préjugé qui a enfanté tant de guerres et qui a jeté tous les peuples dans la voie dangereuse des industries privilégiées. Non, Colbert n'en fut pas coupable, et c'est en vain que les uns en font honneur et les autres reproche à sa mémoire; Colbert était un homme de haute probité, ennemi de tous les monopoles et le plus rude adversaire des privilèges de tout genre. Jamais ce ministre, qui déjà rêvait l'égale répartition des taxes et qui savait dire à son maître d'austères vérités, n'aurait organisé de fond en comblé le triste régime qu'on a voulu baptiser de son nom. Nous ne citons que pour mémoire les grands travaux qu'il fit exécuter pour agrandir la viabilité de la France, et le canal du Languedoc, cette belle imitation du canal de Briare, qui à laissé si loin derrière lui son modèle. C'est la pensée de Colbert et non le détail de ses œuvres que nous avions à faire connaître; et le simple exposé de ses travaux économiques a dû suffire pour la révéler tout entière. Pendant la durée dé son ministère, Colbert n'a commis d'autres erreurs que celles qui lui étaient imposées, ou qu'un sentiment exagéré d'amour pour son pays lui inspira dans quelques rares circonstances. Tels furent les droits élevés qu'il établit dans son tarif de 1667, dans l'intention d'assurer à la France la production des articles qu'elle tirait du dehors, et encore faut-il le dire, ce tarif ne conte→ nait aucune prohibition absolue. « Colbert avait jugé sagement que la défense d'importer est suffisamment représentée par des droits, surtout lorsqu'ils sont élevés à un certain taux. Alors, en effet, si l'industrie ne sait ou ne veut pas, avee la forte prime que lui accorde le tarif, satisfaire au goût des consommateurs, ceux-ci ont encore le choix des fabrica tions étrangères, en payant un tribut volontaire dont l'État profite, au refus des industriels. Cette liberté restreinte éveille entre les différens peuples une ému, lation d'industrie que le monopole national étouffe au contraire (1). » Assurément Colbert était loin de penser qu'un jour, après que l'industrie française aurait pris rang en Europe, son tarif serait jugé insuffisant et flanqué de prohibitions que lui-même n'avait pas trouvées nécessaires pour la protéger, lorsqu'elle ne faisait que de naître. Il était réservé à notre époque, si justement glorieuse du progrès des manufactures, de réclamer tout à la fois des médailles pour les récompenser et des prohibitions pour les soutenir. Nous serions heureux, sous ce rapport, de rétrograder jusqu'à Colbert et de revenir à ses tarifs; plus heureux encore si nos ambassadeurs recevaient quelquefois de ces fières instructions, comme celles qu'il expédiait à M. de Béziers et à M. de Pompone! Qu'on cesse donc de mettre () M. Bailly, Histoire financière de la France, t. 1, p. 454. 428 Histoire de l'Économie poliTIQUE. sous la protection de Colbert les nombreux monopoles dont la France est aujourd'hui obsédée. Ces monopoles sont l'œuvre des temps malheureux que la génération présente a traversés; ils sont tous posté rieurs au traité de 1786, et issus des grandes guerres de la révolution et de l'empire. Rétablis comme instrumens de haine et d'extermination, ils n'auraient pas dû survivre à la guerre : nous espérons qu'ils ne survivront pas à la paix. FIN DU PREMIER VOLUME. TABLE DES MATIÈRES DU PREMIER VOLUME. CHAPITRE PREMIER. L'économie politique est plus an- CHAPITRE II. De l'économie politique chez les Grecs.- Ce que c'était que le théorique.-Des clérouquies ou pays con- quis. Chaque citoyen se considérait comme rentier de l'état. -Ce qu'il fallait à une famille pour vivre.-Des propriétés pu- bliques. Des mines. - De la monnaie. Le temple de Del- phes est une véritable banque de dépôt. —Quel était en Grèce - CHAPITRE III. Des systèmes essayés ou proposés en Grèce. . CHAPITRE IV. Des colonies grecques et de leurs relations avec la métropole. -Elles ont contribué à répandre dans une grande partie de l'Europe les idées dont le foyer était à Athè- nes et à Sparte. Elles ont été fondées, comme les nôtres, par des émigrations, mais elles ont joui d'une plus grande indé. 35 63 CHAPITRE V. De l'économie politique des Romains, aux différens âges. Ils sont essentiellement guerriers et pillards sous la république.-Ingénieurs et administrateurs sous l'em- pire.-Leur mépris pour le travail. — Immenses dévastations --- CHAPITRE VI. De l'Économie politique chez les Romains CHAPITRE VII. De l'importance des moyens de communi- cation chez les Romains.—Services que leurs grands chemins auraient pu rendre à la civilisation et au commerce.-Esquisse des principales lois romaines en matière d'économie politique. Pages. CHAPITRE VIH. Décadence rapide de l'Empire. Ses prin- cipales causes. - Première apparition du christianisme.-In- fluence des mœurs asiatiques à Constantinople.-Modification dans les idées civiles, religieuses, industrielles, commerciales. 101 CHAPITRE IX. Changemens survenus dans l'économie so- ciale de l'Europe par l'influence du christianisme.-Son orga- nisation vigoureuse et savante-Les monastères créent la vie de communauté. - Le principe religieux donne naissance aux hôpitaux, aux asiles.-Le prêtre est aujourd'hui au-dessous de CHAPITRE X. Des conséquences économiques de l'invasion CHAPITRE XI. Dernières lueurs de civilisation à Constan- tinople sous Justinien.-Cet empereur résume toute la législa- tion des Romains. Ce que c'était que son Code. - Les Pan- dectes. Les Institutes. Les lois de Justinien sont les archives |