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intérêts de leur agrandissement et de leur politique que du bien-être des peuples.

Il fallait bien que le protestantisme renfermât dans son sein des germes féconds d'avenir, puisque partout où il s'est établi les populations ont contracté des habitudes plus régulières, des mœurs plus austères, une propension plus prononcée vers le travail. Comparez la Hollande et le Portugal, l'Angleterre et l'Espagne, l'Allemagne luthérienne et l'Allemagne catholique: quel contraste sous le rapport des lumières, de la richesse et de la moralité! Quelle différence entre la vie qui règne chez les uns et la langueur où végètent les autres! On en peut bien juger désormais en Amérique, où la civilisation semble avoir établi ses deux extrêmes: les États-Unis du nord sont parvenus au plus haut degré de prospérité sous l'influence du libre examen et avec des populations protestantes; les républiques du sud, malgré les avantages naturels de leur climat et la richesse de leur sol, n'ont pu encore établir un gouvernement régulier à cause de leurs préjugés catholiques. L'oisiveté et la mendicité y règnent toujours comme dans leur ancienne métropole, tandis que le travail des Américains du nord a mis les forêts en culture et peuplé les déserts de villes opulentes en moins de cinquante ans. Malheureusement, le protestantisme, si habile à multiplier la richesse, n'a pas encore trouvé le se

cret de la distribuer avec impartialité parmi toutes les classes qui la produisent. Il a brisé le lien qui unissait les nations chrétiennes, et substitué l'égoïsme national à l'harmonie universelle où tendait le catholicisme. Il n'y a plus aujourd'hui en Europe de pensée commune en état de rallier les esprits et les convictions. En industrie, en politique, en philosophie, en religion, les idées flottent au gré du souffle des révolutions. Chaque jour on défait l'ouvrage de la veille. Les peuples se disputent les débouchés et se font concurrence, au lieu de s'associer sous l'empire de leurs besoins et pour l'échange de leurs produits respectifs. Je désire avant tout être juste; mais je ne puis m'empêcher de reconnaître que si le vieux catholicisme n'a pas su se mettre à la tête de la production des richesses, on n'a point à lui reprocher cette sécheressc de doctrines en vertu de laquelle la distribution s'en fait d'une manière si peu équitable dans les pays protestans. Il faut donc qu'aujourd'hui ce soit la science qui se charge des fonctions de ce grand sacerdoce, en prêchant la paix et la solidarité aux nations, et en leur démontrant que leurs intérêts sont communs, malgré l'apparente opposition qu'ils présentent. Cette vérité ressortira plus frappante d'un rapide examen du système colonial.

CHAPITRE XXIII.

Des conséquences de la découverte du Nouveau-Monde et du système colonial des Européens dans les deux Indes.

Les grands profits que les Vénitiens retiraient de leur commerce avec l'Inde, avaient excité depuis long-temps l'émulation et la jalousie des autres peupics. Pendant toute la durée du quinzième siècle, les Portugais n'avaient cessé de chercher une route qui les conduisit par mer aux pays d'où les Maures leur apportaient, à travers le désert, de l'ivoire et de la poudre d'or. Ce fut ainsi que d'escale en escale le long des côtes d'Afrique, Vasco de Gama s'avança jusqu'au cap de Bonne-Espérance et découvrit les rivages de l'Indostan, en 1497, après une navigation de onze mois. Cinq années auparavant, Christophe Colomb abordait en Amérique et dotait sa patrie et le monde d'un nouvel hémisphère.

L'Europe se trouve donc tout-à-coup et sans préparation lancée dans la voie des conquêtes coloniales, qui devaient exercer une influence si profonde sur ses destinées.

On ne saurait comparer avec exactitude le sys tème qu'elle suivit à leur égard, avee celui qui dirigea les Grecs et les Romains dans leurs établissemens du même genre. Les colonies grecques s'étaient généralement peuplées de citoyens forcés de s'expatrier par la violence des factions ou par l'impossibilité de trouver une existence suffisante dans leur pays. On a vui que ces colonies jouissaient d'une certaine indépendance, et que la plupart d'entre elles devinrent de véritables empires. Les colonies romaines s'étaient élevées sur des bases différentes : leur administration intérieure, moins indépendante que celle des possessions grecques, était modelée sur le régime de la métropole, qui les considérait tout à la fois comme des asiles pour les citoyens pauvres ou mécontens et comme des avant-postes militaires en pays étranger. Rien de pareil ne se retrouve dans la pensée qui inspira les expéditions espagnoles et portugaises, et qui a dirigé, depuis, tous les établissemens des Européens dans les deux Indes. C'est à la recherche de l'or et des richesses que Vasco de Gama et Christophe Colomb, ces sublimes aventuriers, couraient avec une persévérance héroïque, quand ils arrivèrent sur ces rivages où

leur apparition devait faire couler tant de sang et de larmes. On n'a qu'à lire le récit de leurs premiers exploits pour se convaincre que leur but n'était ni de civiliser, ni même, quoiqu'ils l'aient dit, de convertir les populations; mais de les dépouiller, en les exterminant au besoin.

Lorsque Christophe Colomb revint en Europe et qu'il fut présenté en grande pompe à la cour de Castille, ce qui frappa le plus agréablement ses illustres hôtes, ce fut une collection de lames d'or, de bracelets d'or, de morceaux d'or, mêlés à quelques balles de coton, qu'il apportait avec lui des pays nouvellement découverts. Fernand Cortez et Pizarre ne cherchèrent pas autre chose dans leurs audacieuses expéditions au Mexique et au Pérou, et l'on sait quelles furent leur surprise et leur joie à la vue des trésors qu'ils allaient conquérir. C'est l'amour de l'or qui a conduit ces courageux flibustiers aux extrémités du monde, et qui leur a fait surmonter les plus formidables obstacles. Partout où ils mettaient le pied, ils demandaient des nouvelles de l'or et ils se rembarquaient lorsqu'il n'y en avait pas à ravir. C'est à cette cause qu'on doit attribuer principalement l'extrême lenteur du progrès des colonies espagnoles. L'or et l'argent accumulés par les indigènes furent bientôt épuisés, et les flots d'émigrés qui suivirent la conquête employèrent toute leur activité aux travaux générale

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