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intelligence et sa valeur. On le vit en effet, le 25 juin, repousser vigoureusement les Autrichiens qui avaient attaqué les positions de Vado et de Tersano, et défendre, avec le même succès, celle du Petit - Gibraltar; enfin, tant que dura cette campagne, où la valeur et l'activité des soldats français se déployèrent avec tant d'énergie, Masséna fut de toutes les batailles, de tous les dangers et de tous les triomphes. En 1796 s'ouvrit la fameuse campagne d'Italie. La république crut que Masséna pourrait lui être utile pour consommer cette invasion, et lui conféra un commandement. Son espoir ne fut point trompé ; le 13 mai, ce général était déjà dans Milan, à la tête de l'avant-garde française, et le 25, il s'était emparé de Vérone. Le 22 juin, il se porta sur Roveredo, et repoussa, après un combat très-vif, les avant-postes de Beaulieu; c'est à cette époque, et après ce brillant succès, que Buonaparte le surnomma l'Enfant chéri de la victoire. Le 6 juillet, il dirigea l'attaque sur les lignes autrichiennes, entre l'Adige et le lac de Guarda, et vint à bout de les emporter. Moins heureux le 29, il se vit enlever le poste important de la Corona, et fut repoussé le 2 août, pour avoir voulu, d'après les ordres de son chef, attaquer Lonado. Ces malheurs furent bientôt réparés par de nouveaux succès: dans le cours du même mois, il força le camp retranché de Peschiera, reprit les postes de la Corona, de Montebaldo, de Preabolo, de Rivoli, et enleva à l'ennemi une grande quantité d'hommes et de canons. Le 4 septembre, il contribua au gain de la bataille de Roveredo, à la prise des lignes de Santo-Marco, et entra le len

demain dans Trente. Sans cesse victorieux à Bassano, à Vérone à Cadon, au fort de la Chiusa, Cessa-Sola, à Tarvis et à Clagenfurth, il acquit de nouveaux titres à la reconnaissance de la république et à la confiance du général en chef Buonaparte, qui le dépêcha à Vienne, chargé d'une mission relative à la paix. Masséna, le 1 mai 1797, se rendit à Durlach, près de l'archiduc Charles, causa quelques instans avec lui et continua sa route vers Paris, où il fut reçu avec l'enthousiasme le plus vif par tous les révolutionnaires, dont il avait servi la cause et exécuté les ordres avec tant de zèle et de valeur. Le 18 mai, on lui donna, dans la salle de l'Odéon, une fête qui fut terminée par un bal et un banquet de 800 couverts, où les transports de la reconnaissance républicaine furent portés au plus haut point. Il n'en fallait pas tant pour exalter l'amour-propre et le patriotie de Masséna, dont les opis étaient depuis long-temps nues; aussi le vit-on, au mois d'août de la même année, adresser, au nom de sa division, les plus vigoureuses adresses contre la majorité des conseils qui, selon lui, sous le nom de faction clichienne, conspiraient ouvertement la ruine de la république. Après les journées des 4 et 5 septembre 1797, Masséna fut un des candidats portés sur les listes pour remplacer Carnot et Barthélemy, qui venaient d'être exclus du directoire exécutif. Au mois de février 1798, il fut chargé de l'invasion de Rome; il était déjà en marche pour aller fondre sur cette pacifique province, que le caractère et la dignité de son souverain n'avaient pu soustraire à l'ambition de la république, lorsque

les mécontentemens qui éclaterent dans son armée le forcèrent à remettre le commandement au général Dallemagne, et à se retirer. Ces plaintes étaient causées par son avarice, ses rapines et ses concussions, qui, de tous les temps, flétrirent sa gloire militaire, et furent, dit-on, les principales sources de cette immense fortune qui depuis, en France, est presque passée en proverbe. Masséna publia peu après un mémoire justificatif, qui ne le justifia pas au tribunal de l'opinion publique, resta quelque temps sans emploi, et reçut enfin au mois de décembre le commandement en chef de l'armée d'Helvétie. Il fit preuve de talent dans ses diverses opérations; mais, plus habile dans l'exécution que dans le commandement, on ne reconnut point en lui cette étendue et cet ensemble de vues nécessaires pour conduire une grande armée. İl pénétra jusqu'aux Grisons, prit Coire, fit prisonnier le général Auffemberg, et fut obligé de rétrograder ensuite, par la défaite de Jourdan, qui avait échoué sur le Danube. Il prit alors le commandeinent en chef des forces françaises en Allemagne, disputa pied à pied et par de savantes manœuvres, toutes les positions de la Suisse à l'archiduc Charles, et mit enfin en pleine déroute, devant Zurich, l'armée russe commandée par Korsakow. C'était la première défaite en bataille rangée que les Russes éprouvaient depuis un siècle; elle entraîna la dissolution de la coalition, et fit beaucoup d'honneur à Masséna. Suwarow, qui accourait au secours des siens, n'arriva que pour effectuer sa retraite et donner plus de lustre aux succès de son habile adversaire, qui, après avoir épuisé les forces

des Russes, reprit le Saint-Gothard, Glaris, et toutes les vallées. Après tant de victoires, la république lui conféra, en 1800, le commandement de l'armée d'Italie ce fut là le tombeau de cette fameuse réputation qu'il venait d'acquérir; on reconnut enfin ce que d'habiles militaires avaient toujours dit de Masséna, que ce général intrépide et hardi dans l'action, n'était plus qu'un homme médiocre à la tête d'une armée nombreuse et dans la direction d'une campagne. Cependant, s'il fut malheureux dans ce commandement, on lui doit la justice d'ajouter qu'il ne se laissa point abattre dans ses revers, et que, conservant tout son sang-froid, il sut profiter de tout ce que lui laissa la fortune pour sauver les troupes qu'il avait encore sous ses ordres. Il fit, avec une poignée de soldats, manquant d'argent, de vivres, d'habits, de munitions, tout ce qu'il pouvait faire devant les forces imposantes commandées par Mélas. Retiré dans Gênes, où il s'était retranché, il y fit une défense vigoureuse qui étonna les plus habiles généraux de ce tempslà, et que l'on compte parmi les plus belles que puissent offrir les fastes militaires. On le vit avec un corps de troupes considérablement affaibli, repousser l'ennemi avec avantage, contenir un peuple immense sans cesse prêt à se révolter, et qui appelait de tous ses vœux les ennemis qui assiégeaient ses portes. Frappé lui-même de la longue résistance de Masséna, le général Mélas lui en témoigna son admiration dans une lettre où il lui offrait une capitulation honorable, que le général français accepta le 2 juin 1800. Cette belle défense, en occupant la plus grande partie des troupes de Mélas, favorisa

Pirruption de Buonaparte par le mont Saint-Bernard, et par suite sa victoire décisive de Marengo. Après cette fameuse journée Masséna fut investi du commandement en chef de l'armée et remplacé bientôt, à cause de ses concussions, par Brune, qui inspirait alors à Buonaparte plus de confiance. Lié d'amitié avec le fameux Fouché, Masséna trempa dans divers complots contre son rival, qui ne laissa pas, lorsqu'il fut porté sur le trône, de l'élever au grade de maréchal d'empire et de grand officier de la Légion d'Honneur. L'année d'après il prit le commandement de l'armée d'Italie; s'empara de Vérone au mois de septembre; poursuivit le prince Charles, forcé de se retirer à cause des revers des armées autrichiennes en Allemagne, et se joignit à la grande armée. Après la signature du traité de Presbourg, il reprit le commandement d'Italie et conduisit à Naples Joseph Buonaparte, qui allait s'emparer de la couronne. Les Napolitains fidèles firent quelque résistance, dont il triompha par sa valeur et son activité. Buonaparte qui appréciait ses talens militaires sans avoir pour lui une grande affection, crut avoir besoin de ses services et lui donna en 1807 le commandement du cinquième corps d'armée, à la tête duquel Masséna fit la campagne de 1809 contre l'Autriche. Cette campagne, dans laquelle les généraux français et l'armée 1out entière firent des prodiges si étonnans et portèrent si haut la puissance de Buonaparte, contribua beaucoup à la gloire et à la fortune de Masséna. Il avait sauvé l'armée tout entière à Essling par sa fermeté, contribué à la bataille de Wagram, et déve

loppé des talens de commandemens qu'on nelui connaissait point encore. La principauté d'Essling, des richesses immenses, et le commandement de l'armée de Portugal, dans lequel Soult avait échoué, furent les récompenses de ses nombreux services. Buonaparte n'avait point assez connu peut-être l'avidité extrême de Masséna en lui confiant une armée comme celle du Portugal. Loin de la capitale de l'empire et du souverain, dans un pays qui regorgeait de richesses immenses, et qui depuis plusieurs siècles avait enrichi ses temples, ses autels et ses palais, de tout l'or du Brésil, et rendu les Indes orientales tributaires de ses objets les plus précieux, ce général ne songea qu'à grossir ses trésors. Malgré quelques succès passagers, il fut obligé d'a. bandonner le Portugal à Wellington; ce fut alors qu'il commença à opérer une retraite dans laquelle il fit briller de nouveau ses talens militaires qu'il semblait avoir oubliés. Il repoussa plusieurs fois l'ennemi, et gagna ainsi la frontière de Portugal après des marches très-pénibles, pendant lesquelles la mésintelligence qui régnait entre lui et le maréchal Ney, commandant son arrière-garde, dégénéra en animosité personnelle. En abandonnant ainsi le Portugal et sa frontière, il encourut la disgrâce de son maître, qui le laissa dans l'inaction pendant les campagnes de 1812 et de 1813, et l'éloigna de Paris, en lui conférant le commandement de la huitième division militaire. Masséna était à Toulon lorsque Louis XVIII entra en France en 1814; il arbora avec enthousiasme la cocarde blanche, reçut successivement la

décoration de chevalier et de commandeur de Saint-Louis, et fut naturalisé Français par le roi et la chambre des pairs. Lors du débarquement de Napoléon en 1815, Masséna, d'abord immobile au milieu de l'agitation générale, créa des obstacles, persuada aux Marseillais de rester dans l'inaction, et laissa le temps à l'usurpateur, qu'il aurait pu arrêter à Sisteron, d'arriver jusqu'à Grenoble. Le 10 avril suivant, il-salua par une proclamation le grand Napoléon, et dans un rapport qu'il lui adressa le 14, il avança qu'il avait tout fait pour le servir. Après la bataille de Waterloo, il se rallia å Fouché dans la capitale, et servit puissamment son parti, qui était à la fois contraire à Buonaparte et aux Bourbons. Le gouvernement provisoire le mit à la tête de la garde nationale. Il ne fut ni inquiété ni recherché au second retour du roi. Nommé membre du conseil de guerre chargé de juger le maréchal Ney, il se récusa comme les autres maréchaux. Le 16 février 1816, il fut dénoncé à la chambre des députés, par les habitans des Bouches-du-Rhône, qui demandaient que l'on fit justice de la conduite du commandant de leur division à l'époque du 20 mars 1815; mais cette dénonciation, éloignée par le parti ministériel, n'eut aucune suite. Ce fut en vain que le maréchal publia un mémoire justificatif qui ne trompa que ceux qui étaient disposés à être trompés. Masséna ne survécut pas long-temps à sa honte et à son parjure, il mourut à Paris le 4 avril 1817, dans un état d'épuisement et de décomposition, suite de ses débauches et d'un penchant tardif pour les plaisirs. Ses obsèques furent célébrées avec pompe. Le général

Thiebault prononça son oraison funèbre (insérée dans le Mercure du 12 avril 1817, et imprimée séparément in-8°).

MASSEVILLE (Louis le Vasseur de), né à Jaganville, au diocèse de Coutances, mourut à Valogne en 1733, à 86 ans, après avoir publié l'Histoire sommaire de Normandie, en 6 vol. in-12, dont il y a eu plusieurs éditions: ouvrage faiblement écrit ; mais rare et utile, faute d'un meilleur. Il faut, pour l'avoir complet, qu'il soit accompagné de l'Etat géographique de Normandie Rouen, 1722, 2 vol. in-12. Masseville avait fait encore le Nobiliaire de Normandie ; mais sur les instances d'un directeur, qui sans doute y vit des choses répréhensibles, il jeta son manuscrit au feu dans sa dernière maladie.

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MASSIEU (Guillaume), membre de l'académie des belles-lettres et de l'académie française naquit à Caen en 1665. Etant venu achever ses études à Paris, il entra chez les jésuites. Il en sortit dans la suite, et se chargea de l'éducation du fils de M. Sacy, de l'académie française. L'abbé Massieu contracta alors une amitié étroite avec Tourreil et avec plusieurs autres savans. Il fut nommé, en 1710, professeur en langue grecque au collége royal, place qu'il remplit avec distinction jusqu'à sa mort, arrivée à Paris en 1722. L'abbé Massieu était un homme vrai, simple, modeste, orné seulement de sa vertu et des richesses de son savoir. Profond dans la connaissance des langues anciennes, il en profita pour connaître les génies des plus beaux siècles d'Athènes et de Rome. On a de lui plusieurs savantes Dissertations, dans les Mémoires de l'académie des inscriptions.

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2° Une belle Préface à la tête des OEuvres de Tourreil dont il donna une nouvelle édition en 1721. 3 Il avait entrepris une Traduction de Pindare, avec des notes; mais il n'en a donné que six odes. Le feu et l'enthousiasme de l'original n'a nullement passé dans cette version. On estime davantage les notes que M. de Vauvilliers a jugées propres à orner son Essai de traduction du même poëte. 4° Histoire de la poésie française, in-12, etc. Les recherches curieuses dont elle est remplie et l'élégante simplicité du siyle, rendent cet ouvrage aussi utile qu'agréable. 5° Un Poëme latin sur le café, que l'abbé d'Olivet a publié dans son recueil de quelques poëtes latins modernes. L'ouvrage de l'abbé Massieu ne dépare point cette collection.

répondit-il, bien de l'esprit et du talent; mais si je préche, je ne précherai pas comme eux. Il tint parole: il prêcha, et il s'ouvrit une route nouvelle. Le P. Bourdaloue fut excepté du nombre de ceux qu'il ne se proposait point d'imiter. S'il ne le prit pas en tout pour son modèle, c'est que son génie le portait à un autre genre d'éloquence. Bourdaloue, comme un conquérant redoutable, entraîne, subjugue, force de se rendre aux armes de la raison: Massillon, comme un négociateur habile, procède avec moins de rapidité, avec plus de douceur. L'un s'adresse à l'esprit et le domine: l'autre s'attache à l'âme la captive et l'attendrit. Le premier a la dignité, la force et le feu continu de Démosthènes : le second, l'adresse et l'art de Cicéron. Après avoir prêché son premier Avent à Versailles, il reçut cet éloge de la bouche même de Louis XIV: «Mon père, quand »> j'ai entenda les autres prédicaMASSILLON (Jean-Baptiste), » teurs, j'ai été très-content d'eux. fils d'un notaire d'Hières en Pro-Pour vous, toutes les fois que je vence, naquit en 1663, et entra >> vous ai entendu, j'ai été trèsdans la congrégation de l'Oratoire »mécontent de moi-même.» En en 1681. Ses supérieurs lui ayant 1704, le P. Massillon parut pour soupçonné, pendant son cours de la seconde fois à la cour, et y régence, des intrigues avec quel- parut encore plus éloquent que la ques femmes, l'envoyèrent dans première. Les éloges flatteurs qu'il une de leurs maisons au diocèse y recueillit, n'altérèrent point sa de Meaux. Il fit ses premiers essais modestie. Un de ses confrères le de l'art oratoire à Vienne en Dau- félicitant sur ce qu'il venait de phiné, pendant qu'il professait la prêcher admirablement, suivant théologie. L'Oraison funèbre de sa coutume: Eh! laissez, mon Henri de Villars, archevêque de père, lui répondit-il, le diable me cette ville, obtint tous les suffra- l'a déjà dit plus éloquemment que ges. Ce succès engagea le P. de vous. Les occupations du minisla Tour, alors général de sa con- tère ne l'empêchèrent pas de se grégation, à l'appeler à Paris. livrer à la société; il oubliait à la Lorsqu'il y eut fait quelque séjour, campagne qu'il était prédicateur, il lui demanda ce qu'il pensait des sans pourtant blesser la décence. prédicateurs qui brillaient sur ce S'y trouvant chez M. de Crozat, grand théâtre Je leur trouve, celui-ci lui dit un jour: Mon père,

Il ne faut pas le confondre avec l'abbé MASSIEU, qui nous a donné une bonne traduction de Lucien avec des notes, Paris, 1781 à 1787, 6 vol. in-12.

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