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Estrada, nous a donné sous le titre de Cours éclectique d'économie politique, l'un des traités les plus remarquables qui aient été publiés depuis celui dé J.-B. Say. La méthode de M. Florez Estrada ne manque pas de ressemblance avec celle du célèbre économiste russe, Henri Storch. Il commence par examiner consciencieusement les opinions de ses prédécesseurs, qu'il adopte ou qu'il réfute selon le degré de valeur que cet examen lui a fait reconnaître. C'est ainsi qu'il a ajouté des considérations vraiment neuves aux théories de Malthus sur la population. Sa belle exposition des doctrines de Ricardo sur la rente est accompagnée d'une série d'analyses fines et ingénieuses, qui élèvent ce morceau de critique au rang des créations originales. Nul écrivain n'avait abordé, avant M. Florez Estrada, les questions d'impôt avec cette sagacité profonde qui le caractérise; et quoique l'auteur y ait donné une attention particulière aux impôts établis dans son pays, les hommes d'état de tous les autres pays trouveront dans ce travail des indications utiles et de précieux enseignemens. M. Florez Estrada a démontré jusqu'à la dernière évidence l'inégalité et l'injustice du système fiscal qui pèse aujourd'hui sur toutes les nations de l'Europe, et la nécessité d'y apporter des modifications décisives dans un avenir peu éloigné. Il a complété par des aperçus nouveaux toutes les discussions relatives aux ban

ques, aux papiers-monnaie, à la circulation, en reprenant ces questions au point où les avaient laissées Adam Smith, Ricardo, J.-B. Say et M. de Sismondi. L'économie politique éclectique serait un excellent livre d'étude, si quelques obscurités n'en déparaient pas l'ordonnance simple et sévère. Tel qu'il est néanmoins, ce livre peut-être considéré comme le complément nécessaire de tous ceux qui l'ont précédé : méthodique avec Say, social avec Sismondi, algébriste avec Ricardo, expérimental avec Adam Smith, il diffère à beaucoup d'égards de tous ces grands maîtres et il participe de leurs qualités sans tomber dans tous leurs défauts (1).

Citoyen espagnol, M. Florez Estrada devait naturellement avoir en vue les intérêts de sa patrie, et il a signalé avec une rare netteté les plaies du système économique qui régit l'Espagne depuis CharlesQuint. Les questions relatives aux dimes, aux substitutions, au droit d'aînesse, aux majorats n'ont été traitées nulle part avec plus de supériorité que dans son livre. C'est là qu'on peut étudier mieux encore que dans l'ouvrage de Jovellanos (2), les causes véritables de la décadence de l'Espagne et du dommage qu'ont causé à ce beau pays les mauvaises lois

(1) Le Cours éclectique d'économie politique de M. Florez Estrada, a été traduit en français avec une rare habileté, par M. L. Galibert, directeur de la Revue Britannique.

(2) Informe en el expediente de ley agraria.

économiques dont il est affligé depuis près de trois cents ans. M. Florez Estrada en a fait la critique avec une hauteur de vues qui s'étend jusqu'à l'organisation fiscale des principales puissances de l'Europe; et ses belles analyses de l'influence des taxes sur les diverses industries resteront comme le point de départ obligé de toutes les réformes dont ces taxes sont susceptibles. Tels sont les titres essentiels de l'auteur à la reconnaissance des économistes, et nous regrettons qu'il n'ait pas abordé les questions sociales, sur lesquelles nul n'était plus capable que lui de jeter une vive lumière. M. Florez Estrada appar. tient par ses doctrines à l'école anglaise; il est partisan du système de Malthus, et sa théorie du revenu de la terre n'est autre que celle de Ricardo perfectionnée et illustrée par des comparaisons et des exemples également ingénieux. M. Florez Estrada s'est montré d'ailleurs plus éclectique à l'égard des personnes qu'à l'égard des choses. La production semble avoir beaucoup plus attiréses regards que la consommation, et bien qu'il ait proposé d'ajouter au programme habituel de l'économie politique une division relative aux échanges, sa critique s'est arrêtée devant les complications que fait naître chaque jour le système industriel exagéré par l'Angleterre, et déjà naturalisé en France. La plupart des économistes éclectiques, excepté M. Delaborde, ont partagé cette réserve, que nous appellerions

de la timidité, s'il ne nous était pas démontré que dans l'opinion de ces écrivains, la liberté du travail et celle du commerce devaient suffire pour me ner à bonne fin toutes les difficultés sociales de notre temps. Mais chaque siècle a son problème à résoudre, et quand le moment suprême est arrivé, ce n'est point en hésitant entre des doctrines également impuissantes qu'on peut espérer une solution sérieuse et durable. Dans l'état actuel des choses, l'économie politique éclectique n'est plus qu'une science d'observation, tandis que la marche des événemens exige une économie politique d'action. Quand les gouvernemens, débordés par le flot des intérêts contraires, demandent à la science des réponses catégoriques, celle-ci ne saurait demeurer dans le vague ou se réfugier dans des dissertations il faut agir; il faut exécuter les réformes devenues nécessaires avec cette vigueur impartialé et prudente qui distinguait M. Huskisson. Telle fut la tentative hardie d'une école désormais célèbre, malgré ses erreurs, et dont les essais ont échoué pour avoir manqué de mesure, mais en laissant une trace lumineuse après eux. Cette école est celle de Saint-Simon, qui voulut être à la vieille économie politique ce que l'Assemblée constituante fut à l'ancien régime, et qui a disparu, comme cette Assemblée, dans une tempête.

CHAPITRE XLIII.

De l'économie politique saint-simonienne.

Saint-Simon.

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Hardiesse de ses attaques.

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disciples. Le Producteur. Ce qu'ils entendaient par Industrialisme. Ils fondent une église.

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- Leurs attaques contre l'hé

ritage. -- Vue générale et appréciation de leurs travaux.

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Quand les premiers écrits des Saint-Simoniens. virent le jour, toutes les grandes questions posécs par les économistes attendaient une solution. L'Europe n'avait jamais pris une part plus active à cette polémique, malgré les incertitudes qu'elle traînait à sa suite, et qu'augmentaient chaque jour les débats soutenus par les chefs des diverses écoles. En même temps, l'immense développement de l'industrie, provoqué par la paix générale, avait fait naître des complications nouvelles, auxquelles il fallait remédier par des mesures efficaces et appropriées aux circonstances. Le moment était venu d'agir, comme nous l'avons dit : des plaies nombreuses affligeaient le corps social; le paupérisme

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