colmar, du 30 janvier 1707, qui est ainsi conçu:

« Vu la requête présentée.... par Anne Ursule Vénino, émancipée de la Puissance paternelle, par Charles Vénino son père, expositive que, suivant la disposition du droit, les actes d'émancipation sont de juridiction volontaire et non contentieuse, les notaires royaux étant juges cartulaires, et ayant juridiction sur les parties qui les requièrent. La suppliante a été affranchie par son père de la Puissance paternelle, par un acte authentique, reçu par Callot et son confrère, en date du 27 du courant. Comme cet acte est un des plus importans de la société civile, puisqu'il décide de l'état des citoyens, il importe de lui donner une authenticité. Le conseil est seul capable de donner cette authenticité, puisque les juges du domicile du père émancipant et de la fille émancipée sont juges municipaux,

dont les décrets ne valent que dans leur
territoire. La suppliante, quoique émancipée
de la Puissance paternelle, n'est pas majeure;
elle est par conséquent dans le cas d'avoir un
curateur pour régir et administrer ses biens.
Son père a renoncé à cette régie et adminis-à-dire, par le corps échevinal.
tration. Ainsi, il échoit de lui faire créer un
curateur;

» il faut être émancipé en justice, sur le
>> rapport du père et de la mère, assistés de
> parens et alliés ».

» A ces causes...., conclusions du procu. reur général du roi; ouï le rapport.....; le conseil, faisant droit sur la requête, ordonne que l'acte d'affranchissement et émancipation, du 27 du courant, sera homologué, pour être exécuté selon sa forme et teneur; et attendu la minorité de la suppliante, a ordonné en outre qu'assemblée de parens, ou, à défaut d'iceux, d'amis de ladite suppliante, au nombre de l'ordonnance, sera faite pardevant le bourgmestre régent de la ville de Kaysers. berg, que le conseil a commis et commet à cet effet, pour choisir et élire un curateur, à l'effet de régir et administrer les biens de ladite suppliante pendant sa minorité; lequel prêtera le serment requis et accoutumé, entre les mains du même commissaire ».

A l'égard des pays coutumiers, on n'y doute point que les enfans ne puissent être émancipés par contrat de mariage. Cela est d'autant moins susceptible de difficulté, que le mariage seul y est généralement considéré comme le terme de l'assujétissement du fils à la Puissance paternelle.

Mais il y a plusieurs coutumes qui, dans tout autre cas, ne permettent d'émanciper que par acte passé en justice.

Telles sont celles de Poitou, de Hainaut, de Mons, de Valenciennes et de Binche, comme on l'a remarqué à l'article Emancipation. En voici d'autres qui doivent être placées sur la même ligne.

Metz, chap. 1, art. 4. « Enfans procréés >> en loyal mariage, sont et demeurent en la >> Puissance de leur père, mère ou tuteur, » jusqu'à ce qu'ils soient mariés, émancipés >> par justice, etc. ».

Evêché de Metz, chap. 1, art. 17. « Peut > toutefois le père, pour justes et bonnes » considérations, en quelque âge que ce soit, >> émanciper et mettre hors de sa Puissance

son enfant; et s'en fait l'émancipation >> pardevant le juge auquel il est responsable, >> le procureur général ou d'office ouï ».

Clermont en Argonne, chap. 2, art. 9. « Le » père peut faire émanciper son fils en tout ▸ age après sept ans, pardevant son juge ». Bergues-Saint-Winock, rubr. 17, art. 27. « Pour en sortir (de la Puissance paternelle),

Bailleul, rubr. 11, art. 1. « Les enfans » peuvent être émancipés par la loi », c'est

Gand, rubr. 21, art. 2. « Les enfans peu» vent être émancipés et être mis hors de >> pain, de quelque áge qu'ils soient, par les >> échevins de la Keure ».

Châtellenie de Lille, tit. 13, art. 1. «En >> fans procréés en léal mariage, sont et > demeurent en la Puissance de leur père, > tant qu'ils soient émancipés pardevant jus> tice compétente ».

Gouvernance de Douai, chap. 11, art. 1. < Enfans procréés en léal mariage, sont et >> demeurent en la Puissance de leur père, >> tant qu'ils soient émancipés pardevant jus>> tice compétente ».

Orchies, chap. 6, art. 3. « Les enfans... ne >> peuvent contracter sans.... émancipation > judiciaire de leur père ».

Saint-Mihiel, tit. 1, art. 17. « Et peut le >> pére émanciper ses enfans, toutes et quantes > fois que bon lui semble, pardevant son juge >> ordinaire et domiciliaire ».

Lorraine, tit. 4, art. 14. « Le père peut, » pour cause, émanciper son enfant présent >> ou absent, en quelqu'âge de minorité il >> soit; et sont lesdites émancipations et con› naissance de cause, de l'office et charge des > procureurs généraux ou d'office, en pareil » qu'il a été des tutelles ».

Bueil, chap. 9, art. 1. « A icelle fin que les >> adoptions et émancipations des enfans qui >> se feront par ci-après dans l'étendue de > notre juridiction, soient faites avec la con> sidération que se convient, et que sur > icelles soit suivie la volonté de ceux qui les >> feront, et observé la disposition de la loi et > droit commun, nous ordonnons que telles > adoptions et émancipations seront doréena>> vant faites et passées pardevant notre juge > majeur d'appellation, et non ailleurs, sur >> peine de la nullité d'icelles; et étant faites >> au contraire, les déclarons, dès maintenant > comme pour lors, nulles, invalables, et de > nul effet et valeur ».

Epinal, tit. 3, art. 12. « Le père peut, > pour cause, faire émanciper son enfant, >> présent ou absent, en quel âge de minorité >> il soit; et sont lesdites émancipations faites » pardevant lesdits (gens) de justice, ledit >> procureur (général) ou son substitut ouï ».

Liège, chap. 1, art. 10. « Emancipation » d'enfans ne se peut faire que pardevant la >> haute justice ou celle du domicile ».

Ces dispositions ne sont suivies ni dans la coutume de Berry, ni dans celle de Montargis.

La première porte, tit. 1, art. 5: « Et peut >> le père émanciper son enfant présent ou >> absent, en quelque âge qu'il soit; et n'est >> requise par ladite coutume la solennité de >> droit en l'émancipation des enfans qui sont >> de l'age de sept ans ou au-dessous, pourvu » que la cause pour laquelle on fera ladite >> émancipation soit au profit des enfans ».

La seconde est conçue en ces termes, chap. 7, art. 8 : « Emancipation se peut faire du >> père aux enfans, en quelque àge que soient >> lesdits enfans, tant en jugement que de>> hors, présence que absence desdits enfans, >> pardevant notaire et témoins ».

[[ Quant à la législation actuelle sur cette matière, V. l'article Emancipation, S. 1, no 12. ]]

II. On vient de voir que plusieurs coutumes permettent d'émanciper les enfans en leur absence, et cela est conforme à la loi 5, C. de emancipationibus. Mais est-il essentiel que le père procède à cet acte en personne?

L'affirmative est incontestable dans le droit romain; car l'émancipation est mise par différens textes au nombre des actes que les anciens jurisconsultes appelaient légitimes, et qui ne pouvaient se faire par procureur (1). Telle est d'ailleurs la décision expresse de la loi que nous venons de citer. Après avoir dit que le fils peut être émancipé en son absence, elle déclare que le père doit à cet effet comparaître lui-même devant le juge: Hoc nempè apud competentem judicem insinuare, superque precibus à SEMET oblatis apud eum deponere.

Cette disposition semblerait, au premier coup d'œil, devoir être exactement suivie dans les provinces de droit écrit qui n'ont pas admis l'usage des émancipations par actes notariés; et effectivement, on trouve dans le recueil de La Peyrère, lettre E, no 6, un arrêt du parlement de Bordeaux, du 14 août 1671, qui a déclaré nul et de nul effet une émancipation faite par procureur.

[[ Mais écoutons Salviat, Jurisprudence du parlement de Bordeaux, page 228:

« La Peyrère rapporte un arrêt, d'après lequel une émancipation faite par vertu d'une procuration, devient de nul effet et valeur, Cependant Me Despiau, dans ses collections, prétend qu'elle est valable. On ne fait pas de doute, dit-il, sur la procuration du fils, sui

(1) V. l'article Acte légitime.

vant Boutaric, en ses Institutes; mais on doutait si elle pouvait être faite sur la procuration du père. Au sénéchal de Guienne, elle se fait indistinctement sur la procuration du père et du fils. Il en fut donné un certificat par le greffier, dans la cause des demoiselles Petit. On avait fait appel de l'appointement d'émancipation, rendu audit siége, sur la procuration de Me Petit, avocat, leur père, qui était alors à Paris. L'arrêt rendu à la première des enquêtes, au rapport de M. Castelnau, le 6 juin 1761, mit hors de cour sur cet appel.

» Sans doute que le senéchal de Guienne n'a aucun privilége particulier à ce sujet, et que tous les juges du ressort peuvent en faire autant que lui. Effectivement, à quel propos la présence du père serait-elle requise, dèslors qu'il conste de son intention?

>> L'arrêt rapporté par La Peyrère, a donc été rendu sur des circonstances particulières, ou bien la jurisprudence a changé. Je répéterai à ce sujet ce que je viens de dire plus haut, qu'il serait bien onéreux à un particulier absent, d'entreprendre un long voyage, de se rendre chez lui pour un acte qui ne demande qu'un instant, et de retourner sur-le

champ vaquer à ses affaires, à deux cents lieues de son domicile. Quel embarras et quelle dépense n'aurait-on pas occasionés à Me Petit, si on l'avait forcé de venir de Paris à Bordeaux? Un père de famille pourra, en vertu d'une procuration, vendre, acheter, hypothéquer ses biens, même consentir au mariage de son fils; et il ne lui sera pas permis de l'émanciper! Quelle est donc la prééminence de l'émancipation sur tous les autres actes, pour mériter une formalité si extraordinaire? Les lois romaines la prescrivent, dira-tion; mais encore une fois, nous n'atta chons pas à l'émancipation autant d'importance que les Romains ». ]]

A plus forte raison, devrait-on juger ainsi dans les contrées où les enfans peuvent être émancipés pardevant notaires. C'est ce qu'enseigne Serres, dans ses Institutions au droit français : « Quand l'émancipation (dit -il) >> ne serait faite que par procureur, il y a >> lieu de croire qu'elle serait également >> bonne, parcequ'aujourd'hui, en France, >> les émancipations n'exigent pas plus de so>> lennité que les autres actes passés devant un >>> notaire

[[ Aujourd'hui, que l'émancipation consiste dans une simple déclaration du père, reçue par le juge de paix assisté de son greffier, je ne vois pas non plus de raison pour que le

pére ne puisse pas faire cette déclaration par Château-Arnaulx, et par conséquent son re l'organe d'un fondé de pouvoir spécial. ]]

III. L'émancipation est un acte de juridiction volontaire; c'est par cette raison que les lois 3 et 4, D. de adoptionibus, permettent au père ou au fils, lorsque l'un ou l'autre est magistrat, de le passer eux-mêmes. Voici comment elles sont conçues :

« Si le fils de famille est consul ou président, il est constant qu'il peut être émancipé ou donné en adoption devant lui-même.

>>> Tout magistrat compétent pour recevoir un acte légitime, peut émanciper ses propres enfans ou les donner en adoption, sans recourir à un autre ministère que le sien. C'est

l'avis de Nératius ».

Ces textes ont servi de fondement à un arrêt du parlement de Provence, dont l'espèce est ainsi rapportée au Journal du palais :

« Le sieur abbé Trouillas avait fait profession dans la compagnie des jésuites, et avait même fait les trois vœux de chasteté, de pau. vreté et d'obéissance, qui excluent un profès de succéder à ses parens. Huit années après, il est congédié de la société : il revient dans le monde en habit de prêtre séculier. Il amasse de très-grands biens; il fait son testament, par lequel il institue son héritier un fils du sicur Chateau-Arnaulx, son frère. Ce testateur décéde; après son décès son neveu et héritier institué demande délivrance de l'hérédité au sieur de Chateau-Arnaulx, son père, qui la lui refuse. Il est débouté par sentence contradictoire du juge de Sisteron. Appel à la cour par l'héritier institué. Sur cet appel, le sieur de Chateau-Arnaulx ayant été intimé, obtient des lettres de rescision contre l'acte d'émancipation de son fils, qu'il n'avait, dit-il, consenti que par l'espérance que le testateur lui avait donnée de faire un présent de 15,000 livres à sa nièce, sœur de l'héritier testamentaire, pour la marier, à quoi il n'a point satisfait.

>> Après que les avocats des parties eurent plaide, M. de Saint-Martin, avocat général, a dit que cette cause contenait deux questions: la première, si le sieur abbé Trouillas avait pu tester; la seconde, si l'émancipation don. née par l'intimé à son fils, est valable.

>> Et, après avoir prouvé que la première question était décidée pour l'affirmative par les constitutions particulières de la société de Jésus, il a ajouté que, sur la seconde, le pére alléguait deux moyens: que l'un était l'incompétence du juge devant lequel l'émancipation avait été faite; qu'en effet, ce juge était celui d'une terre appartenant au sieur de

présentant; mais que cette raison ne méritait aucun égard; qu'elle était détruite par les lois 3 et 4, D. de adoptionibus;

>> Que l'autre moyen consistait à dire que le sieur de Chateau-Arnaulx n'avait émancipé son fils qu'à la persuasion du sieur abbé Trouillas, qui l'avait flatté de donner 15,000 livres en dot à sa fille; mais que ce fait était vague et sans preuve; et quand il serait véritable (continuait M. de Saint-Martin), un père qui a émancipé son fils par un acte de justice, peut-il révoquer cette émancipation quand bon lui semble ? Il l'a fait, dit-il, à la sollicitation de son frère; mais n'avait-il pas eu luimême un engagement naturel et plus pressant de le faire pour l'avantage de son fils?

Sur ces raisons, arrêt est intervenu le 11 décembre 1687, par lequel l'appel et ce dont avait été appelé ont été mis au néant, et par un nouveau jugement, on a confirmé le testament; et, sans avoir égard aux lettres royaux, l'émancipation a été jugée valable ».

IV. Peut-on émanciper un enfant pour un seul acte, par exemple, pour le rendre capable de tester?

La raison et la loi concourent à établir la négative: la raison, parceque la Puissance paternelle est indivisible, et qu'il implique que la même personne soit en même temps père de famille et fils de famille; la loi, parceque l'émancipation est un de ces actes l'égitimes qui ne peuvent recevoir ni condition ni division, et qui sont nuls et invalides, s'ils ne sont faits purement et sans restriction: 'Actus legitimi qui non recipiunt diem vel conditionem, veluti MANCIPATIO, acceptilatio, hereditatis aditio, servi optio, datio tutoris, in totum vitiantur per temporis vel conditionis adjectionem. Ce sont les termes de la loi 77, D. de regulis juris.

Aussi lisons-nous dans Despeisses, tome 1, page 545, qu'un arrêt du mois de mai 1611, rendu à la chambre de l'édit de Castres, a annulé un acte par lequel un père avait déclaré « qu'il émancipait son fils, et lui per>> mettait de trafiquer, si tant était qu'il ne >> pût demeurer avec lui et s'accorder, au

>> trement non ».

Un arrêt beaucoup plus récent, du parlement de Toulouse, dont parle Boutaric (dans ses institutes, page 79), sans en indiquer la date, a préjugé qu'un père, en émancipant son fils, à l'effet d'accepter une donation entre-vifs, ne s'était pas privé de l'usufruit qui lui cût appartenu de plein droit sur les objets donnés, si son fils eut accepté la donation, n'étant pas émancipé.

Il ne faut pas cependant conclure de là que l'acte fait par le fils de famille, en vertu d'une émancipation particulière et ad hoc, soit indistinctement nul. Il l'est, à la vérité, dans le cas où le père ne peut pas habiliter son fils à le passer. Tel serait, par exemple, un testament dans les pays où, conformément au droit romain, un enfant non émancipé est incapable de tester, même avec le consentement de son père.

Mais il en serait autrement à l'égard des actes d'une nature différente: l'émancipation ad hoc aurait toujours l'effet d'un consente. ment spécial à leur confection, et cela suffirait pour en assurer la validité.

Ainsi, par un arrêt du parlement de Toulouse, de 1682, que rapporte Boutaric, à l'endroit cité, « le sieur de Firmarcon, plaidant >> contre le duc de Roquelaure fit recevoir >> son fils partie intervenante, quoiqu'il ne >> l'eût émancipé que pour cette intervention >> seulement ».

Ainsi, on a vu plus haut qu'un fils de famille, en pays de droit écrit, peut, avec l'agrément de son père, aliéner ses biens adventices; et, par cette raison, « une éman. >> cipation momentanée et spéciale du fils de » famille non marié, à l'effet de ratifier la » vente du bien du fils, faite par le père, a » été déclarée valable en pays de droit écrit, » par arrêt du 27 juillet 1716, rendu au >> rapport de M. Gon d'Argenlieu, ála pre>> mière chambre des enquêtes du parlement >> de Paris ». Brillon, qui rapporte cet arrêt, nous apprend « que la décision n'en a pas » été bien reçue au parlement de Bordeaux ». Mais cette anecdote, si elle est vraie, ne porte aucune atteinte au principe qui a déterminé le parlement de Paris. Peut-être y avait-il dans l'affaire des circonstances ou des demandes particulières que Brillon nous a laissé ignorer.

C'est ce même principe qui a introduit dans l'usage de la Provence une espèce d'émancipation ad hoc, qu'on appelle habilitation. Voici ce qu'en dit un acte de notoriété, donné au parquet du parlement d'Aix, le 26 juin 1722: « Nous..... certifions que, suivant l'u>> sage de cette province, un père a droit d'ha >> biliter son enfant, soit par contrat de ma› riage, soit par un acte particulier, pour >> pouvoir, dès ce jour-là, jouir des fruits des » biens désemparés, et des fonds qu'il pourra >> acquérir dans la suite par son industrie, >> lesquels actes ont leur exécution; et l'on » n'est pas obligé de les passer devant aucun » juge ni aucun consul, mais seulement de >> vant notaire et témoins ».

Les effets de l'habilitation provençale nous sont encore retracés par un autre acte de notoriété, des mèmes magistrats, du 7 janvier 1697, conçu en ces termes : « Nous..... attes>> tons que l'habilitation que les pères font en >> Provence de leurs enfans, leur sert pour >> régir et administrer leurs biens, et ne les » tire point de la Puissance du père, qui ne >> la perd que par l'émancipation faite par un >> acte public, en présence du juge et d'un » consul, et dùment insinuée, à moins que >> le fils de famille babilité n'ait demeuré sé>> paré de la maison de son père durant dix >> ans complets, à compter du jour de son >>> habilitation ».

La dernière partie de cet acte de notoriété est fondée sur des principes et des lois qui font la matière du paragraphe suivant.

II. De l'émancipation tacite qui résulte de l'habitation séparée.

I. On a dit, au mot Emancipation, que l'habitation du fils, séparée de celle du père, jointe à une manière de se conduire et de gérer ses affaires, qui ne ressente nullement la gêne de l'assujétissement à la Puissance paternelle, est un des moyens indiqués par la loi pour rompre les liens de cette Puissance.

C'est une question si la jurisprudence du Hainaut n'est pas, sur ce point, contraire au droit commun.

Ce qui semblerait devoir le faire penser ainsi, c'est que les coutumes de Mons et de Chimay, qui régissent une partie de cette province, ne donnent à un enfant majeur qui veut mettre ses gains et ses acquisitions à l'abri des recherches des créanciers de son père et de sa mère, d'autre voie que de se faire émanciper judiciairement. Ne peut-on pas dire qu'nne formalité aussi sévèrement requise, ne saurait être suppléée par l'habitation séparée? N'est-ce pas même pour établir plus positivement la nécessité de l'émancipation judiciaire, et l'impossibilité d'y suppléer par équipollence, que le chap. 9 de la première de ces lois municipales ordonne l'enre. gistrement de toutes les mises hors de pain? Ces termes n'excluent-ils pas, au moins relativement aux créanciers des pères et des mères, les émancipations tacites et présumées que le droit commun fait résulter de l'habitation séparée ?

Ces raisons ne sont cependant pas assez fortes pour nous faire croire que l'habitation séparée ne soit pas, en Hainaut comme ailleurs, un moyen de faire cesser la Puissance paternelle.

D'abord, on ne peut disconvenir que le

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