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M. Duchâtel sur la Charité; le Nouveau Traité d'économie sociale de M. Dunoyer, si profondément empreint de raison et de philanthropie; le Traité de législation de M. Ch. Comte qui a porté le dernier coup à l'esclavage colonial; l'Économie politique chrétienne de M. le vicomte de Villeneuve-Bargemont, qui a signalé d'une manière si neuve et si remarquable la plaie du pauperisme en Europe; l'Économie politique de M. Droz, qui a fait de la science une auxiliaire de la morale, et l'Essai sur l'esprit d'association par M. Delaborde, auquel nous sommes heureux de recourir aujourd'hui, au milieu du désarroi général de la concurrence illimitée. Ces ouvrages ont déjà puissamment modifié les théories austères de Malthus et les formules algébriques de Ricardo. Indépendans par la forme et souvent par le choix du sujet, ils se lient néanmoins par une pensée commune, qui est le bien-être général des hommes, sans distinction de nationalité.

Je n'ai pas méconnu non plus les services rendus à la science et à l'humanité par l'école saintsimonienne, à l'époque où le bon esprit de ses fondateurs avait su la préserver de l'invasion du mysticisme et des utopies. Cette école a semé en

sées nous permettent d'espérer dans l'avenir le plus prochain. Je n'ai créé aucun système; j'avoue ingénuement que je n'ai pas en portefeuille un plan de régénération et de prospérité universelles. J'ai raconté ce qu'ont fait nos ancêtres et ce qu'ont proposé nos devanciers pour réaliser la partie réalisable de cette généreuse utopie. Un jour, sans doute, j'agrandirai mon livre, si j'obtiens pour ce premier essai le seul succès que j'ambitionne, celui de populariser la science économique, en montrant qu'on en trouve les élémens dans l'histoire des peuples aussi bien que dans les écrits des économistes.

J'ai terminé mon travail par une bibliographie critique des ouvrages d'économie politique les plus importans qui aient été publiés dans toutes les langues européennes. Ce catalogue, assurément, est loin d'être complet; mais il est le plus étendu qui ait paru jusqu'à ce jour, et il peut servir de base à une bibliothèque spéciale assez importante. J'ai lu et annoté la plupart des écrits dont j'ai donné les titres et analysé la substance, de manière que les amis de la science sauront désormais quet est l'esprit d'un auteur, avant de se compromettre

avec lui. On croira facilement que cette partie de ma tâche n'a pas été la moins rude; mais j'espère avoir ainsi réhabilité plus d'un économiste ignoré et fait connaître à nos concitoyens une source féconde de recherches et d'informations. Ce simple catalogue suffirait à lui seul pour prouver que la science est plus ancienne qu'on ne pense et qu'elle était déjà majeure, tandis qu'on la croyait encore au berceau. J'ai hésité un moment si je comprendrais dans ma nomenclature les écrivains vivans, et surtout si je pourrais me permettre de caracté riser impartialement leurs ouvrages; mais leur absence aurait eu plus d'inconvéniens que mon jugement ne me fait courir de hasards, et je me suis déterminé à parler de ces contemporains comme s'ils étaient morts, tout en faisant des vœux pour qu'ils vivent long-temps.

Une raison importante a surtoút motivé ma détermination. La plupart des économistes vivans, sauf quelques exceptions, forment une école nouvelle, aussi éloignée des utopies de Quesnay que de la rigueur de Malthus, et je vois avec une satisfaction philosophique et patriotique que cette école a pris naissance en France et qu'elle se compose

Europe les germes d'une réforme qui éclate de toutes parts; elle a retrouvé les droits de la classe ouvrière, et les a défendus avec un talent et une conviction qui ont dù faire impression même sur ses plus chauds adversaires. Les saint-simoniens ont pu se tromper souvent, comme les économistes du dix-huitième siècle avec lesquels ils ont plus d'un point de ressemblance; mais quoi qu'on ait dit de leurs intentions et de leur moralité, c'étaient avant tout des hommes de cœur et de probité. L'Angleterre elle-même qui les avait raillé les imite, et les nouveaux ouvrages d'économie politique publiés dans ce pays sont tout imprégnés de leurs idées réformatrices. C'est l'école saint-simonienne qui a signalé avec le plus d'énergie les souffrances des classes laborieuses, et si le grand problème du soulagement de ces nombreuses po pulations n'est pas encore résolu, il est resté du moins à l'ordre du jour de tous les peuples civilisés.

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C'est désormais sur ce terrain que doivent se dé cider toutes les questions d'économie politique. Le véritable but de la science est d'appeler désormais le plus grand nombre d'hommes au partage des bien

faits de la civilisation. Les mots division du travail, capitaux, banques, association, liberté commerciale n'ont pas d'autre signification. Telle est, du moins, la tendance de l'école moderne à laquelle je me fais gloire d'appartenir et sous les inspirations de laquelle paraît l'ouvrage que j'offre aujourd'hui au public. Si quelques esprits consciencieux s'étonnaient que j'aie pu renfermer en deux volumes l'histoire d'une science aussi importante et aussi vaste que l'économie politique, je leur répondrais avec un de ses plus illustres fondateurs : (1) « l'histoire d'une science ne ressemble point à une narration d'événemens. Elle ne peut être que l'exposé des tentatives plus ou moins heureuses qu'on a faites à diverses reprises et dans plusieurs endroits différens, pour recueillir et solidement établir les vérités dont elle se compose. Elle devient de plus

en plus courte à mesure que la science se perfectionne. >>

(1) J.-B. Say, Cours complet d'économie politique, tome VI,

P. 352.

Avril 1837.

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