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aimait mieux recourir à des augmentations ou à des créations d'impôts, même sur la propriété foncière, quand les besoins de l'état devenaient trop pressans. Le temple de Delphes, celui de Délos prêtèrent plus d'une fois une partie des sommes qui leur avaient été confiées. On décrétait de temps en temps des anticipations d'impôt qui devaient être supportées par les riches, véritables emprunts forcés assez semblables à ceux que nous avons vus de nos jours. Enfin on alla jusqu'à créer une monnaie fictive de fer qui fut considérée comme réelle, et au moyen de laquelle on remplaça les espèces d'or et d'argent exportées par le commerce extérieur, jusqu'au moment où la monnaie de fer fut rachetée et annulée, à l'instar de nos assignats. Puis vinrent des altérations de monnaies plus honteuses et plus déplorables, des alliages d'argent et de plomb, d'argent et de cuivre, expédiens ordinaires des gouvernemens aux abois; mais ces écarts furent toujours de peu de durée, et si l'on excepte Sparte où la monnaie consista long-temps en barres de fer lourdes et grossières, par des motifs inhérens à la constitution de cette république utopique, la Grèce n'a cessé de se montrer fidèle à la réputation de son système monétaire.

Les hommes d'état de ce pays ont toujours attaché une grande importance aux affaires de finances. C'était une science difficile dans un temps où les

dettes publiques ne permettaient pas de grever l'avenir des charges du présent. Les dépenses extraordinaires pesant de tout leur poids sur le contribuable, il fallait s'ingénier de mille manières pour ne pas atteindre le capital, et par conséquent la production dans sa source. Malheureusement l'intervention populaire, souvent peu éclairée, donna lieu à de graves dilapidations; les monumens des arts s'élevèrent avec profusion pour satisfaire la vanité nationale; l'habitude de vivre aux dépens des alliés détourna les citoyens des voies régulières du travail. L'existence de l'état dépendait donc ainsi de l'extérieur, et devenait par conséquent très incertaine. C'est ce qui avait frappé Xénophon lui-même, lorsqu'il écrivit son traité des revenus de l'Attique, dont nous aurons bientôt occasion de parler.

Un semblable système devait nécessairement exercer une grande influence sur les mœurs des habitans de la Grèce. Les Athéniens étaient enclinsau jeu et à l'oisiveté; on les voyait souvent assis devant les portiques de leurs nombreux monumens, raisonner d'affaires politiques, discuter les nouvelles du jour, puis visiter les boutiques, les marchés et les bains publics, une canne à la main. Quelquefois ils se faisaient suivre par un esclave portant un pliant qu'ils déployaient pour s'y asseoir quand ils étaient fatigués. Leurs repas étaient généralement somptueux,

et le pain qu'on vendait, même aux plus simples ouvriers, était d'un goût exquis et d'une blancheur éblouissante. Leurs marchés étaient fournis de gibier, de poisson, de légumes et de fruits de toute espèce. A Sparte, c'était tout le contraire, et cependant les conséquences du système lacédémonien different peu de celles des habitudes d'Athènes. Les Spartiates ne se sont jamais élevés à la hauteur d'une nation civilisée, parce qu'ils ont cherché à étouffer tous les besoins, et les Athéniens en sont promptement descendus pour avoir voulu les satisfaire à tout prix, et s'en créer chaque jour de

nouveaux.

« Si l'on jette les yeux sur l'ensemble de l'économie politique des Athéniens, à laquelle ressemblaient plus ou moins les systèmes financiers des autres Grecs qui jouissaient de la liberté, à l'exception de Sparte, on reconnaît que beaucoup de ses parties étaient calculées avec sagesse. Les Grecs n'étaient ni pauvres ni indifférens pour les richesses; mais la masse des métaux précieux en circulation n'était pas aussi considérable que dans les états de l'Europe moderne, et l'on faisait en conséquence beaucoup de choses avec peu d'argent; comme les biens donnaient d'assez forts revenus, les particuliers pouvaient supporter des charges élevées. Athènes fit de nobles dépenses pour le culte des dieux, pour perpétuer les pensées géné

reuses et les grandes actions par des monumens qui manifestaient un sentiment exquis des beauxarts. Mais les distributions et les salaires engendrèrent l'oisiveté; le peuple se persuada que l'état devait le nourrir, et que son unique occupation devait être de diriger l'administration générale. C'était comme un problème pour les hommes publics de rechercher comment ils pourraient enrichir le peuple, non par le travail et l'industrie, mais en lui sacrifiant les revenus de l'état; car on regardait la chose publique comme une propriété commune, qui devait être partagée entre les particuliers (1).. >>

(1) Boeckh, Économie politique des Athéniens, liv. 1v, chap. xx1.

CHAPITRE III.

Des

Des systèmes économiques essayés ou proposés en Grèce. lois de Lycurgue.- République de Platon.-Économiques de Xénophon.-Politique d'Aristote.

Nous ne pensons pas qu'on ait hasardé en aucun pays du monde un système d'économie politique aussi extraordinaire que les lois de Lycurgue à Sparte. La règle la plus austère d'une communauté, les réformes les plus radicales décrétées par la convention nationale, les utopies harmoniques des Owenistes, et, dans ces derniers temps, les prédications aventureuses du saint-simonisme n'ont rien qui puisse être comparé à ces lois, en fait de hardiesse et d'originalité. Elles semblent le rêve d'un contemplateur plutôt que le fruit des méditations d'un homme d'état, et cependant elles ont eu une existence assez longue, et elles ont pénétré assez profondément dans les mœurs d'un peuple célèbre pour occuper une place dans l'histoire de la science. Le principal caractère qui les distingue, c'est d'avoir été, pour ainsi dire, improvisées et ap

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